« Non à l'interdiction des découverts bancaires ». C'est le titre d'une pétition publiée sur change.org par Clémence Guetté qui, à l'heure d'écrire ses lignes, avait récolté près de 63 300 signatures. La vice-présidente de l'Assemblée nationale, députée et responsable du programme de la France Insoumise (LFI), y appelle à la mobilisation contre l'entrée en vigueur, le 20 novembre 2026, d'un texte législatif, une ordonnance destinée à transposer dans le droit français une directive européenne sur les crédits à la consommation (1). Selon LFI, en effet, ce texte risque de fermer l'accès de certains usagers à l'autorisation de découvert, soit à la possibilité de mettre leur compte en position débitrice sans déclencher d'incidents de paiement.

Dans une vidéo, Jean-Luc Mélenchon développe. « Si vos charges dépassent 30% de vos revenus, vous serez interdit de découvert bancaire », explique le fondateur de LFI. Une référence au « taux d'endettement », qui est considéré par les prêteurs pour apprécier la capacité d'un emprunteur à rembourser un crédit, immobilier ou à la consommation.

Devant l'Assemblée, le 4 novembre dernier à l'occasion des questions au gouvernement, ces alertes ont été dénoncées comme des « fausses nouvelles » par le ministre de l'Economie et des Finances, Roland Lescure. LFI, pourtant, n'est pas seule à exprimer des craintes. Tout en battant en brèche l'idée d'une « interdiction » du découvert, certains spécialistes du droit bancaire anticipent également un durcissement de l'accès au découvert pour certaines catégories de population.

Compte bancaire : « Durcir l'accès au découvert n'est pas le bon angle d'attaque »

Qu'est-ce qui va précisément changer ?

Qu'en est-il exactement ? Rappelons, pour commencer, que l'autorisation de découvert n'est pas un droit, et que son octroi n'est pas « automatique », comme on a pu l'entendre. En cela, rien ne change : les banques sont, et resteront, autorisées à refuser une autorisation de découvert, sans avoir à se justifier.

Actuellement, l'expression « découvert autorisé » recoupe en réalité plusieurs types de créances, qui ne sont pas encadrées de la même manière. Il faut distinguer, notamment, les découverts remboursables dans un délai de un à trois mois et les découverts remboursables sous 30 jours. Pour les premiers, rien ne va changer, affirme la Fédération bancaire française, porte-parole du secteur bancaire.

Pour les seconds, celles qu'on appelle parfois les « facilités de caisse » et qui équipent la grande majorité des usagers, la vérification de la solvabilité, aujourd'hui optionnelle, va en revanche devenir obligatoire, mais uniquement pour les nouvelles demandes de découvert. Au-delà de 200 euros, les banques devront également consulter le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP).

Un risque d'interdiction du découvert bancaire ? Le vrai du faux

En quoi consiste la vérification de la solvabilité ?

Il s'agit d'estimer si la situation financière d'un emprunteur lui permettra d'assumer ses échéances de remboursement. C'est donc, il faut le rappeler, une mesure protectrice à la fois de la banque (qui prévient d'éventuels impayés) et du consommateur (qui est empêché de se « surendetter »).

Comment s'y prennent les banques pour « scorer » le candidat à l'emprunt ? La procédure varie selon les établissements. Mais le principe de base consiste à récolter des informations sur les charges fixes supportées par l'emprunteur (loyers, mensualités de crédit, pensions alimentaires, etc.) et sur ses revenus nets (salaire, allocations, etc.). Cela permet, notamment, de calculer son taux d'endettement, c'est-à-dire le rapport, exprimé en pourcentage, entre ses charges et ses revenus.

Ainsi, ce qui est communément accepté comme une bonne gestion des risques consiste à ne pas dépasser un taux d'endettement de 30% environ. Autrement, à ne pas mettre un emprunteur en situation de consacrer plus d'un tiers de ses revenus au paiement de ses charges fixes.

Un taux d'endettement de 30% ou plus interdira-t-il l'accès au découvert ?

C'est précisément ce qui inquiète LFI et certains observateurs pour les futures autorisations de découvert : que les clients ayant déjà atteint ce taux d'endettement de 30% (parce qu'ils remboursent un crédit immo élevé par rapport à leurs revenus et/ou supportent déjà un crédit auto ou une LOA, par exemple) se retrouvent interdits de découvert si l'analyse de solvabilité devient obligatoire pour toutes les autorisations, quels qu'en soient le montant et la durée.

Cela sera-t-il le cas ? C'est possible, mais pas certain, et cela dépendra probablement des banques. Ces dernières, en effet, sont libres de placer le curseur où elles le veulent. « Les textes n'indiquent pas de taux d'endettement à respecter, c'est l'étude de solvabilité, notamment la connaissance client, le fonctionnement du compte, qui permettra aux établissements d'accorder ou non une autorisation de découvert, comme aujourd'hui », a répondu la FBF.

Rappelons toutefois qu'une facilité de caisse, ligne de crédit ponctuelle et remboursable à très court terme, est très différente, dans son principe, d'un crédit conso ou immo. Il paraît donc peu probable que les banques utilisent exactement les mêmes critères d'octroi. D'autant que les nouveaux textes réglementaires leur demandent d'appliquer à leur analyse de solvabilité un « principe de proportionnalité ».

En quoi consiste le principe de proportionnalité ?

L'idée est de proportionner l'analyse de solvabilité au montant et à la durée de l'autorisation de découvert. En clair, de ne pas appliquer les mêmes critères, notamment en termes de taux d'endettement, à une facilité de caisse de 200 euros remboursable sous 30 jours qu'à une autorisation de découvert de 1 000 euros remboursable sous 3 mois.

L'application de ce principe, toutefois, pourrait être différent d'un établissement à l'autre. « C'est en effet un principe dont la responsabilité de sa mise en œuvre revient à chaque acteur », a confirmé la FBF à MoneyVox. « Ainsi chaque banque, en fonction de sa politique d'octroi de crédit et de risques, déterminera comment appliquer à partir de novembre 2026 ce principe de proportionnalité indiqué dans les textes. » En clair, demain comme aujourd'hui, chaque banque conservera une large marge de manœuvre, dans un sens (le durcissement) comme dans l'autre.

(1) Directive (UE) 2023/2225 du 18 octobre 2023 relative aux contrats de crédit aux consommateurs