Question d'Allane, le 14 juin 2024

« Dans le cas où on rachète un bien à ses parents, de leur vivant, est-ce qu'on peut déduire du prix de vente, notre propre part d'héritage ? Car même si l'on rachète le bien à sa juste valeur, on aurait quand même hérité d'une part si on ne l'avait pas acheté. »

Bonjour Allane et merci pour cette question qui illustre parfaitement la complexité des dossiers où l'immobilier s'invite dans les questions successorales. Résumons votre situation : vous voulez acheter un bien immobilier à vos parents. Et vous souhaiteriez réduire le prix de vente en anticipant la part du bien qui vous reviendra à l'heure de l'héritage. Si le raisonnement est légitime, attention au mélange des genres entre vente et succession... Ou plutôt entre vente et donation car vos parents, Allane, sont encore en vie : si vous souhaitez anticiper votre part d'héritage, cela revient à faire une donation.

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« Ils veulent opérer une vente, pour partie, et une donation, pour une autre partie »

« Pour être précis, ils veulent opérer une vente, pour partie, et une donation, pour une autre partie », clarifie Nathalie Couzigou-Suhas, notaire et chargée d'enseignement à l'Ecole nationale de la magistrature. « C'est mixte », insiste-t-elle, afin de vous mettre en garde : « Attention à l'immobilier dans les donations s'il y a d'autres héritiers. »

Pourquoi cette mise en garde ? Car « c'est la valeur du bien immobilier au moment du décès qui sera rapportée au calcul de la succession pour la partie donnée ». En clair, avec ce type d'opération, Allane, une vente au prix réduit pour cause de donation parentale, vous prenez le risque d'une succession conflictuelle au décès de vos parents.

Illustration schématique : la maison que vous souhaitez leur acheter en 2024 vaut aujourd'hui 300 000 euros. Disons que vous êtes trois enfants. Vous réduisez le prix d'achat d'un tiers en payant 200 000 euros à vos parents. Et les 100 000 euros restants sont à déclarer comme une donation de vos parents à vous-même, une donation profitant de l'abattement en ligne directe, donc n'engendrant aucune imposition. En l'état, l'affaire paraît avantageuse.

Mais disons (nos excuses pour ce schéma fiction de mauvais goût mais nécessaire pour répondre à votre question) que vos parents meurent en 2040. Les prix de l'immobilier se sont envolés. Votre maison vaut le double (scénario fiction, toujours).

Pour le partage de l'héritage et la prise en compte de ce qui vous a déjà été donné, ce ne sont pas 100 000 euros mais bien 200 000 euros qui seront alors décomptés de votre part. Une situation qui peut non seulement être désavantageuse financièrement parlant pour vous... mais qui pourrait même vous endetter vis-à-vis des autres héritiers.

La donation-partage, seule solution pour figer le prix de l'immobilier

Quelle solution pour éviter de compliquer la future succession ? Probablement en évitant un montage « mixte »... Soit vous achetez la maison ou l'appartement de vos parents sans y inclure de donation. Au prix du marché. Donc une vente pure et simple.

Soit vos parents anticipent la succession pour ce bien immobilier pour l'ensemble des héritiers, pas seulement pour vous : « L'idéal est de faire une donation-partage, explique Nathalie Couzigou-Suhas. Là, les sommes sont figées pour tous au moment de la nouvelle donation. » L'opération est complexe, car la donation-partage ne peut découler sur un bien détenu en indivision entre les enfants. Il faut que le bien immoblier revienne à un enfant, lequel verse une soulte aux autres. Cette donation-partage passe nécessairement par un notaire (ce qui, certes, implique des frais). Mais la future succession ne sera pas polluée par cette vente opérée en 2024. En clair : une opération complexe en 2024 pour en éviter une encore plus complexe au décès des parents.

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