« Les incitations au déploiement du programme Linky, qu'il s'agisse de son financement, des modalités de régulation incitative à l'atteinte des objectifs ou du mécanisme de différé tarifaire, ont été particulièrement avantageuses pour Enedis », constate la Cour des comptes, dans son rapport de contrôle sur ces compteurs communicants publié jeudi.

Compteur Linky, mode d'emploi : installation, fonctionnement, consommation

Selon elle, le gestionnaire qui gère 95% du territoire en France, a profité « d'une rémunération additionnelle au regard des règles habituelles, évaluée par la Cour à 311 millions d'euros pour la période 2016-2023. (...) La CRE devra s'assurer que les gains perçus par Enedis du fait du régime spécifique de rémunération des actifs Linky seront employés au financement de son programme d'investissement dans les réseaux ».

Cependant, tout est loin d'être négatif : « Le déploiement de masse des compteurs communicants dénommés « Linky » a été réalisé par Enedis dans les délais impartis et à un coût inférieur aux prévisions initiales, faisant de ce programme industriel un succès reconnu par la plupart des acteurs », reconnaît le rapport.

Parmi les autres points positifs relevés : la diminution des coûts de relève, qui est faite à distance et non plus sur place, tout comme celui des petites interventions qui deviennent aussi « téléopérables ». La Cour des comptes constate aussi une baisse des pertes techniques, une réduction des fraudes et des erreurs de facturation.

Pour les consommateurs, des bénéfices, mais plus flous

Bonne nouvelle pour les consommateurs : ils captent une partie de ces gains « à travers la baisse du coût de certaines prestations ». Problème, « certaines externalités positives attendues du programme s'avèrent décevantes, notamment en matière de maîtrise de la demande d'énergie par les usagers ». C'est-à-dire la réduction de la consommation.

« Pour que ça soit rentable, il faut que Linky permette de réduire la consommation d'énergie. Aujourd'hui, ce n'est pas assez le cas. Si on n'utilise pas plus ces compteurs, cela va se traduire par une hausse des factures des consommateurs, puisque les bénéfices seront inférieurs aux coûts et à la rémunération d'Enedis, qui sont répercutés dans le TURPE », alerte Sylvain Le Falher, cofondateur d'Hello Watt. Pour rappel, le TURPE, qui sert à rémunérer le gestionnaire du réseau, représente 1/3 de la facture des consommateurs, environ. Il va probablement connaître une forte hausse en août 2025.

Le rapport de la Cour des comptes met aussi en avant l'absence d'offres innovantes permises par ces compteurs, mais peu proposés aux consommateurs. « Elles n'ont pas suivi le déploiement des compteurs, mais d'autres facteurs ont pu concourir à des résultats en deçà des attentes (comme l'évolution des prix de l'électricité) ». Autre explication : « Les nouveaux services apportés aux consommateurs par les fournisseurs, les offres commerciales innovantes se heurtant à la préférence des consommateurs pour des prix fixes ou prévisibles comme le sont les tarifs réglementés. »

Pourtant, selon Sylvain Le Falher, « les compteurs Linky sont un outil formidable pour la transition énergétique. Seuls, ils ne suffisent pas, mais couplés à un bon outil, ils permettent de suivre la consommation d'énergie, d'en prendre conscience et donc de la réduire. On le remarque sur l'application proposée par Hello Watt : en moyenne, les utilisateurs réalisent 12% d'économies ».

Linky : 66 euros de frais en plus en 2025 sur la facture d'électricité, êtes-vous concerné ?

Décaler sa consommation, pas si intéressant financièrement ?

Les offres d'effacement tarifaires encourageant les particuliers à réduire leur consommation les jours où la demande en énergie est importante sont-elles intéressantes pour les particuliers, d'un point de vue strictement financier ? La Cour des comptes estime que « l'intérêt pour le système électrique de décaler l'usage pour diminuer la puissance appelée en pointe est réel mais il s'agit d'un intérêt collectif. En revanche l'intérêt financier personnel du consommateur à s'imposer cette contrainte est moins évident ».

Elle souligne toutefois l'intérêt du décalage de la consommation électrique hors pointe pour « les appareils asservis et thermostatés (Eau chaude sanitaire, chauffage) et à l'avenir la recharge des véhicules électriques » ou d'autres appareils domestiques pilotés en heures creuses. Pour les autres usages, les gains espérés sont moins flagrants.

« Une séance de repassage avec un fer électrique ordinaire de 2 400 W peut représenter une consommation de 1 kWh, soit un coût de 25 centimes d'euro. À quel prix une offre commerciale « dynamique » devrait-elle facturer ce kWh, en plus ou en moins des 25 centimes, pour que le consommateur accepte de décaler son travail domestique dans le but de « faire des économies » sur sa facture d'électricité ? Et comment l'informer à l'avance de la plage horaire sur laquelle il devra travailler ? »