1 - Qui propose quoi ?
Dans le camp présidentiel, Élisabeth Borne, qui avait porté la très décriée réforme de 2023 en tant que Première ministre, s'est dite ouverte à une « suspension », sans plus de précision.
Mercredi matin, Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, a fait deux demandes : son parti demande un « gel de l'âge légal » (qui est en train de glisser progressivement vers les 64 ans) et un gel de « l'accélération sur la durée de cotisation ».
2 - Que pourrait signifier un gel de l'âge légal ?
La réforme décale progressivement l'âge légal de départ de 62 à 64 ans à raison d'un trimestre chaque année, l'âge légal atteignant 64 ans en 2032.
En ce moment, on peut considérer que l'âge légal est à 62 ans et 9 mois : il concerne la génération née en 1963, qui est donc en train de partir en retraite depuis le 1er octobre.
La génération suivante, née en 1964, est censée partir à 63 ans, soit à partir du 1er janvier 2027.
Suspendre la réforme des retraites signifie donc a priori geler l'âge légal, soit à 62 ans et 9 mois, soit à 63 ans.
L'hypothèse des 62 ans et 9 mois est défendue notamment par la CFDT. « On reste à 62 ans et 9 mois et les choix futurs sont renvoyés après la présidentielle. Techniquement, un gouvernement peut sans aucun problème introduire cela au PLFSS (projet de loi sur le budget de la Sécurité sociale) 2026 » a indiqué à l'AFP Yvan Ricordeau, négociateur de la CFDT au conclave sur les retraites au printemps dernier.
Dans ce cas, la première génération gagnante sera la génération née en 1964, qui pourra partir à 62 ans et 9 mois à partir du 1er octobre 2026, au lieu d'attendre le 1er janvier 2027.
Selon M. Ricordeau - qui s'appuie sur des chiffrages des services de l'État - environ 600.000 personnes bénéficieraient de cette suspension de la réforme en 2026 et 2027.
Si l'hypothèse des 63 ans est retenue, la première génération gagnante sera la génération née en 1965, qui pourra partir en janvier 2028, au lieu d'avril 2028.
3 - Partir avec combien de trimestres ?
La réforme de 2023 ne portait pas seulement sur l'âge légal de départ. Elle accélérait aussi l'application de la réforme Touraine de 2014, qui a prévu de passer de 42 à 43 années de cotisation nécessaires pour pouvoir partir à taux plein.
Aujourd'hui, la génération 1963 qui commence à partir en retraite doit avoir cotisé 170 trimestres (42,5 ans). La génération 1964 devra cotiser 171 trimestres, et la génération 1965, 172 trimestres (43 ans).
Si cette partie de la réforme est aussi suspendue, comme l'a demandé mercredi matin Olivier Faure, on peut supposer qu'on en resterait à 170 trimestres.
Le calendrier de la réforme Touraine reprendrait alors, avec une durée de cotisation passant à 171 trimestres pour la génération 1970, et 172 trimestres pour la génération 1973.
4 - Combien ça coûte ?
Selon Yvan Ricordeau, de la CFDT, les services de l'État ont chiffré à 500 millions d'euros le coût d'un gel de la mesure d'âge en 2026.
Une suspension coûterait « des centaines de millions en 2026 et des milliards en 2027 », a de son côté affirmé mercredi le ministre de l'Économie démissionnaire, Roland Lescure.
Au printemps, la Cour des comptes avait estimé que s'arrêter à un âge légal de 63 ans « aurait un coût complet de 13 milliards d'euros sur les finances publiques pour l'exercice 2035 », dont 5,8 milliards d'euros de dégradation du solde des retraites, et 7,2 milliards de pertes de recettes publiques.
5 - Abroger la réforme ?
Plusieurs voix politiques et syndicales - LFI et la CGT en particulier - réclament de leur côté « l'abrogation » de la réforme, et non une suspension.
Abroger serait politiquement plus complexe, alors que les générations 1961, 1962 et 1963 ont déjà subi les conséquences du texte.