Attention, sujet inflammable ! Hier mercredi, les conditions d'application de nouvelles règles concernant l'octroi des autorisations de découvert bancaire, dévoilées lundi par MoneyVox, ont déclenché une tempête médiatique et politique. En toile de fond, la perspective d'une « interdiction » de l'accès au découvert autorisé pour les ménages les moins solides financièrement. Soit précisément ceux qui en ont le plus besoin pour boucler leurs fins de mois sans déclencher d'incidents de paiement très coûteux.
« Bombe sociale » : les réactions aux nouvelles règles pour les découverts en novembre 2026
Le tir le plus nourri est venu de La France Insoumise. « Etre à découvert sera bientôt quasiment interdit ! » s'est indigné son leader, Jean-Luc Mélenchon, dans un billet de blog. « Les clients d'une banque devront demander une autorisation à chaque fois qu'ils en ont besoin. Et le banquier décidera pour chaque personne. » « Nous avons tout fait pour empêcher l'ordonnance Macron qui interdit les découverts bancaires », a enchaîné la vice-présidente de l'Assemblée nationale Clémence Guetté sur le réseau social X.
Dans la soirée, le gouvernement a cru bon de publier une mise au point indiquant que ces nouvelles règles avaient été concertées « avec les associations de consommateur et les professionnels », et qu'elles ont « un impact limité par rapport à ce qui existe actuellement en matière de découverts ».
Cet emballement est-il justifié ? Y a-t-il vraiment un risque d'interdiction du découvert ? Tentons d'y voir plus clair.
Qu'est-ce qui va changer en novembre 2026 ?
La date du 20 novembre 2026 souvent évoquée correspond à l'entrée en vigueur d'une ordonnance datée du 3 septembre 2025. Un texte voté pour permettre la transposition, dans le droit français, les dispositions issues d'une directive européenne datée, elle, du 18 octobre 2023.
Ce texte englobe, de fait, dans le champ couvert par la réglementation sur le crédit à la consommation, les autorisations de découvert d'un mois ou moins. Le sujet est particulièrement sensible en France, car ce produit est largement distribué par les banques - il équipe près de 8 Français sur 10, selon un sondage commandé en 2024 - et depuis longtemps. Ce n'est pas le cas dans la plupart des autres pays de l'Union européenne.
Le changement de règles est-il une volonté du gouvernement ?
Non, le gouvernement français n'est pas à l'initiative de ces changements. L'ordonnance incriminée ne fait que transposer en France des mesures décidées à l'échelon de l'Union européenne. Cette directive s'est, en effet, donnée un objectif : harmoniser dans l'Union européenne les pratiques en matière de distribution de crédits à la consommation, dans le sens d'une meilleure protection des usagers. Elle prévoit notamment un encadrement de la distribution des mini-crédits instantanés et du paiement fractionné. Ces deux produits très populaires, accusés de pousser aux achats impulsifs, échappent aujourd'hui au cadre protecteur du crédit conso, notamment en matière d'information et de prévention du surendettement.
Par ailleurs, la plupart des dispositions votées n'auront qu'un impact mineur sur la réglementation française, déjà très protectrice des consommateurs. Elle va, en revanche, faire avancer leur protection dans de nombreux pays où le cadre de distribution du crédit conso était beaucoup plus lâche.
Qu'est-ce qui risque de changer pour les autorisations de découvert ?
A compter du 20 novembre 2026, les banques qui accordent ce type de « facilité de caisse » devront, en amont, mieux informer l'usager sur son fonctionnement et son coût, mais également procéder à une étude de sa solvabilité, c'est-à-dire à une évaluation - sur la base de l'analyse des revenus, des charges et du patrimoine - de la capacité du consommateur à rembourser les sommes prêtées par la banque dans le délai imparti. Car, il faut le rappeler, le découvert n'est pas un revenu d'appoint, mais une avance remboursable, accordée par la banque pour couvrir un décalage ponctuel de trésorerie sans subir de coûteux incidents de paiement.
