La suppression de l'indemnisation du premier jour de congé de maladie ordinaire (CMO) des agents de la fonction publique réalisée entre 2012 et 2013 a été réintroduite au 1er janvier 2018. « Ces mesures constituent une série d'« expériences naturelles » permettant d'évaluer l'effet du jour de carence sur la fréquence et la durée des arrêts de travail, les inégalités de revenu, la santé perçue et le recours aux soins », indique l'Insee dans une étude publiée ce mercredi.

Celle-ci cherche à mesurer les effets du « jour de carence » sur les absences pour maladie des personnels de l'Éducation nationale. Pour cela, l'étude de l'Insee, réalisée sur la période 2006-2019, porte sur 98,5% des personnels du secteur public de l'Éducation nationale (hors apprentis, ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation) exerçant en France continentale (hors Corse et DOM), soit environ 880 000 personnes (1).

Il ressort qu'en moyenne, les personnels du secteur de l'enseignement public ont moins d'un épisode d'absence pour maladie ordinaire par an (0,81) pour un total de 6,7 jours en moyenne par an. « Les absences de moins de 4 jours représentent 56% des épisodes de maladie ordinaire, mais seulement 12% des jours de CMO annuels en moyenne. À l'inverse, les absences de plus de 3 mois représentent seulement 1% des épisodes de maladie ordinaire, mais 18% des jours de CMO », précise l'Insee.

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Des enseignants davantage absents dans les établissements avec des élèves issus de milieux défavorisés

Plusieurs autres constats sont relevés par cette enquête : une diminution de la fréquence des absences mais une durée qui augmente avec l'âge des salariés ou encore des absences plus nombreuses et plus longues pour raison de santé chez les femmes. « C'est également le cas de ceux qui travaillent à temps plein, de ceux qui exercent sous le statut de fonctionnaire, de ceux qui sont en contrat à durée indéterminée, ou de ceux qui exercent dans un établissement d'éducation prioritaire », indique l'Insee.

Pour ces derniers, ce résultat vient confirmer d'autres études indiquant que les enseignants sont davantage absents dans les établissements qui accueillent des élèves issus de milieux défavorisés. « Cette situation, susceptible de refléter des conditions de travail plus difficiles, peut du reste conduire à des inégalités d'apprentissage entre élèves, car les absences de courte durée sont peu remplacées et les jours remplacés sont susceptibles d'être moins productifs que ceux assurés par l'enseignant principal », avance l'Insee.

Avec l'introduction du jour de carence dans la fonction publique, les estimations montrent que le nombre d'épisodes d'absence pour maladie ordinaire par an est inférieur de 23% et que le nombre de jours d'absence diminue de 5% en moyenne pour l'ensemble des personnels du secteur public de l'Éducation nationale.

Cet écart s'explique par la diminution forte et significative de l'effet du jour de carence sur le nombre d'arrêts avec la durée de l'arrêt maladie : l'effet estimé est de -44% pour les épisodes d'un jour, -26% pour les épisodes de deux jours, -25% pour les épisodes de trois jours, -12% pour les épisodes de 4 à 7 jours, -4% pour les épisodes de 8 à 14 jours et -1% pour les épisodes de 15 jours à 3 mois. Au-delà, le jour de carence n'est pas significatif.

Le jour de carence réduit les absences, mais des effets discutables

L'introduction du jour de carence a eu pour conséquence une réduction plus marquée de la fréquence absences chez les femmes et les personnels travaillant dans le réseau d'éducation prioritaire par rapport aux hommes et aux autres personnels hors réseau d'éducation prioritaire.

« Cependant, ces populations continuent de présenter un nombre d'épisodes d'absence pour maladie ordinaire plus élevé que les autres catégories de la population, et sont donc davantage pénalisées financièrement par l'application du jour de carence. Ces comportements d'absence peuvent refléter des disparités d'état de santé ou d'exposition à des risques professionnels qui subsistent en présence du jour de carence », précise l'Insee.

« L'efficacité économique et sociale de ce type de mesure est a priori ambiguë »

Si la fréquence des absences diminue lorsque le taux de remplacement du salaire se réduit, « l'efficacité économique et sociale de ce type de mesure est a priori ambiguë », explique l'Insee. « Elle dépend de son impact sur la santé publique (contagions, durées de convalescence, rechutes), les inégalités de revenus, les dépenses publiques (le montant des indemnités journalières versées mais aussi les dépenses de santé potentiellement induites) et la productivité des entreprises et des administrations ».

Pour l'Insee, « des données complémentaires seraient nécessaires pour évaluer l'effet de cette mesure sur la santé à plus long terme, ainsi que sur la productivité individuelle et collective, et notamment sur les performances scolaires des élèves ».

Jour de carence dans le privé

Par principe, le premier jour de congé de maladie n'est pas rémunéré dans la fonction publique. Cependant il existe plusieurs exceptions. Il n'y a pas de jour de carence notamment en cas de congé de longue maladie, congé de longue durée, congé de maladie accordé après une déclaration de grossesse et avant le début du congé de maternité et congés supplémentaires accordés en cas de grossesse pathologique...

Qu'en est-il dans privé ? En cas d'arrêt maladie, les salariés du secteur privé perçoivent des indemnités journalières versées par la sécurité sociale au terme d'un délai de carence de 3 jours. Cependant, au moins les deux tiers d'entre eux sont protégés contre la perte de revenu induite par le délai de carence par le biais de la prévoyance d'entreprise, selon une étude de la Drees. Le gouvernement Attal souhaitait faire passer ce délai de carence jusqu'à 8 jours.

(1) Les enseignants représentent 79,7% des effectifs (37,1% d'enseignants du primaire et 42,6% d'enseignants du secondaire), le personnel d'éducation (assistants d'éducation, conseillers d'éducation) 11,6%, le personnel administratif 5,5%, le personnel d'encadrement (direction des établissements, inspection pédagogique) 1,8%, et enfin le personnel médico-social (infirmiers, médecins, psychologues, services sociaux) 1,4%.