C'est probablement du vécu... Vous devez faire un virement urgent à un nouveau bénéficiaire : un collègue à qui vous devez rembourser votre part du déjeuner ; un artisan qui a réparé votre chasse d'eau... Mais, après avoir renseigné son nom et son IBAN sur votre appli bancaire, votre banque vous indique qu'il faudra attendre 24, 48 ou 72 heures pour effectuer le virement à proprement dit. C'est ce qu'on appelle un délai de temporisation, et c'est un frein majeur à l'extension des usages du virement instantané.
Cette extension, pourtant, est une priorité des pouvoirs publics européens. Depuis son lancement, en 2017, le virement instantané est même devenu le fer de lance de la politique de souveraineté de l'Union en matière de paiements, face à la mainmise croissante de la carte bancaire portée par des réseaux, Visa et Mastercard, originaires des Etats-Unis.
Un choix « un peu anachronique »
« La temporisation est, en effet, un peu anachronique dans un monde où l'on souhaite développer l'usage du virement instantané », constate Julien Lassalle, secrétaire du Comité national des moyens de paiement au sein de la Banque de France. « Si vous devez attendre 48 heures pour effectuer un premier virement à un nouveau bénéficiaire, vous perdez une bonne partie du bénéfice du virement instantané. L'idée est donc que la temporisation devienne une pratique de plus en plus rare. »
Ces dernières années, l'introduction de dispositifs d'authentification forte, utilisés pour sécuriser les opérations bancaires sensibles, a déjà permis de le faire reculer. Le Crédit Agricole, par exemple, n'applique plus de délai lorsqu'un ajout de bénéficiaire est sécurisé par SécuriPass. Même chose à la Caisse d'Epargne ou la Banque Populaire, en cas d'utilisation de Secur'Pass.
24 heures d'attente chez Fortuneo ou Hello bank !
D'autres, pourtant, n'y ont pas renoncé. BNP Paribas, sa banque en ligne Hello bank ! ou Fortuneo, notamment, continuent d'imposer à leurs usagers 24 heures d'attente. A La Banque Postale, le délai est de 48 heures. Et il y a une raison à cela.
« La temporisation reste un outil très efficace pour lutter contre la fraude »
« La temporisation reste un outil très efficace pour lutter contre la fraude, parce qu'il empêche le fraudeur d'agir vite », explique Julien Lassalle. C'est le cas pour certaines fraudes par manipulation (dont la fameuse arnaque au faux conseiller), où le cyberattaquant parvient à accéder à l'espace bancaire en ligne de sa victime et cherche à émettre des virements vers un compte sous son contrôle. Si un délai est imposé avant le premier virement, « généralement, il va renoncer », constate Julien Lassalle.
La Banque Postale va y renoncer « progressivement (...) d'ici fin 2025 »
Jeudi prochain, le 9 octobre 2025, les banques ajouteront une nouvelle couche de sécurité en vérifiant, à chaque virement, que le nom du bénéficiaire et son IBAN sont cohérents. Est-elle de nature à faire évoluer les banques sur la temporisation ? Nous leur avons posé la question. Parmi celles qui ont accepté de nous répondre, une seule a prévu d'y renoncer : La Banque Postale, « progressivement (...) d'ici fin 2025 ».