La question est devenue urgente fin 2022, après la sortie fracassante de ChatGPT. « Certains collaborateurs ont voulu tester plein de choses », se rappelle-t-on chez Abeille Assurances, au risque d'utiliser « des outils qui ne respectaient pas la réglementation sur les données », comme c'était alors le cas de ChatGPT.
À l'époque, « la frontière entre un usage privé de l'IA et un usage professionnel était très floue », abondait mercredi Benjamin Merklen d'Axa, à l'occasion du salon Adopt IA à Paris.
Banques et assurances ne peuvent pas prendre le risque que les modèles de langage s'entraînent à partir de textes contenant des données clients sensibles.
Abeille Assurances a alors pris la décision de bloquer purement et simplement l'accès à ChatGPT. Les salariés et les agents avec qui l'assureur travaille doivent recourir à des solutions de Microsoft et de Google, dont l'étanchéité des données est promise contractuellement.
« ChatGPT sécurisé »
La plupart des autres acteurs ont compté davantage sur le bon sens de leurs salariés. Bon sens que les directions renforcent par une multitude de formations en interne : 45.000 salariés sur 100.000 de BPCE (Banque populaire, Caisse d'Epargne) en ont déjà suivi une. On y apprend certes à écrire la meilleure requête (prompt) possible, mais surtout à se restreindre aux outils agréés par le service juridique.
Engagements écologiques obligent, on y incite aussi à minimiser l'impact carbone en rappelant que certaines requêtes peuvent se contenter d'une recherche Google.
Que ce soit Axa avec « Secure GPT » ou le Crédit Agricole avec son « Sécuri'Chat », qualifiée de « ChatGPT sécurisé », de nombreuses banques et assurances ont demandé à leurs équipes de développeurs de créer une plateforme à usage exclusif des salariés.
Ces plateformes font tout de même appel en sous-main aux modèles de langage des gros acteurs de l'IA, comme ceux de Microsoft ou d'Anthropic, et ont accès aux données internes.
Mais banquiers et assureurs espèrent avec ces plateformes maison garder le contrôle sur leurs données. Les solutions techniques diffèrent : là où BNP Paribas héberge en interne des modèles du spécialiste français de l'IA Mistral, BPCE a de son côté également recourt à des serveurs de prestataires et réserve ses serveurs aux données « les plus sensibles ».
Rédiger des réponses aux clients
Que font les salariés avec ces ChatGPT internes mis à disposition par leur direction ? Pour les banques et assurances, dont la réglementation s'épaissit année après année, de nombreux acteurs mettent en avant un cas d'usage de l'IA précis : éviter aux salariés d'éplucher les documents internes pour, par exemple, connaître les règles autour d'un produit bancaire ou d'une assurance.
Les salariés peuvent simplement utiliser un chatbot (assistant conversationnel) interne, branché sur ces documents. Parmi les autres facilités que procure l'IA, le groupe BPCE évoque, pour ses conseillers, la préparation et le compte-rendu des entretiens d'analyse financière avec les clients. Abeille Assurances mentionne également la pré-rédaction de réponses aux clients.
Face aux inévitables hallucinations des IA - leur tendance structurelle à parfois inventer de fausses informations - le groupe BPCE a mis en place des dispositifs pour les minimiser, comme demander à l'IA de ne s'appuyer que sur les documents du groupe, et de reconnaître son ignorance pour les cas les plus durs.
Surtout, comme d'autres banques et assureurs, il a imposé une consigne à ses salariés : toujours vérifier le fruit de leurs requêtes. Le secteur veut contrôler l'usage de l'IA par ses salariés, mais en attend beaucoup : dans son plan stratégique 2026-2028, Crédit Agricole ambitionne de réduire de 20% les tâches administratives grâce à l'IA.
« Pas forcément avec l'idée de 20% d'effectif en moins », tenait à rassurer mercredi le directeur général de Crédit Agricole SA Olivier Gavalda, « mais plutôt celle de donner du temps aux collaborateurs pour se concentrer sur les tâches à forte valeur ajoutée. »
Mardi, la troisième banque des Pays-Bas, ABN Amro a annoncé une réduction de 5.200 postes d'ici 2028, justifiée entre autre par l'intelligence artificielle.























