Surenchère, frein à l'emploi, voire injustice ... Les organisations patronales n'ont pas eu de mots assez durs pour qualifier la décision rendue mercredi par la Cour de cassation.

« Puisque la maladie l'empêche de se reposer, le salarié placé en arrêt pendant ses congés payés a droit à ce qu'ils soient reportés », a-t-elle expliqué dans un communiqué de presse. La plus haute juridiction française a aligné par cet arrêt le droit français sur les règles européennes.

La CPME, deuxième organisation patronale représentative, a manié l'ironie pour dénoncer cette mesure : « Les abus se multiplient, l'explosion des arrêts maladies désorganise les entreprises et menace l'équilibre financier de la Sécurité sociale. Qu'à cela ne tienne, allons plus loin ! »

« Puis-je déjà poser mes congés payés acquis en arrêt maladie ? La Cour de cassation le permet ! »

Le Medef, première organisation du patronat, souhaite pour sa part la « mise en place de garde-fous pour limiter l'impact » de cet arrêt de la Cour de cassation.

Pour l'U2P (artisans et commerçants), « alors que la priorité du pays est de revaloriser le travail, mais aussi de combattre la dérive des comptes sociaux en réduisant les arrêts maladie abusifs, cette décision va produire les effets exactement inverses et va ajouter un frein supplémentaire à la décision d'embauche ».

C'est une « charge beaucoup trop lourde pour les artisans, commerçants et dirigeants de TPE », a renchéri Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicat des Indépendants et TPE. Il juge la nouvelle jurisprudence « en parfaite contradiction avec les constats soulevés ces derniers mois sur le déficit de temps de travail en France ainsi que sur l'augmentation anormale des arrêts maladie de courte et longue durée ».

- « Décisions protectrices » -

Les organisations patronales sont d'autant plus remontées qu'un second arrêt de la Cour de cassation consacre le droit au paiement d'heures supplémentaires pour un salarié au décompte horaire, y compris s'il a posé un jour de congé dans la semaine et n'a donc pas réalisé 35 heures de travail effectif.

« Un salarié présent à son poste mérite-t-il davantage qu'un absent ? C'était la règle. Ça ne l'est plus et cela représente une formidable injustice », s'étrangle la CPME.

Sans surprise, les deux décisions ont été en revanche applaudies par les syndicats de salariés, qui les réclamaient de longue date.

« Quand on est malade, ce n'est pas des vacances et c'est normal de pouvoir décaler ces congés »

« Quand on est malade, ce n'est pas des vacances et c'est normal de pouvoir décaler ces congés », affirme la CFDT. Cette nouvelle règle « nécessite de s'adapter et de penser l'organisation du travail en conséquence », souligne le premier syndicat français, mettant en avant l'intérêt du Compte épargne-temps, mesure chère à la CFDT, pour reporter des congés non pris en cas de maladie. FO se félicite de ces deux « décisions protectrices des salariés ».

La CGT salue « deux victoires majeures » et appelle à « l'application immédiate de cette jurisprudence dans toutes les entreprises » avec « effet rétroactif », ainsi qu'une « inscription dans la loi, afin de sécuriser durablement cette avancée sociale ».

« Quand on aura un ministre du Travail, on va demander une réunion sur le sujet », a déclaré à l'AFP Denis Gravouil, secrétaire confédéral de la CGT.

Pour l'Association des accidentés de la vie (FNATH), qui réclamait aussi cette décision, désormais « il faut que l'information passe bien, que salariés et employeurs soient au courant des nouvelles règles ».

Au sein de Croissance +, une association réunissant des entrepreneurs cherchant à concilier performance économique et responsabilité sociétale, la mesure fait aussi débat : « Tout le monde dit que cela va être impossible à contrôler », rapporte l'un de ses membres, Sébastien Leleu. « Si des salariés abusent de ce système, ce sera le moment de se remettre en question en termes de management », observe-t-il.