Que réserve le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu aux retraités dans son projet de loi de finances pour 2026 ? Personne ne le sait, ou presque... Mis à part lui-même probablement, ses conseillers à Matignon, et peut-être le Haut conseil des finances publiques (HCFP), entité liée à la Cour des comptes qui a un droit de regard sur le budget avant sa remise au Parlement. Le budget 2026 était attendu hier, jeudi 2 octobre, au HCFP.
« Pour l'année prochaine, les moyens consacrés aux retraites augmenteront de six milliards d'euros »
Sébastien Lecornu a uniquement laissé filtrer deux phrases lourdes d'indices dans sa longue interview au Parisien. La première : « Pour l'année prochaine, les moyens consacrés aux retraites augmenteront de six milliards d'euros (...) ».
La deuxième, qui concerne plus indirectement les retraites : « (...) à la fin, c'est le Parlement qui décidera. » Sous-entendu : pour ce budget 2026 version Lecornu, le Premier ministre affiche une volonté de parlementarisme, laissant aux députés puis sénateurs la possibilité de faire passer leurs mesures si elles convainquent la majorité. Or les idées ne manquent pas, rayon retraites.
1 - Une moindre revalorisation annuelle pour les plus aisés
Une véritable piste pour le budget 2026 ? De premiers bruits de couloirs semblent trouver écho dans les colonnes des journaux : toujours selon Le Parisien, quelques jours après l'interview de Sébastien Lecornu, « le gouvernement pourrait décider de geler l'évolution des retraites des seniors aisés », analyse le quotidien francilien, en s'appuyant sur l'écart entre les « 6 milliards » évoqués par le Premier ministre et les « 8 milliards » que coûteraient une revalorisation annuelle classique selon « les estimations de Bercy ». Aucune autre information concrète à ce stade sur cette piste budgétaire...
Le précédent du chaotique budget 2025 version Barnier. « Revalorisation différenciée », ça ne vous dit rien ? C'était le feuilleton de la fin 2025, entamé dès les premiers jours d'octobre suite au discours de politique générale de Michel Barnier. La première idée était un report de la revalorisation annuelle : au lieu des 2,2% de la formule réglementaire, au 1er janvier, l'idée était de geler pendant 6 mois puis de revaloriser de 1,8% en juillet.
Puis les parlementaires LR sont entrés dans la danse par l'entremise de Laurent Wauquiez. L'idée : hausse « moitié d'inflation » en janvier pour tous et rattrapage en juillet pour les plus modestes. Cela a fini par se matérialiser en amendement, avec un +0,8% en janvier puis +0,8% pour les retraites inférieures au Smic afin d'atteindre 1,6%. Ce « compromis » n'a jamais séduit et, au final, c'est la hausse réglementaire de 2,2% qui s'est appliquée à toutes les pensions de base en janvier 2025, suite à la censure du gouvernement Barnier.
2 - Supprimer l'abattement fiscal de 10% (ou baisser le plafond)
Tout supprimer ? C'était initialement une mesure « fiction » : répétée en boucle par tous les médias, en écho aux indiscrétions politiques. Mais aucun responsable ne s'est risqué à endosser publiquement l'objectif de supprimer cet abattement fiscal de 10% sur les pensions de retraites.
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Abattement de 10% : de quoi parle-t-on ?
Côté salariés et actifs : tous les foyers fiscaux bénéficient d'un abattement automatique de 10% de leurs revenus d'activité, au titre des « frais professionnels ». La seule alternative à cet abattement est d'opter pour le régime des « frais réels » si vos frais sont plus importants que les 10% forfaitaires. Plafond côté actifs : 14 426 euros d'abattement par an, maximum, pour chaque salarié.
Côté retraités : un même abattement automatique de 10% sur les pensions de retraite, héritage d'une mesure d'équité fiscale vis-à-vis des salariés prise à la fin des années 1970. Plafond côté retraités : 4 399 euros maximum, pour chaque foyer fiscal. L'abattement se calcule donc au niveau du couple.
Supprimer et créer un forfait (version Bayrou) ? Dans son budget 2026, l'ex Premier ministre François Bayrou a joué la carte de l'inventivité sur le sujet : « L'abattement de 10% pour le calcul de l'impôt sur le revenu, pour “frais professionnels” sur les pensions de retraites sera revu et transformé en forfait annuel ». Un forfait fiscal fixe, autrement dit une déduction fiscale automatique pour tous les retraités, de 2 000 euros par contribuable et non plus par foyer.
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Conserver l'abattement mais baisser le plafond ? Supprimer cet abattement multiplie les effets pervers puisqu'il relèverait mécaniquement les revenus fiscaux de référence (RFR). Cela aurait des conséquences sur le taux de CSG et sur l'éligibilité à une myriade de dispositifs d'aides.
Le compromis, repris cette semaine par l'ex-rapporteur général des finances de l'Assemblée nationale, Charles de Courson : abaisser le plafond de 4 399 euros par foyer à 2 000 euros par foyer. Une mesure ciblant donc l'impôt des retraités aux revenus plus confortables, les 40% des foyers retraités les plus aisés selon ce rapport. Ainsi avec cette mesure de compromis un retraité célibataire touchant 1 662 euros par mois (la pension globale moyenne) ne serait plus perdant. Pas plus qu'un couple à 1 662 euros chacun.
3 - L'année blanche pour geler retraites, Aspa, barème de CSG, etc.
Tout geler (version Bayrou) ? « En 2026, année blanche (7,1 milliards d'euros) » : extrait du dossier de presse diffusé mi-juillet par le gouvernement Bayrou. Pas d'indexation sur l'inflation des pensions de base mais aussi du barème de l'impôt sur le revenu, du barème de la CSG, des prestations sociales, etc. Cela revient à raboter indirectement les pensions, le minimum vieillesse (Aspa), et à alourdir indirectement la charge de la CSG tout comme de l'impôt sur le revenu.
Très clairement, à la lecture de l'interview de Sébastien Lecornu dans Le Parisien, l'option année blanche de revalorisations semble écartée puisque le budget dédié aux retraites va augmenter.
Retraite, CAF, impôt, APL... La liste de vos revalorisations en 2026 (sans année blanche)
La piste (positive pour les retraitées) d'un geste pour les femmes
Pour les retraites de base (Assurance retraite, donc via votre Carsat ou Cnav) du privé, le calcul de la pension se fait sur vos 25 meilleures années de salaire. L'idée émise lors du « conclave » sur les retraites de calculer la retraite des femmes ayant eu des enfants sur leurs 23 ou 24 meilleures années pourrait être rescussitée par Sébastien Lecornu dans son budget 2026.