C'est, selon le maître de conférences en droit bancaire Jérôme Lasserre Capdeville, la seule véritable nouveauté du texte concernant les découverts : « Il résulte de l'article 5 de l'ordonnance n° 2025-880 du 3 septembre 2025 que les opérations consenties sous la forme d'une autorisation de découvert remboursable dans un délai d'un mois ne bénéficieront plus, à partir du 20 novembre 2026, d'une dérogation à l'application du droit du crédit à la consommation », écrit-il sur le réseau social LinkedIn. En clair, ce serait la fin d'une exception qui permettait jusqu'ici aux banques d'accorder ces facilités de caisse à leurs clients sans nécessairement examiner leur situation budgétaire.
L'ordonnance de transposition interdit-elle le recours au découvert ?
Clairement, non. Le texte se contente de poser un nouveau cadre réglementaire - certes plus contraignant pour la banque et, potentiellement, pour l'usager - pour l'octroi de ces facilités de caisse.
Est-ce la fin des découverts « automatiques » ?
Tout dépend de ce que l'on entend par « automatique ». Dans leur communication, les banques - par la voix notamment de leur association professionnelle, la Fédération bancaire française (FBF) - expliquent que « le découvert n'est jamais automatique : il est toujours nécessaire que la banque l'accorde en fonction de la situation du client. » Effectivement, le découvert n'est pas un droit pour l'usager, mais une facilité accordée, ou non, par sa banque.
Dans les faits, toutefois, la situation financière du client n'est pas systématiquement examinée en détail, dans le cas de l'octroi de facilités de caisse (un mois ou moins) de petits montants. Et pour cause : les banques, jusqu'ici, n'en avait pas l'obligation.
En septembre 2023, nous avions interrogé les principales banques de détail françaises sur le sujet. A l'époque, certaines accordaient bien « automatiquement » des facilités de caisse à leurs nouveaux clients : 100 euros chez BNP Paribas ou BoursoBank, 200 euros chez Fortuneo (pour les clients optant pour la carte Gold, justifiant donc d'au moins 1 800 euros de revenus mensuels), 300 euros chez Hello bank (pour les clients optant pour la formule haut de gamme Prime)...
Comment votre banque fixe-t-elle le montant de votre découvert autorisé ?
Faudra-t-il faire une nouvelle demande à chaque découvert ?
Non, la directive ne remet pas en cause le principe du découvert autorisé. Soit une autorisation, permanente mais limitée en montant et dans le temps, de passer le solde de son compte en négatif sans déclencher d'incidents de paiement.
Les ménages fragiles pourraient-ils perdre l'accès au découvert autorisé ?
C'est possible. Sans doute pas pour les anciennes autorisations. Les nouvelles dispositions, en effet, ne s'appliqueront pas que pour les nouvelles autorisations, accordées à compter du 20 novembre 2026. Les banques conserveront toutefois le droit d'annuler l'autorisation, en respectant un délai de préavis et en permettant à l'usager d'échelonner sur 12 mois le remboursement de sa dette, et gagneront le droit de décider unilatéralement d'une baisse du montant de l'autorisation, dans les mêmes conditions.
En revanche, l'introduction d'une étude de solvabilité au moment de l'octroi d'une nouvelle facilité de caisse, quel que soit son montant, devrait avoir des répercussions pour les ménages les plus fragiles et/ou les endettés. « On peut donc craindre que les personnes les moins aisées économiquement, c'est-à-dire celles qui ont du mal à finir les fins de mois, se voient opposer bien plus fréquemment un refus de crédit », anticipe Jérôme Lasserre Capdeville, toujours sur LinkedIn. « Cette situation pourrait alors entraîner une détérioration de leur situation financière et, probablement, une augmentation du nombre des clients de banque fragiles (4,3 millions à l'heure actuelle). »
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