Près de deux ans et demi après sa mise en place, quelle est la portée de la loi Lemoine ? Votée en février 2022, la « loi du 28 février 2022 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur », plus communément appelée loi Lemoine, permet à tout emprunteur de changer d'assurance de prêt immobilier à tout moment et sans frais. Elle est d'abord entrée en vigueur le 1er juin 2022 pour les nouveaux crédits immobiliers, avant de s'étendre à tous les crédits en cours au 1er septembre 2022.

Selon les avis de nombreux professionnels, cette loi devait donc permettre aux emprunteurs de réaliser des économies substantielles en passant d'un contrat bancaire à un contrat chez un assureur alternatif. Pourtant, dans un rapport de janvier 2024, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) montrait que seuls 4% des emprunteurs ont changé d'assurance emprunteur depuis l'entrée en vigueur de la loi. Selon le même rapport, le nombre de contrats distribués par les banques n'a que très peu baissé : leur part de marché est passée de 80,3% fin 2021 à 79,6% à fin mai 2023.

Des emprunteurs toujours peu au courant des économies possibles

Et en cette fin d'année 2024, la tendance semble se confirmer. C'est en tout cas ce qui ressort du baromètre annuel publié par MetLife et réalisé par CSA auprès de 200 professionnels courtiers en assurance ou en crédit et agents généraux, relevé par l'Argus de l'Assurance. Selon cette étude, 70% des sondés estiment que l'activité est stable sur un an et, a contrario, « seuls 24% des distributeurs constatent une hausse, contre 57% l'an dernier ».

Si Émilie Ruben, porte-parole du courtier Sécurimut, assure que l'activité se porte bien, notamment en termes de demandes de devis pour des changements d'assurance emprunteur, elle confirme le sentiment général. « Il n'y a pas eu de chiffres vraiment fiables sur lesquels se baser depuis l'étude du CCSF de janvier 2024. Néanmoins, c'est vrai qu'on pensait que la loi Lemoine aurait plus d'impact. »

« On pensait que la loi Lemoine aurait plus d'impact »

Alors, comment expliquer ce ressenti des professionnels ? Si les banques ont un temps été accusées de mettre des bâtons dans les roues des emprunteurs, les courtiers et agents interrogés par Metlife sont bien plus nombreux (41%, +11 pts) cette année à estimer que les banques ne mettent en place aucune stratégie défensive et qu'elles présentent moins de résistance qu'auparavant (31%, -17pts). Une vision confirmée par Émilie Ruben : « Aujourd'hui, c'est plus rapide et plus simple. Auparavant, il était quand même difficile de faire une substitution, ça mettait beaucoup de temps. C'est beaucoup moins le cas. »

Le problème viendrait donc plutôt des emprunteurs eux-mêmes : « Changer d'assurance emprunteur, que ce soit à la signature du crédit ou en substitution, n'est toujours pas un réflexe pour tous les emprunteurs. Ça nécessite des efforts de communication et d'information », estime Émilie Ruben.

« On estime que 5% des emprunteurs ont fait une demande de changement d'assurance de prêt, donc cela représente quand même un certain nombre de dossiers, mais il n'y a pas eu de raz-de-marée », confirme Christophe Boiché, directeur des assurances de Meilleurtaux et membre du CCSF.

« Il faut continuer à sensibiliser les emprunteurs sur les économies qui peuvent être réalisées »

Pour lui, la diminution actuelle s'explique de la manière suivante : comme le nombre de nouveaux crédits a baissé sur les deux dernières années, le nombre d'emprunteurs cherchant à changer d'assurance suit le même mouvement. « On voit que les gens qui changent d'assurance emprunteur le font dans les deux premières années du crédit, analyse Christophe Boiché. Ensuite, le sujet est complètement oublié. Comme les personnes ne sont sensibilisées que quand elles viennent d'obtenir leur crédit, il est normal de constater une stabilisation voire une légère baisse de la demande aujourd'hui. Il faut donc continuer à sensibiliser les emprunteurs sur les économies qui peuvent être réalisées, et ce quel que soit le profil de l'emprunteur. »

Tout le monde n'est cependant pas d'accord avec cette analyse. L'Apcade (Association pour la promotion de la concurrence en assurance emprunteur), collectif de courtiers et assureurs créé en 2021, a réalisé une étude auprès de 4 022 emprunteurs immobiliers en partenariat avec Forsides, une société de conseil en actuariat. Comme le rapporte le courtier en assurance Magnolia.fr, « l'enquête menée par l'Apcade fait l'amer constat que 55% banques font traîner la procédure, arguant de problèmes administratifs pour retarder voire faire échouer le changement d'assurance. Il s'agit souvent de demandes indues de documents. » Preuve que du travail reste à accomplir, aussi bien du côté des banques que de celui des emprunteurs.

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