« Bonjour ! Je vous propose de faire un point sur votre situation financière. » Qui n'a pas reçu un jour ce type d'appel de son banquier ? De quoi susciter des réactions diverses : l'inquiétude en cas de difficultés ; l'agacement, quand ses finances sont stables ; l'intérêt, lorsque l'on porte un projet d'épargne ou de crédit. Dans tous les cas, on a tendance à accepter.

Or malgré l'idée reçue, les sollicitations ne sont pas des « convocations », annonce Meriem Jammali, présidente de l'association de consommateurs « SOS Litiges Banques et Assurances ». « Voir son banquier n'a rien d'obligatoire ! Ce sont des rendez-vous de courtoisie. » Mais s'il c'est difficile de dire non, c'est que le professionnel a accès à une part de notre intimité : les secrets de nos finances. « C'est une situation particulière, asymétrique », analyse Corinne Lamoussière-Pouvreau, juriste spécialisée banque/argent à l'Institut national de la Consommation (INC).

En théorie, la collaboration devrait être « équilibrée et équitable », reprend Meriem Jammali. Le rôle du banquier est d'« orienter le client, sans l'influencer ni prendre des décisions à sa place ». Toutefois, sa position n'est pas neutre, signale la juriste de l'INC. « Il est là pour conseiller, mais il ne faut pas oublier que cela reste un commercial. » Dont les objectifs et la rémunération dépendent en partie de ses ventes.

Pourtant, la présidente de « SOS Litiges Banques et Assurances » assène un principe fondamental : « le conseiller est simplement un gestionnaire de votre compte et votre argent. Il n'est pas supérieur au client. » Et malheureusement, « c'est là où cela coince parfois. Il peut agir comme s'il avait un pouvoir divin sur la vie financière. Certains se permettent de juger, de donner des leçons de morale. Cela ne doit pas se passer ainsi ! »

Malgré tout, ce n'est pas toujours facile d'équilibrer les choses. « Cela dépend du facteur humain, glisse Corinne Lamoussière-Pouvreau. Il y a des gens plus à l'écoute que d'autres. »

Selon elle, l'enjeu est d'en faire « un allié ». En se montrant sincère, puisque la banque a toutes les informations sur nous. Mais en n'oubliant pas que le « pouvoir » est en fait partagé. Comment établir un lien constructif et trouver un langage commun ? Dans plusieurs cas de figure, voici des conseils pour bien se préparer.

Cas 1 : En cas de difficultés financières.

C'est une situation où il ne faut pas hésiter à contacter son agence. « Le conseil, c'est de ne pas faire l'autruche », tranche Corinne Lamoussière-Pouvreau. « Il est important de prendre les devants avant de s'enfoncer dans le rouge. » Car si l'on fait la « sourde oreille », Meriem Jammali rencontre des clients victimes de « sanctions » sans sommation : annulation du découvert, suspension de la carte bancaire. Voire, dans des cas extrêmes, une résiliation du compte. « Ils en ont le droit », certifie l'actrice associative. Deux types de situations existent :

-Si l'incident est inhabituel. Retard de salaire, coup dur de santé... Quand les difficultés sont passagères, les choses seront plus faciles. « Le rendez-vous est l'occasion d'argumenter sur l'origine des difficultés, les perspectives d'amélioration de la situation, détaille Meriem Jammali. Le banquier a besoin de connaître votre histoire, votre parcours. » Il sera ainsi plus enclin à mettre en place des solutions « amiables ».

Comment s'y préparer. Jouer carte sur table, et préparer quelques documents étayant la situation. En restant bien sûr « positif et courtois ».

-En cas de soucis importants. Si les problèmes sont récurrents, les choses se corsent. L'INC préconise de solliciter une association de consommateurs avant sa banque. « Il existe également les Points conseil budget. » Répartis partout en France, ils proposent « écoute et neutralité. Des experts des finances personnelles vont proposer un bilan du budget, étudier ce qui peut être négocié, comme un étalement des créances ». Le sujet majeur, ce sont les frais d'incidents, qui peuvent atteindre légalement 80 euros par mois. Soit près de 1000 euros par an ! « Il faut essayer de négocier, explique Meriem Jammali. Les banques peuvent faire un petit geste, un remboursement partiel. » L'accord n'est pas systématique, nuance Corinne Lamoussière-Pouvreau. « Comme les choses sont automatisées, c'est difficile. Les conseillers ont de moins en moins de marge de manœuvre. » Dans pareil cas, le pouvoir du banquier est immense. Le facteur humain sera déterminant.

