Tout ça pour ça ? Depuis le 1er octobre 2020, les détenteurs d'un Livret de développement durable et solidaire peuvent effectuer des dons aux acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS) directement depuis leur LDDS, qu'ils s'agissent des intérêts versés chaque année ou même du capital. Il suffit pour cela de sélectionner l'une des 10 associations, au minimum, choisies par la banque.
Le versement réalisé depuis le LDDS est bien sûr un don éligible aux réductions d'impôt à 66% ou 75% selon le statut de l'organisme. Charge à l'association partenaire choisie de transmettre un reçu fiscal en échange au donateur.
Une procédure méconnue
Un dispositif unique en son genre donc, mais qui reste confidentiel malgré les plus de 26 millions de LDDS ouverts, pour un encours de 160 milliards d'euros. D'ailleurs, selon un sondage (1) réalisé par YouGov pour MoneyVox, seuls 15% des sondés en connaissent l'existence.
« Le nombre de dons effectués par les détenteurs de LDDS à des entreprises de l'économie sociale et solidaire reste faible. Ces dons se sont élevés au total à 2,6 millions d'euros » en 2024, souligne le rapport de la Banque de France sur l'épargne réglementée, présenté courant juillet. Si le montant est plus de deux fois supérieur aux 1,2 million d'euros récoltés en 2022, par exemple, il faut se rappeler que l'an dernier, le LDDS a rapporté 3% d'intérêts contre 1,375% deux ans avant.
« Une promotion plus active de la part des banques pourrait faire s'envoler le montant des dons »
Des dons qui stagnent
Au final, le nombre de dons progresse à peine : 2 550 en 2022, contre 2 720 en 2024 pour un montant moyen de 950 euros. « Des chiffres très faibles en comparaison avec les 8,5 millions d'euros de dons versés depuis les livrets de partage dont l'encours est passé de 1,8 milliard d'euros en 2023 à 2,1 milliards d'euros en 2024, soit une croissance de +14% », souligne Patrick Sapy, directeur général de Fair, une association qui promeut l'investissement à impact social en France et gère le Label Finansol. « Bien sûr, les livrets de partage sont davantage un produit d'épargne militant, qui obligent leurs titulaires à reverser au moins 25% des intérêts à des associations. Même si le LDDS est un placement différent, il me semble qu'une promotion plus active de la part des banques pourrait faire s'envoler le montant des dons ».
Selon lui, « la profession bancaire a beaucoup ferraillé » contre la transformation du LDD en LDDS car cela les contraignait « à réaliser de très lourds investissements informatiques pour effectuer les virements des dons vers les structures bénéficiaires une fois par an et leur préciser les noms des donataires afin que les associations puissent leur envoyer les reçus fiscaux ».
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Une information annuelle des banques
Aujourd'hui, les banques sont censées informer les titulaires de LDDS chaque année de cette possibilité. Voici les explications de la Fédération bancaire (FBF) : « Les banques informent leurs clients activement de ce dispositif depuis cinq ans. Elles ont mis en place des bonnes pratiques en la matière comme :
- l'envoi de communications spécifiques (courriels, SMS) aux clients titulaires de LDDS ;
- l'intégration d'informations sur les sites web et applications bancaires ;
- la valorisation des associations et entreprises de l'ESS partenaires. »
En parallèle, nous avons également interrogé toutes les banques distribuant le LDDS pour connaître leurs pratiques. Seules quelques-unes ont accepté de nous répondre.
Par exemple, La Banque Postale dit réaliser une campagne de communication annuelle qui se déroulera du 1er octobre au 28 décembre. Une procédure « essentiellement digitale, sur le site web de la banque et sur la banque en ligne de nos clients, ainsi que via les conseillers bancaires en bureaux de poste. » Pourtant, en 2024, aucun message n'avait été reçu par l'auteur de ses lignes, pourtant titulaire d'un LDDS à La Banque Postale.
Au Crédit Agricole, la communication annuelle se déroule en septembre. « A minima un courrier est envoyé à chaque détenteur, qui peut être dématérialisé en fonction du canal de communication habituel choisi par le client. Chaque Caisse régionale peut également compléter le dispositif par d'autres communications », explique le Crédit Agricole.
Chez SG, on fait savoir, notamment, que tous les titulaires d'un LDDS sont invités à participer du 1er octobre au 30 novembre à une campagne d'appel aux dons par courrier postal et via la messagerie dans leur espace client. La banque rouge et noire est l'une des deux banques à nous avoir donné le montant de dons versé par ses clients via le LDDS : 132 425 euros en 2024, en hausse de 9,3% par rapport à 2023.
Au Crédit Coopératif, 13% des clients ayant un LDDS ont fait un don depuis leur livret l'an dernier, pour un total de 1 093 074 euros versés. C'est France terre d'Asile avec 162 734 euros qui en a le plus bénéficié. Le Crédit Coopératif, qui se présente comme la banque de l'économie sociale, précise que les dons de ses clients via le LDDS sont constitués d'intérêts à 99%, contre 1% de capital.
« Le LDDS n'est manifestement pas le bon canal pour susciter et faire des dons »
Une utilité discutée
Pour la FBF, la conclusion est claire : « le LDDS n'est manifestement pas le bon canal pour susciter et faire des dons... car les pratiques habituelles de don direct sont très largement privilégiées. » En 2024, l'ensemble des dons des particuliers ont atteint 3,641 milliards d'euros, réalisés par 5,5 millions de foyers fiscaux donateurs, selon le baromètre France générosité.
Si la FBF dit avoir consulté ses adhérents pour identifier les bonnes pratiques d'information des clients, elle estime « que ces efforts n'auront pas d'impact sur le montant des dons parce que les clients n'utilisent pas le LDDS comme un véhicule de dons, mais comme un véhicule d'épargne, notamment de précaution, pour un coup dur ou un coup de cœur ».
De son côté, la Banque de France ne fera pas des dons LDDS son prochain cheval de bataille auprès des établissements bancaires. Elle préfère concentrer ses efforts sur le Livret d'épargne populaire (LEP) afin que ces derniers en améliorent la diffusion auprès des millions de Français éligibles, mais pas encore équipés. Car le LEP, avec son taux de 2,7% net, est bien mieux rémunéré que le Livret A et le LDDS (1,7%).
Une réforme avec un point positif
Au final, la transition solidaire du LDD en LDDS est-elle un échec ? Pas si sûr. En effet, cette réforme a mis en place un autre dispositif encore plus confidentiel pour le grand public. Il impose aux banques d'utiliser au moins 5% de l'épargne déposée sur les LDDS et le Livret A, qui restent dans leurs coffres (soit environ 40% de leur collecte, le reste revenant à la Caisse des dépôts), au financement de l'économie sociale et solidaire.
Et les banques vont bien au-delà de ce pourcentage minimum, avec 17% des encours affectés au financement de l'ESS, soit 41,2 milliards d'euros de prêts en 2024, rapporte la Banque de France « Ce mécanisme marche bien, mais celui des dons est à la traîne », résume Patrick Sapy.
Le comparatif des offres sur les meilleurs livrets bancaires
(1) Enquête réalisée par YouGov France auprès de 1 021 personnes représentatives de la population nationale française âgée de 18 ans et plus. Le sondage a été effectué en ligne, sur le panel propriétaire YouGov France, du 3 au 4 septembre 2025.