Depuis 2022, l'entrée en vigueur de la loi Lemoine a révolutionné le marché de l'assurance de prêt immobilier grâce à deux pilliers : la fin du questionnaire de santé « lorsque les capitaux assurés n'excèdent pas deux cent mille euros par emprunteur et que l'emprunt arrive à échéance avant le soixantième anniversaire de l'emprunteur » mais également la possibilité de résilier son contrat à tout moment, sans attendre la date anniversaire, du moment que le nouveau contrat respecte le principe d'équivalence des garanties.
Grâce à cette loi, les emprunteurs peuvent parfois réaliser des économies subtantielles : jusqu'à 27% de baisse sur le coût de l'assurance de prêt immobilier, selon le courtier Magnolia.fr. Mais certains nouveaux souscripteurs peuvent parfois se retrouver face à un effet de bord dangereux : le trou de garanties. Une période durant laquelle l'emprunteur qui vient de changer de contrat ne se retrouve couvert ni par son ancien assureur, ni par le nouveau.
« La notion d'équivalence de garanties est souvent mal comprise par les assurés, explique Arnaud Chneiweiss, médiateur de l'assurance. Quand l'établissement bancaire accepte le changement d'assurance emprunteur, l'assuré pense qu'il sera couvert selon les mêmes modalités qu'auparavant. Or, les délais de franchise et de carence peuvent avoir un impact majeur sur la couverture du prêt immobilier. »
Prenons un exemple. M.X souhaite changer d'assurance emprunteur. Le 1er septembre, il annonce à sa banque qu'il a trouvé un contrat chez l'assureur B avec prise d'effet du contrat au 1er octobre. Mais suite à un accident le 23 septembre, M.X se retrouve en arrêt de travail pour plusieurs semaines. Il demande donc à faire fonctionner sa garantie ITT. L'assureur A, qui prévoit un délai de franchise de 90 jours dans son contrat, devrait indemniser M.X à partir du 91e jour. Sauf que le départ de M.X pour le nouvel assureur étant acté à cette période, l'assureur A refuse l'indemnisation au motif que M.X n'est plus son client. De son côté, l'assureur B refuse également de prendre en charge le sinistre, arrivé avant le début du nouveau contrat.
Si cet exemple est bien sûr un épiphénomène, deux autres cas de figure peuvent également survenir. C'est le cas par exemple d'un emprunteur qui tomberait malade dans les premiers mois de son nouveau contrat d'assurance comprenant un délai de carence, période après la souscription pendant laquelle certaines garanties ne s'appliquent pas encore.
« Le délai de carence n'est heureusement pas présent dans tous les contrats, tempère Marion Chartier, Responsable du pôle prévoyance à La médiation de l'assurance. C'est une clause que l'on retrouve surtout pour la garantie perte d 'emploi. Mais dans certains contrats, elle est également présente pour les garanties ITT et invalidité. »
« Les assurés n'ont pas toujours conscience que la couverture ne sera pas la même avec le nouveau contrat, complète Marion Chartier. Parce que s'ils étaient restés assurés par le premier assureur, ce délai de carence n 'aurait jamais été invoqué pour refuser la garantie. Cette clause est écrite dans les conditions générales, mais l'assuré n'y prête pas toujours attention. »
Le dernier problème parfois rencontré est sans doute le plus préoccupant, notamment pour les personnes atteintes de soucis de santé déjà connus. Car pour se protéger d'un mauvais risque après la disparition du questionnaire de santé, certaines compagnies d'assurance ont fait le choix d'exclure de leur couverture les pathologies déjà connues au moment de la souscription.
« Imaginons un emprunteur qui commencerait à avoir un peu mal au dos, et qui consulterait son médecin à ce sujet. Si l'assuré change par la suite de contrat, que ses douleurs s'intensifient et nécessitent une intervention chirurgicale avec arrêt de travail, le nouvel assureur peut refuser la prise en charge au motif que cette pathologie a été médicalement constatée avant », développe Marion Chartier.
Si la majorité des assureurs n'appliquent pas cette notion de pathologies préexistantes pour les contrats « Lemoine », c'est à dire sans questionnaire de santé, certains cas de non-prise en charge sont quand même remontés jusqu'au bureau du médiateur de l'assurance.
« Il faut bien lire le contrat et avoir conscience que ces clauses existent »
« C'est quand même un cas de figure qui est relativement rare, rassure Christophe Boiché, directeur des assurances chez Meilleurtaux. Refuser d'assurer une pathologie préexistante alors même qu'il n'y a pas eu de questionnaire de santé va à l'encontre de le la loi. Mais le Médiateur a fait remonté ce problème des trous de garantie au Comité consultatif du secteur financier (CCSF), qui travaille à des solutions avec France Assureurs pour qu'il n'y ait plus de trous de garanties à l'avenir. »
Si aucune mesure n'a pour le moment été dévoilée par les instances, l'une des solutions pourrait se trouver dans la loi Évin de 1989. Cette dernière encadre la continuité des droits pour les sinistres survenus sous un contrat santé ou prévoyance : si le sinistre survient alors que le contrat A est en vigueur, c'est l'assureur A qui continue à payer, même en cas de passage ensuite au contrat B. Une autre solution serait pour les assureurs de supprimer les mentions excluant les pathologies déjà existantes.
En attendant, « il faut bien lire le contrat et avoir conscience que ces clauses existent, appuie Marion Chartier. Changer d'assurance emprunteur peut permettre de faire baisser ses cotisations, mais les emprunteurs doivent avoir conscience que leur couverture peut-être différente, du moins dans les premiers mois du nouveau contrat. »