Comment s'y préparer. La nature des dépenses sera un élément déterminant. Si le conseiller peut consentir des aménagements pour « des frais de voiture ou d'éducation des enfants », Meriem Jammali prévient : en cas d'achats « futiles », voire « inconsidérés », l'échange sera plus complexe. « La seule solution, c'est alors de promettre que l'on va changer de comportement. Mettre en place des solutions concrètes pour s'en sortir. » On peut tenter de demander un plan d'apurement, « à la discrétion du banquier ».

Une autre solution, c'est l'offre clientèle fragile. Gratuite et non obligatoire, elle ne prévoit pas de découvert, un plafonnement des frais à 25 euros par mois, une carte à autorisation systématique... « Il ne faut pas hésiter à la demander », lance Corinne Lamoussière-Pouvreau. Quand les incidents sont récurrents, la banque est tenue de la proposer... Mais ce n'est pas toujours le cas. C'est alors une situation de « défaut de conseil ». Les associations peuvent porter le dossier devant la Banque de France pour demander la récupération d'une partie des frais.

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Cas 2 : Quand tout va bien

Les banques ciblent fortement les clients qui ont des situations stables et n'ont besoin de rien. Dès lors, comment réagir à un appel ? « Si l'on n'a pas de difficultés ni de nécessité, il ne faut pas sentir obligé », rétorque Corinne Lamoussière-Pouvreau. Car « faire un point » annonce souvent une « démarche commerciale ». « C'est l'occasion d'essayer de faire souscrire certains produits : ouvrir un livret, proposer un crédit, une assurance auto ou habitation... » Mais Meriem Jammali estime qu'il n'est pas inutile de voir son banquier de temps en temps, « pour entretenir de bonnes relations ».

Comment s'y préparer. C'est l'occasion de réfléchir à ses besoins en épargne et assurance, de revoir ses relevés bancaires. Mais attention : les propositions peuvent être adaptées au client... ou aux objectifs du conseiller ! Les litiges traités par SOS sont souvent liés à des produits suggérés trop rapidement. « Certains cherchent à faire du chiffre, du placement de produits, en fonction de leurs commissions. » Récemment, elle a ainsi accompagné une personne, dont l'épargne était placée sur des livrets règlementés, en vue d'un projet immobilier. « Son conseiller le convoquait tout le temps, pour déplacer cet argent. » Il a proposé d'investir en SCPI, le client lui a fait confiance. » La valorisation des parts a chuté, mettant en danger son achat de résidence principale ! « Il faut être vigilant sur les produits techniques, que l'on ne comprend pas. »

Si l'offre est convaincante, la juriste de l'INC intime de ne pas signer tout de suite. « Il est bon de regarder les frais sur le site de la banque, de comparer. » Mal connue, la page officielle www.tarifs-bancaires.gouv.fr permet de vérifier les tarifs des établissements. Corinne Lamoussière-Pouvreau signale d'ailleurs que les offres packagées ou assurances complémentaires ne sont pas toujours pertinentes. « Souvent, on se voit proposer quelque chose sans savoir ce que cela couvre. Il est nécessaire d'avoir le maximum d'infos. »

Les banques en ligne et leurs tarifs très compétitifs peuvent servir de levier de négociation pour obtenir quelques avantages. « Et si l'on trouve de meilleures conditions ailleurs, on peut choisir de changer », conclut Meriem Jammali. Car elle est formelle : « dans le monde bancaire, la fidélité ne paye pas ! »

Banque en ligne : le comparatif des offres

Cas 3 : Quand on a besoin d'un crédit

La demande de financement met typiquement le conseiller bancaire dans une situation de pouvoir sur son client. Il faut donc se préparer à convaincre. Meriem Jammali compare d'ailleurs cela à un « entretien d'embauche » !

Comment s'y préparer. « Dans l'idéal, il faut avoir un profil impeccable. Bien s‘habiller, bien parler. Montrer au banquier qu'on est responsable, qu'on pourra honorer le prêt. » Un dossier sera toujours mieux accueilli s'il est « réaliste par rapport à la situation financière. Il est important de déterminer ses capacités d'emprunt et de remboursement mensuel. » Corinne Lamoussière-Pouvreau ajoute que l'accord peut être plus simple à obtenir si l'on a préparé scrupuleusement ses papiers : relevés bancaires et d'impôts, justificatifs de domicile et de situation professionnelle...

