L'arrivée de Frédéric Oudéa chez Revolut, annoncée jeudi soir, d'une figure de la banque traditionnelle au sein de la néobanque en quête de respectabilité intervient après celle de Béatrice Cossa-Dumurgier, passée par BNP Paribas et le conseil d'administration de Société Générale, nommée en juin à la direction générale de cette filiale Europe de l'Ouest.
« J'essaierai d'apporter mon expertise à la fois stratégique et de la gouvernance à Revolut », a déclaré à l'AFP Frédéric Oudéa, qui voit dans ces atouts « un des ingrédients pour pouvoir se développer » au niveau des « ambitions, très fortes, de Revolut en Europe ».
Car la fintech, créée en 2014, aspire à devenir rien de moins que « le plus grand groupe bancaire d'Europe », selon les mots d'un de ses responsables en mai.
Comme le reconnaît Frédéric Oudéa, il est « passé par toutes les crises qu'on puisse imaginer » à la tête du groupe bancaire français, qu'il a quitté en 2023, remplacé par Slawomir Krupa.
Plusieurs affaires ont secoué la banque au logo rouge et noir sous sa direction : manipulation du taux interbancaire Libor au tournant de la décennie 2010, arrestation du directeur général de la filiale russe de banque de détail Rosbank en 2013, mise en cause dans l'affaire Panama Papers en 2016...
Mais celui qui préside également le géant pharmaceutique Sanofi ne croit pas que ce soit l'argument principal qui ait motivé son recrutement par Revolut.
« Je pense que c'est plutôt l'expertise bancaire », affirme-t-il à l'AFP, à la fois « stratégique et de la gouvernance », « un des ingrédients » qui permettra à Revolut de concrétiser ses « très fortes ambitions en Europe. »
Frédéric Oudéa se dit convaincu par le « projet totalement entrepreneurial » de la fintech britannique en Europe et rappelle que, dans le milieu de la banque, il a « toujours considéré que la technologie allait apporter beaucoup aux clients ».
Flegme
Inspecteur des Finances puis conseiller de Nicolas Sarkozy lorsqu'il était ministre du Budget, Frédéric Oudéa avait été catapulté en pleine tempête à la tête de Société Générale, en 2008, après une perte de 4,9 milliards d'euros liée aux transactions effectuées par le trader Jérôme Kerviel.
« C'est quelqu'un qui garde la tête froide, qui ne perd pas son calme », affirmait en 2022 à l'AFP Bernardo Sanchez-Incera, un de ses plus proches collaborateurs pendant près de dix ans.
Quand certains vantent son flegme, d'autres le jugent peu empathique, voire froid, et difficile à lire derrière un éternel sourire. Il a « les qualités de ses défauts », estime une source.
Réputé secret et peu porté sur les mondanités, ce fils de médecin né en 1963 a suivi le cursus traditionnel d'un grand commis de l'Etat. Ancien élève de l'École polytechnique et de l'ENA, Frédéric Oudéa occupe d'abord plusieurs postes au sein de l'administration, avant d'entrer chez Société Générale à Londres en 1995.
Il épouse en 2006 Amélie Castéra, aujourd'hui présidente du Comité national olympique français, après avoir été ministre des Sports et éphémère ministre de l'Education nationale dans les gouvernements Borne puis Attal.
Amateur de vin de Bourgogne et grand sportif
Amateur de vin de Bourgogne et grand sportif, on le dit bon joueur de tennis et de football, qu'il pratique avec ses cinq enfants.
Directeur financier de « SocGen » à partir de 2003, il a 45 ans lorsqu'il prend la tête de la banque en 2008.
En tant que directeur général du groupe bancaire - puis PDG de 2009 à 2015 -, il affronte la crise de la zone euro, puis du Covid-19, alors qu'il assure la présidence de la Fédération bancaire française (FBF), où il « n'a pas compté son temps ni son énergie », selon la directrice générale du lobby bancaire français Maya Atig.
BoursoBank, son « bébé »
Lors de ses mandats à la tête de Société Générale, Frédéric Oudéa a notamment chapeauté le rachat de Boursorama, depuis renommée BoursoBank, qu'il voit comme « (son) bébé ».
Il prévient : « je ne suis pas là pour répliquer un Boursorama », devenue la principale banque en ligne française avec ses 7,5 millions de clients, « mais pour décliner un modèle unique et global », là où « Boursorama n'est que français. » Revolut a vu sa valorisation bondir à 75 milliards de dollars lundi, dépassant sa compatriote Barclays. La néobanque revendique plus de 60 millions de clients, dont plus de 5 millions en France, son deuxième marché après le Royaume-Uni.
Frédéric Oudéa, président du conseil d'administration du géant pharmaceutique Sanofi depuis mai 2023, conservera ce poste malgré ses nouvelles fonctions chez Revolut.