1 - C'est quoi cet abattement de 10% ?

Côté salariés, et plus globalement côté actifs, tous les foyers fiscaux bénéficient d'un abattement automatique de 10% de leurs revenus d'activité, au titre des « frais professionnels ». La seule alternative à cet abattement est d'opter pour le régime des « frais réels » si vos frais sont plus importants que les 10% forfaitaires.

Quid des retraités ? Depuis 1978, sous Raymond Barre, ils bénéficient eux aussi d'un abattement de 10%. Lui aussi automatique. Il s'agissait à l'époque d'une mesure d'équité vis-à-vis des salariés en étendant cette mesure aux retraités, face à la baisse de revenu à l'arrêt de la carrière professionnelle. Toutefois, à la différence des actifs (1), cet abattement a toujours été plafonné. Ce plafond est actuellement fixé à 4 321 euros maximum par an (montant maximum 2024, qui reste à ce stade le même en 2025 faute d'indexation du barème fiscal).

2 - Qui propose la suppression de l'abattement fiscal de 10% pour les retraités ?

« A titre personnel, j'avais évoqué la piste d'une suppression de l'abattement fiscal de 10% sur les retraites », a déclaré le 6 janvier dans Les Echos l'économiste Gilbert Cette, qui a pris la suite de Pierre-Louis Bras à la présidence du Conseil d'orientation des retraites peu après l'entrée en vigueur de la contestée réforme des retraites. Il a glissé cette proposition en réponse à une question sur la désindexation des retraites, voulue par le gouvernement Barnier, mais qui n'a finalement pas été mise en œuvre.

« Cela serait une mesure forte, d'un rendement annuel d'environ 4 milliards d'euros, et équitable puisque les retraites les plus modestes ne seraient pas concernées. »

Supprimer cet abattement, « cela serait une mesure forte, d'un rendement annuel d'environ 4 milliards d'euros, et équitable puisque les retraites les plus modestes ne seraient pas concernées ».

Cette position, reprise dans de nombreux médias cette semaine, a été très favorablement accueillie par le président du Medef, Patrick Martin : « Qu'un retraité bénéficie d'une exonération fiscale pour des frais professionnels », c'est « contre-nature » et « aberrant », a-t-il estimé jeudi 9 janvier sur BFM TV/RMC.

Cet avantage fiscal spécifique aux retraités a aussi indirectement été pointé à l'automne dernière par le Conseil des prélèvements obligatoires : le CPO estime injustifiés « certains traitements fiscaux préférentiels ». Dans son viseur, sous-entendu : les avantages fiscaux (l'abattement de 10%, notamment) des pensions qui bénéficient à tous les retraités y compris les plus aisés.

D'un point de vue purement statistique, l'administration fiscale classe cet abattement à la deuxième position des niches fiscales les plus coûteuses pour les finances publiques, juste derrière le crédit d'impôt emploi à domicile. Précision : l'abattement de 10% pour les actifs n'est pas considéré par Bercy comme une « dépense fiscale » mais comme une simple « simplification » pour éviter à chacun de déclarer les frais réels, raison pour laquelle l'abattement des salariés ne figure pas dans le « top 5 » ci-dessous.

Dépenses fiscales les plus coûteusesCoût 2024 *
1Crédit d'impôt emploi à domicile6,17 milliards €
2

Abattement de 10% sur les pensions de retraite

4,54 milliards €
3Exonération « épargne salariale »2,58 milliards €
4

Exonération des allocations familiales et de l'AAH

1,85 milliard €
5Exonération des heures sup'1,78 milliard €
6Réduction d'impôt pour les dons caritatifs1,77 milliard €
7Déduction des dépenses de réparations et d'amélioration1,65 milliard €

Source : tome II de l'annexe « voies et moyens » de la loi de finances pour 2024
* Estimation réalisée par Bercy : « Chiffrage pour 2024 »

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3 - Quels retraités seraient perdants en cas de suppression de l'abattement de 10% ?

Supprimer un avantage fiscal toucherait, de fait, uniquement les retraités payant l'impôt sur le revenu, même si une partie des retraités actuellement non imposables y perdraient aussi en devenant imposables. Globalement, une telle mesure ne serait pas défavorable pour les plus modestes des retraités.

En cela, cette proposition est-elle plus ou moins égalitaire que la revalorisation différenciée des retraités voulue par le gouvernement Barnier et tombée aux oubliettes suite à sa censure ?

« Contrairement au décalage prévu de la revalorisation des pensions, la suppression de l'abattement fiscal de 10% ne toucherait pas les retraités les plus modestes, qui sont généralement moins nombreux à être imposables »

Pierre Madec, économiste de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), s'est penché sur la question dans un article de blog publié ce jeudi 9 janvier. Verdict : « Contrairement au décalage prévu de la revalorisation des pensions, la suppression de l'abattement fiscal de 10% ne toucherait pas les retraités les plus modestes, qui sont généralement moins nombreux à être imposables. »

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OFCE retraités

Le graphique ci-dessus, réalisé par Pierre Madec, montre en rouge l'impact en euros de la désindexation différentiée version « gouvernement Barnier », et en bleu la suppression de l'abattement fiscal de 10%. Cela signifie que la suppression de cet abattement n'aurait quasi aucun impact pour les 20% de retraités les plus modestes. Mais que cela reviendrait à une hausse d'impôt de plus de 700 euros par an pour les 20% les plus aisés.

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(1) Il existe aussi un plafond pour l'abattement applicable aux actifs, mais il est bien plus élevé : « Le maximum de déduction est de 14 171 euros, pour chaque membre du foyer », explique la DGFiP dans sa brochure pratique.