L'essentiel
- Les personnes ayant des risques de santé accrus peuvent être en difficulté pour obtenir un prêt immobilier et l'assurance emprunteur qui l'accompagne.
- Une étude de 2024 a révélé qu'un grand nombre d'entre elles songent à faire une fausse déclaration.
- Pourtant, diverses dispositions légales ont été instaurées pour faciliter l'accès au crédit pour les personnes malades ou anciennement malades.
Souscrire un emprunt immobilier, et l'assurance emprunteur qui l'accompagne, peut parfois s'avérer être un parcours du combattant. Une situation d'autant plus vraie pour les aspirants au crédit concernés par un risque aggravé de santé.
Pour rappel, au sens de la convention Aeras (S'Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé), « les personnes présentant un risque aggravé de santé sont les personnes malades ou ayant été malades et qui présentent un risque de maladie (morbidité) ou de décès (mortalité) supérieur à celui d'une population de référence. »
En revanche, l'accroissement du risque lié à l'âge de l'assuré, à la nature de sa profession ou de son comportement dans la vie quotidienne, comme la pratique d'un sport à risque par exemple, ne constitue pas un risque aggravé de santé au sens de la convention.
Policier, pompier, pêcheur... Ces métiers qui font flamber le coût du prêt immobilier
« C'est bien sûr très dangereux de faire une fausse déclaration ! »
Pour les emprunteurs malades ou ayant été malades, de nombreuses questions se posent. La principale : comment faire pour souscrire un crédit immobilier en cas de difficultés liées à l'assurance emprunteur ? Certains candidats pourraient être tentés par une fausse déclaration. « En 2024, nous avons mené une enquête flash sur 110 personnes. 48% des répondants expliquaient avoir déjà songé à faire une fausse déclaration », raconte Mehdi Aslam, responsable service Aidea et écoute cancer à la Ligue contre le cancer. « Il faut sensibiliser les gens, car c'est bien sûr très dangereux de faire ça. Sur les dossiers concernant des problèmes de mises en jeu de la garantie assurance emprunteur en 2024, 11 étaient liés à une fausse déclaration. »
Crédit immobilier : mentir sur votre assurance emprunteur peut vous coûter très cher
Comment expliquer cette propension ? « Avant 2015, beaucoup d'emprunteurs touchés par un risque aggravé de santé estimaient ne pas avoir le choix, rappelle Mehdi Aslam. Aujourd'hui encore, certains avouent vouloir faire une fausse déclaration et faire une substitution d'assurance au bout de cinq ans, en faisant jouer le droit à l'oubli ». Car quand on est malade du cancer, plusieurs difficultés peuvent survenir : refus de proposition d'assurance, majoration de tarif, exclusions sur certaines garanties... Des problèmes que peut rencontrer toute personne avec un risque aggravé de santé.
Emprunter avec un souci de santé est possible
Pour aider ces emprunteurs, plusieurs choses existent, à l'image du service Aidea, créé en septembre 2006 au sein de la Ligue contre le cancer pour conseiller et informer les personnes ayant été atteintes d'un cancer et qui rencontrent des difficultés à obtenir une assurance emprunteur. « On fait du conseil sur mesure en fonction des personnes qui nous contactent. Le but, c'est qu'ils puissent obtenir une assurance emprunteur et un crédit immobilier », confirme Mehdi Aslam.
La législation a également changé au fil des ans. Les premiers accords concernant l'accès au crédit pour les personnes malades datent de 1991, avec la création du « Protocole d'accord pour l'accès au crédit des personnes séropositives ». Vient ensuite la convention Belorgey, dont l'objectif est de mieux encadrer les refus d'assurance et d'améliorer l'information des emprunteurs.
Mais l'un des principaux changements arrive en 2006, avec la signature de la convention Aeras (entrée en vigueur en 2007). Outre le fait de permettre aux personnes présentant un risque aggravé de santé d'accéder à l'assurance et au crédit, « la convention Aeras a mis en place un droit au devis d'assurance. Même si l'emprunteur n'a pas signé de promesse de vente ou de compromis, il est possible d'effectuer un devis auprès de n'importe quel assureur, avec une simple simulation de crédit, rappelle Mehdi Aslam. L'emprunteur remplit un questionnaire de santé, et la réponse que l'assureur donne est valable 4 mois ».
Le droit à l'oubli et la Loi Lemoine, pour emprunter en oubliant la maladie
L'autre changement majeur réside dans le droit à l'oubli. Né en 2016 grâce à la loi Santé de 2015, il instaure le fait que les anciens malades du cancer ou de l'hépatite C peuvent ne pas déclarer leur maladie passée sous certaines conditions (notamment un délai de guérison sans rechute), après un délai de 10 ans. Une durée désormais fixée à 5 ans, grâce à la Loi Lemoine de 2022. « L'article 9 de la Loi Lemoine permet de ne plus déclarer votre cancer 5 ans après la fin de votre protocole actif », confirme Mehdi Aslam. À noter cependant que l'échéance des contrats d'assurance doit intervenir avant le 71ème anniversaire de l'emprunteur.
« Aujourd'hui, toutes les personnes ne rentrent pas dans les dispositifs existants, mais il y a quand même du mieux, juge le responsable du service Aidea. Auparavant, on pouvait avoir une surprime de 150 à 300 euros par mois, même si la maladie était loin derrière. Il y avait des surprimes qui ne répondaient pas à la réalité de l'état de santé de l'emprunteur. » Et pour les personnes n'entrant pas dans le droit à l'oubli, une grille de référence permet, pour les pathologies listées et, dans les conditions prévues par la grille, de n'appliquer aucune surprime ou exclusion de garantie, ou de les plafonner.
Pour les emprunteurs avec un risque aggravé de santé, la dernière bonne nouvelle date de 2022. En effet, la loi du 28 février « pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur », aussi appelée Loi Lemoine, supprime le questionnaire de santé sous réserve que la part assurée sur l'encours cumulé des contrats de crédit n'excède pas 200 000 euros par assuré, et que le crédit soit remboursé avant le 60ème anniversaire de l'emprunteur.
« Il est possible de tenter de négocier avec son banquier un crédit sans assurance emprunteur »
Une nouvelle avancée « considérable » pour les malades, qui doit quand même s'accompagner de précautions à en croire Mehdi Aslam : « Comme il n'y a pas de questionnaire de santé, les gens ne vont pas forcément aller voir la notice d'assurance, qui comprend potentiellement les exclusions qu'il pourrait y avoir dans le contrat. Attention donc de bien regarder s'il y a des exclusions spécifiques », comme par exemple de possibles exclusions sur les pathologies antérieures à la conclusion du contrat.
Dernier conseil : ne pas entrer dans le cadre de la Loi Lemoine ou de la convention Aeras ne signifie pas que vous devez faire une croix sur votre projet immobilier. « Il est possible de mettre en avant des garanties, et de tenter de négocier avec son banquier un emprunt sans assurance », conclut Mehdi Aslam, qui cite par exemple le cas d'une emprunteuse sortant d'un cancer et ayant obtenu un crédit pour un investissement locatif en faisant valoir de précédents investissements locatifs pour montrer la solidité de son dossier.