C'est un petit événement : pour la première fois en 2024, la carte bancaire a dépassé l'argent liquide pour devenir le premier moyen de paiement de détail en France, avec une part de marché de 48%, contre 43% pour le cash. Ce basculement n'est pas du goût de tous, notamment des commerçants.
L'appel à la grève de la carte bancaire mercredi, lancé dans le cadre du mouvement « Bloquons tout », a ainsi été repris par certains d'entre eux. Comme le rapporte Le Parisien, certains ont l'intention d'encourager leurs clients à privilégier les espèces, en leur proposant des réductions de prix, jusqu'à 10%. « On paie pour avoir un TPE (terminal de paiement électronique, NDLR), on a des frais sur les opérations, sur le service client du TPE, il y a les frais plus importants sur l'ouverture d'un compte bancaire professionnel, on paye pour tout ! » explique une restauratrice, citée par le quotidien.
Accepter la carte bancaire coûte-t-il si cher que cela aux commerçants ? Nous avons tenté de faire le point.
Combien coûte aux commerçants un paiement par carte ?
De fait, chaque paiement par carte encaissé par un commerçant génère des frais, proportionnels aux montants encaissés, qu'ils doivent payer à la banque ou au prestataire de paiement qui leur permet d'accepter ces paiements. Ils intègrent :
- une commission dite d'interchange, plafonnée à 0,20% pour les cartes de débit et à 0,30% pour les cartes de crédit ;
- des frais de réseau, payés au réseau d'acceptation (CB, Visa, Mastercard, etc.), qui en fixe librement le prix ;
- la marge de la banque, qui est également libre de ses prix.
Ces frais dépendent donc du type de carte (débit ou crédit) utilisé pour payer, du réseau (CB est réputé être beaucoup moins cher que Visa et Mastercard) et de la politique tarifaire de la banque du commerçant (qui prend généralement en compte le volume des paiements encaissés par le commerçant). En clair, un paiement avec une carte de débit immédiat, opéré par le réseau CB, dans une grande surface sera facturé nettement moins cher qu'un paiement avec une carte de crédit (c'est-à-dire à débit différé), opéré par Mastercard, dans une boulangerie de quartier. Difficile, dans ce cadre, de généraliser un coût moyen par paiement. Selon les sources (et les caractéristiques du paiement), il serait compris entre 0,30% et 2,75% pour un paiement effectué par un particulier. Loin, quoi qu'il en soit, des 10% de ristourne promis par certains.
A ces frais proportionnels aux montants encaissés s'ajoutent des coûts d'abonnement au service : frais de location ou d'achat des terminaux de paiements électroniques (TPE), de maintenance du matériel, d'assistance en cas de souci, etc. Là encore, les tarifs varient beaucoup selon les prestataires et les prestations fournies. Au total, « sur les abonnements et toutes les transactions bancaires, ça nous a coûté un peu plus de 6 500 euros à l'année », explique ainsi au Parisien un couple de restaurateurs qui va également offrir mercredi une réduction de 10% aux clients payant en liquide.
Pour alléger leurs frais, les commerçants ont toutefois la possibilité de faire jouer la concurrence. Face aux banques traditionnelles, on trouve de multiples prestataires de services de paiements (PSP) extra-bancaires : Smile&Pay, SumUp, Zettle, myPos, Square, pour citer les plus connus. Ces derniers commercialisent des TPE d'entrée de gamme à petits prix, à partir de 29 euros à l'achat, et des commissions comprises selon les marques entre 0,70% et 2% des montants payés, avec parfois une commission fixe.
Notre comparatif des meilleurs terminaux de paiement mobiles
Si, malgré tout, les commerçants estiment qu'accepter la carte leur coûte trop, ils ont le droit de la refuser, ou de fixer un montant minimum d'achat : seule l'acceptation des paiements en espèces est obligatoire.
Le cash, par ailleurs, n'est pas gratuit non plus. Certes, il n'existe pas, comme pour la carte bancaire, de frais d'interchange ou de réseau. Les banques, en revanche, peuvent facturer des frais de dépôts d'espèces. La gestion des pièces et des billets, par ailleurs, nécessitent du temps et des ressources, pour les compter, les stocker et les transporter.
Combien payent-ils pour leur compte pro ?
Un autre grief concerne plus généralement le coût des frais bancaires payés par les commerçants : pour la tenue de compte de leur compte pro, la mise à disposition de leurs propres moyens de paiement, etc.
De fait, il n'existe pas, comme pour les particuliers, de règles encadrant les brochures tarifaires des banques, qui sont totalement libres. Résultat : une créativité tarifaire et un manque de transparence qui compliquent la vie des commerçants en quête du meilleur rapport qualité prix.
Banque pour les pros : les brochures tarifaires, un vrai casse-tête !
Il y a pourtant des économies à faire, tant la facture varie d'une banque, d'une région et d'un client à l'autre. MoneyVox l'a montré à l'occasion de ses Trophées de la banque - Tarifs Pros, décernés fin 2024. Selon cette étude, le coût moyen des frais bancaires pour un panier type de services pour un commerçant est de 2 861 euros par an, y compris le terminal de paiement et l'acceptation de 10 000 euros payés par carte chaque mois. Mais, en optant pour la banque la moins chère (le CCF selon notre relevé), il est possible de faire chaque année plus de 573 euros d'économies sur ce montant.