L'essentiel

  • Les comptes bancaires inactifs et oubliés permettent aux banques de prélever des frais d'inactivité et de conserver des milliards d'euros non réclamés.
  • Malgré la législation visant à lutter contre cela, environ 90 établissements bancaires détiennent encore plus de 5 milliards d'euros dans plus de 6,3 millions de comptes oubliés.
  • Après dix ans d'inactivité, les banques doivent transférer les fonds à la Caisse des Dépôts et Consignations ; en 2023, ces transferts représentaient 334 millions d'euros.

Avez-vous déjà entendu parlé des comptes inactifs ? Cette terminologie s'applique aux comptes courants qui n'enregistrent aucun mouvement depuis au moins un an, mais aussi aux produits d'épargne comme le Livret A après cinq ans d'inactivité. Ces situations surviennent souvent lorsque les titulaires oublient leurs comptes ou, dans le cadre de successions, lorsque les héritiers ignorent leur existence.

Ce phénomène, bien connu, profite largement aux banques. En effet, celles-ci appliquent des frais d'inactivité aux comptes courants, atteignant souvent le plafond légal de 30 euros par an, alors même que ces comptes ne nécessitent aucune gestion spécifique, comme le relève Capital. Pour remédier à cette problématique et aider les Français à récupérer leurs fonds, le législateur a instauré une série de mesures. Ainsi, depuis l'entrée en vigueur de la loi Eckert en 2016, les banques doivent confronter chaque année leurs fichiers clients avec le registre des décès et informer les détenteurs des conséquences d'une inactivité prolongée. De plus, elles sont tenues de publier le nombre de comptes inactifs ainsi que les montants qui y sont conservés.

Mais près de dix ans après la mise en application de cette loi, les résultats sont-ils réellement au rendez-vous ? D'après une enquête menée par Capital, la réponse est non. Environ 90 établissements bancaires recensent encore plus de 6,3 millions de comptes oubliés, représentant un total de 5 milliards d'euros. Si ce montant semble en baisse par rapport aux 6 milliards relevés en 2018, cela s'explique en grande partie par les efforts de quelques banques. Ainsi, la Société Générale a réduit son volume de fonds inactifs de 777 millions d'euros en cinq ans, tandis que La Banque Postale a enregistré une diminution de 27% du nombre de comptes dormants, soit 650 000 comptes en moins.

Les banques mutualistes parmi les mauvais élèves

À l'inverse, certaines banques, notamment mutualistes, affichent une augmentation significative des fonds dormants. Au Crédit Agricole, ces sommes ont progressé de 77%, dépassant désormais le demi-milliard d'euros. BPCE suit la même tendance, avec une hausse de 34% pour les Banques Populaires et de 11% pour les Caisses d'Épargne, bien que ces établissements enregistrent paradoxalement une diminution du nombre de comptes inactifs.

Les banques en ligne, malgré leur croissance continue, ne sont pas épargnées par ce problème. À fin 2024, BoursoBank comptabilisait plus de 60 millions d'euros d'avoirs dormants sur environ 860 000 comptes, en partie à cause de son absorption d'ING Direct en 2022. Fortuneo voit également ses comptes oubliés doubler en cinq ans, atteignant 56 000 unités.

Pour les titulaires de ces comptes, les enjeux financiers ne sont pas négligeables. Par exemple, au CIC, bien que seuls 35 000 comptes inactifs soient recensés, chacun contient en moyenne plus de 2 000 euros. Il est essentiel de rappeler que ces fonds ne restent pas indéfiniment dans les banques. Conformément à la loi Eckert, après dix ans d'inactivité (ou trois ans en cas de décès avéré), les établissements bancaires doivent transférer ces sommes à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Rien qu'en 2023, ces transferts ont représenté 334 millions d'euros.