Dans le cadre du projet de loi gouvernemental contre les fraudes sociales et fiscales, examiné depuis jeudi, les sénateurs ont abordé les articles les plus irritants de ce texte : ceux qui visent directement les allocataires ou les salariés.

Un article, adopté largement, vise notamment à conditionner le versement de l'indemnisation chômage à la domiciliation des comptes bancaires en France ou dans l'Union européenne.

« La possession d'un compte bancaire domicilié à l'étranger constitue un indice de résidence ou d'exercice d'activité à l'étranger potentiellement non déclarés à France Travail », a justifié le ministre du Travail Jean-Pierre Farandou. « Cette situation peut aussi compromettre la capacité de l'opérateur à recouvrer des indus », c'est-à-dire des sommes perçues par des allocataires qui n'y ont pas droit, a-t-il ajouté.

« Discriminatoire »

Alors que la résidence en France est déjà une obligation pour les bénéficiaires d'allocations chômage, cette nouvelle exigence a été dénoncée par une partie de la gauche qui l'a jugée « discriminatoire » voire « inutile », estimant que le lien entre compte à l'étranger et fraude n'était pas établi.

« On crée un dispositif pour un problème qui n'existe pas. Cette mesure pénalise d'abord les travailleurs transfrontaliers, les saisonniers, les intérimaires et les précaires installés dans les zones frontalières », a regretté la communiste Silvana Silvani.

La droite sénatoriale a au contraire salué une mesure de « bon sens » : avec un compte en France, « il est beaucoup plus simple de faire du recouvrement forcé », a insisté Frédérique Puissat (Les Républicains).

France Travail pourrait être autorisée à consulter les relevés téléphoniques

Une autre mesure, qui sera mise au vote jeudi après-midi, risque de faire parler encore plus.

Il s'agit de donner à France Travail de nouveaux moyens d'enquête pour vérifier la résidence effective des allocataires, en lui permettant de consulter les relevés d'appels auprès des opérateurs de téléphonie, ou encore d'interroger le fichier des compagnies aériennes.

Cela ouvrirait alors la voie à une suspension conservatoire de toutes les allocations lorsque « plusieurs indices sérieux de manœuvres frauduleuses » sont observés.

Les sénateurs ont par ailleurs adopté une mesure visant à obliger le titulaire du compte personnel de formation (CPF) à se présenter aux épreuves de certification sauf « motif légitime », sans quoi sa formation ne pourra plus être prise en charge par le CPF. Un dispositif de « responsabilisation » des bénéficiaires, selon le gouvernement et la droite ; une mesure « violente » et « décourageante » pour les salariés, selon une partie de la gauche.