« C'est pareil, ça ne change rien », témoigne auprès de l'AFP Christian, 62 ans, qui vient de retirer à la veille de ses congés 800 euros en liquide auprès d'un des premiers distributeurs de billets (DAB) « Cash services » de la région parisienne, à Montreuil (Seine-Saint-Denis).
L'automate a troqué le vert de sa banque d'origine, BNP Paribas, contre le noir mat de Cash services, exploité par la société 2SF, commune à BNP Paribas, Société Générale et au Crédit Mutuel.
Si l'écran d'accueil est neutre, Christian retrouve, une fois sa carte insérée, l'interface de sa banque. Et peut retirer des billets mais également consulter son compte et effectuer des virements.
Après une centaine d'appareils installés lors d'une phase pilote, 2SF vise d'ici 2026 un peu plus de 10.000 DAB sur près de 7.000 sites.
Cette recomposition du parc d'automates, un projet à plusieurs centaines de millions d'euros par an pour ses actionnaires, s'accompagne d'une baisse drastique de leur nombre, de l'ordre de 30%.
Le niveau de service n'en sera pas affecté, affirme le consortium, qui met en avant les nouvelles fonctionnalités et de nombreux appareils en doublon.
Place vacante
Ce recul des banques historiques sur le terrain, qui s'explique par des recherches d'économies de coûts et par la baisse de l'usage de ces machines amorcée en 2014, a ouvert un marché auprès des communes rurales pour d'autres spécialistes du cash : les convoyeurs de fonds.
Renaud Combaud, maire d'Aigre (Charente), a par exemple décidé de contracter avec le suédois Loomis pour faire installer en août 2021 un distributeur de billets, moyennant 12.000 euros par an, après un investissement initial de 20.000 euros, financé pour moitié par l'Etat, pour aménager un local.
« On a un certain nombre d'habitants qui sont très attachés aux espèces », explique-t-il à l'AFP.
L'édile fait également état d'une « forte demande des commerçants », qui pour certains ne prennent pas la carte en-dessous d'un certain montant « en raison des frais qui sont appliqués » par les établissements bancaires.
Le DAB d'Aigre, aux couleurs jaune et bleu du blason de la ville, est utilisé près de 2.000 fois par mois.
A la demande des localités désertées par les agences bancaires, 2SF aura également vocation à répondre aux appels d'offre pour l'installation d'un DAB, comme aujourd'hui Loomis ou les américains Euronet et Brink's.
Expérimentations
La Banque en ligne Revolut, mastodonte du secteur en Europe, a quelque peu surpris les observateurs en évoquant fin novembre son arrivée sur le terrain de la distribution des espèces.
« Nous cherchons à multiplier les occasions de nous implanter dans le monde réel », gage de « confiance », expliquait alors à l'AFP le directeur de la croissance et du marketing Antoine Le Nel.
Le test devrait commencer en Espagne au début de l'année prochaine, avec des distributeurs de nouvelle génération, différents de ceux qu'on connaît aujourd'hui.
Revolut imagine ainsi de grands écrans tactiles, à même de diffuser des messages publicitaires lorsqu'ils ne sont pas utilisés, où le client pourra s'identifier sans contact voire avec un système de reconnaissance faciale.
Les machines, pensées pour répondre aux besoins bancaires plus « traditionnels », permettront aussi de recruter de nouveaux clients et de distribuer des cartes bancaires prêtes à l'emploi.
La Poste a commencé en avril une autre expérience : un camion, à la manière des fourgons jaunes des années 1960-70, sillonne le département de la Creuse et propose un service de retrait d'espèces. La Banque postale en dressera le bilan au printemps 2025.
Concurrencé par les technologies mobiles et sans contact, le cash n'a pour beaucoup pas dit son dernier mot.
Les retraits moyens sont toujours très importants -entre 80 et 90 euros par exemple à Aigre - et des acteurs comme Compte Nickel, filiale de BNP Paribas, constatent cette année une hausse de 15% de la demande en espèces, en nombre et en valeur.