Les cryptoactifs, de plus en plus plébiscités par les épargnants ? Le nombre d'adresses crypto actives a triplé depuis fin 2023, atteignant 220 millions d'adresses mensuelles en septembre 2024. Si la cryptomonnaie la plus connue reste sans équivalent le bitcoin, d'autres actifs numériques se font une place dans notre vie de tous les jours : les stablecoins.

Un stablecoin est un « crypto actif qui a pour objectif de répliquer le cours d'une monnaie fiat, comme l'euro ou le dollar, pose François Laviale, associé chez Alphacap. Aujourd'hui, la majorité des stablecoins en circulation sont des stablecoins dollars. » C'est le cas par exemple de l'USDC de Circle ou encore l'USDT de Tether.

Une utilité de plus en plus démontrée

« Un stablecoin c'est le cryptoactif qui joue le rôle de valeur refuge, confirme Pierre-Yves Dittlot, fondateur de Ledgity. C'est un actif numérique qui est collatéralisé avec de la monnaie fiduciaire, en compte en banque. Pour un investisseur qui souhaite s'extraire de la volatilité du prix du bitcoin, il peut la revendre contre un stablecoin et donc conserver cette valeur. Il n'y a pas d'aspect spéculatif. » Aujourd'hui, le stablecoin est ainsi très prisé des épargnants souhaitant sortir leurs actifs en bitcoin ou en ether, sans pour autant payer d'impôts. Mais l'utilité des stablecoins va au-delà.

« Il y a aussi une utilité en transfert de valeur, prolonge Pierre-Yves Dittlot. Dans les pays émergents beaucoup de transactions se font en stablecoins car c'est plus simple et moins risqué qu'avec la monnaie locale. De plus, un transfert d'argent d'un pays à un autre via la blockchain ne coûte que quelques dizaines de centimes. C'est donc un sérieux concurrent à des entreprises comme Western Union qui vivent avec des marges beaucoup plus conséquentes. » En Europe, en revanche, « le stablecoin n'est pas utilisé au quotidien aujourd'hui parce que la monnaie est stable et les systèmes bancaires en place fonctionnent bien », développe Wolf-Alexis Puttfarken, responsable du développement chez Bitpanda.

Mais les stablecoins se font également de plus en plus présents au niveau institutionnel. « S'il n'y a, pour le moment, pas encore eu une adoption massive, on voit que les stablecoins ont tout de même une capitalisation très importante (environ 172 milliards de dollars, dont plus de 130 milliards pour Tether, NDLR). Il y a de grandes entreprises qui ont dans leur trésorerie un moyen interne entre leurs différentes filiales pour faire les transferts en stablecoins, car c'est beaucoup moins complexe que le système bancaire », continue Wolf-Alexis Puttfarken.

Et les derniers changements juridiques devraient conforter cette utilisation. Jusqu'ici assez flou et peu encadré, l'environnement des stablecoins a connu ces dernières semaines une évolution de taille avec l'arrivée de la réglementation MiCA (pour Markets in Crypto-Assets, NDLR) qui vient réguler le marché des cryptoactifs. Adoptée par le Parlement européen en avril 2023, elle vise à homogénéiser les règles au niveau européen. Ainsi, depuis juillet 2024, les émetteurs de stablecoins doivent conserver au moins 60% de leurs réserves dans des banques européennes.

Crypto : les stablecoins sont-ils une vaste arnaque ?

De plus, le règlement MiCA « prévoit un agrément obligatoire pour les prestataires fournissant des services sur cryptoactifs (PSCA), dont les exigences sont proches de l'agrément optionnel du régime français », rappelle le site de l'autorité des marchés financiers (AMF).

Les banques et les institutions de plus en plus intéressées par le stablecoin

« MiCA est une bonne chose, cela va permettre d'apporter de la confiance et de favoriser une adoption notamment par les institutions. Mais cela protège aussi le secteur bancaire, puisque les émetteurs doivent conserver une partie en dépôts bancaires, estime Pierre-Yves Dittlot. Les institutions ont sans doute peur d'un retrait de liquidités massives du secteur bancaire. »

Les banques cherchent d'ailleurs à rattraper leur retard. « De plus en plus de banques se mettent à travailler sur des stablecoins », confirme François Laviale. SG, via sa filiale Forge, agréée en qualité de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) par l'Autorité des marchés financiers en 2023, émet ainsi de son propre stablecoin euros (EURCV, disponible notamment sur Paymium, une plateforme d'échange de cryptommonaies basée en France). Et d'autres pourraient suivre, la majorité des banques travaillant aujourd'hui sur le sujet.

En effet, « les systèmes bancaires vont de plus en plus se tourner vers la blockchain (la technologie permettant le stockage et la transmission d'informations ou de transactions, sur laquelle repose le système des cryptoactifs, NDLR), car c'est beaucoup moins complexe, explique Wolf-Alexis Puttfarken. Il y a donc un consensus parmi les banques pour dire qu'il y aura à l'avenir un effet de remplacement des systèmes actuels. »

Alors, quel futur pour les stablecoins ? Si aujourd'hui, certaines fintechs à l'image de Deblock permettent de régler ses achats du quotidien grâce à ses cryptoactifs, la tendance n'est pas encore à une généralisation. « La dimension transfert de valeur à l'international va s'intensifier à la hausse tandis que les règlements du quotidien devraient, à date, prendre plus de temps à se démocratiser. En Europe, leur utilisation dans la vie quotidienne, comme on le ferait avec des euros, reste encore limitée en raison de l'acceptation limitée par les commerçants. », estime François Laviale.

Un avis partagé par Wolf-Alexis Puttfarken : « Il faut se poser la question de l'utilité dans le futur proche. Aujourd'hui, il serait possible grâce à un code ou un QR code de payer directement ses courses en stablecoins sur le wallet du supermarché. Mais cela fonctionne très bien avec la carte bleue ou par téléphone. Le changement ne viendra donc pas forcément directement des usagers, mais plutôt des acteurs de paiement qui pourraient décider d'utiliser de plus en plus la blockchain. On voit par exemple que Visa a une très grande équipe qui réfléchit à ces questions. »