Sans oublier des éléments pour présenter le projet. « Il faut montrer qu'il est sérieux, expliquer à quoi va servir l'argent, reprend-elle. Tout peut s'argumenter. » À l'inverse, si le client a connu des incidents récents, ou procédé à des dépenses exagérées, le risque de refus, ou à minima de taux majoré est fort. Il est peut-être alors plus sage de patienter quelque temps, le temps de présenter des comptes plus « sains ».

Avec un bon profil, une banque a moins de raisons d'être frileuse. Ce qui n'empêche pas d'être vigilant. « Il est important de regarder les taux immobiliers pratiqués en ligne par des sites sérieux. » Les intérêts d'un crédit sont toujours négociables. L'un des critères déterminants, ce sera de souscrire à l'assurance de prêt de la banque. Meriem Jammali conseille d'accepter. « La Loi Lemoine permet de changer d'assurance dès le déblocage des fonds. » Et une fois l'argent prêté, le banquier ne peut plus rien dire !

Souvent, l'accord est conditionné au rapatriement des comptes au sein de l'établissement, voire l'acceptation de produits complémentaires. C'est évoqué de manière implicite, car depuis 2019, la loi interdit d'imposer ces conditions pour l'octroi du crédit. « Certaines banques font parfois un peu de forcing », dénonce-t-on chez l'INC. Que ce soit légal ou non, il est complexe de décliner : cela peut entraîner selon Corinne Lamoussière-Pouvreau « le refus du crédit, ou un taux moins intéressant. Il faut faire ses calculs. » Car gagner quelques points de base sur un prêt immobilier, cela représente des milliers d'euros d'économies ! Et c'est même une opportunité pour négocier de meilleures conditions pour ses comptes.

La présidente de SOS Banques note un élément essentiel : il faut poser toutes les questions possibles dès le premier rendez-vous. Comme les conditions du taux, les paliers, l'amortissement... « Car le moindre changement sur le contrat supposera un avenant, et donc des frais. » Un de ses adhérents a ainsi dû régler 300 euros pour une correction suite à un malentendu !

Cas 4 : Quand on a un patrimoine

« Il faut faire travailler votre argent ! » Le public disposant d'une épargne confortable intéresse beaucoup les conseillers.

Comment s'y préparer si l'on est prudent. Ce n'est pas parce que l'on a de l'argent que l'on est obligé d'investir. On peut choisir de conserver ses livrets, ses fonds euros en assurance-vie. « Tout le monde n'est pas prêt à jouer avec son argent », explicite Meriem Jammali. Pour ces profils « secures », il est préférable de privilégier les placements sans risque, même si le conseiller insiste sur leur faible rémunération.

Si l'on veut investir. Quoi qu'il arrive, mieux vaut prendre le temps de la réflexion. « Même si l'on a de bonnes relations », Corinne Lamoussière-Pouvreau avance qu'il « ne faut pas faire confiance aveuglément à son conseiller ». Bien sûr, « beaucoup font bien leur travail », mais sans tomber dans la paranoïa, la « vigilance » est de mise.

Comment s'y préparer pour les « néophytes ». Il est indispensable de comprendre les détails et les conditions des produits. « Ne jamais hésiter à se renseigner sur les frais de gestion et de sortie. Comprendre si l'argent est bloqué, et pour combien de temps. » La présidente de SOS Banques incite également à « comparer, par exemple avec les offres en ligne. Cela peut permettre de négocier sur les frais. »

Pour l'INC, l'information sur « l'impact fiscal » est souvent insuffisante, mais importante, « car elle peut minorer le rendement annoncé ». Enfin, il est indispensable de questionner son banquier sur les risques. Et se concerter avec ses proches, surtout si l'on a une famille.

Pour les « experts ». À l'inverse, pour un épargnant aguerri, Meriem Jammali juge que le partenariat avec le conseiller peut « devenir intéressant. On parle de connaisseur à connaisseur. On peut se voir proposer des produits plus intéressants qui peuvent rapporter gros... ou perdre gros ! »

Corinne Lamoussière-Pouvreau observe une technique fréquente : le banquier qui joue sur l'urgence, la « bonne affaire ». Mais quand on parle d'argent, « il ne faut pas se presser ». Car mieux vaut passer à côté d'un joli coup que de faire un mauvais placement !

Le classement des banques les moins chères