Questions de Bristol et Plouc, les 24 octobre et 21 novembre :

Bristol : « Bonjour. Je suis veuf et sans descendance. Trouvez-vous normal que ma future succession, en faveur de mes neveux soit taxée à 45% ? Après un abattement dérisoire ! N'y a t-il pas là une injustice flagrante par rapport à une descendance directe ? (...) »

Plouc : « Bonjour. De multiples sites traitent de la succession quand on a des enfants ou vis-à-vis du conjoint survivant. Mais très peu d'articles traitent de la succession quand on est SEUL sans enfants ni conjoint survivant, autrement dit des informations à connaître et les astuces possibles quand ses héritiers seront : ses frères et sœurs, ses neveux et nièces, ses petits-neveux et petites-nièces en cas de décès de leurs parents. Pourriez-vous SVP donner des informations détaillées à ce sujet pour les personnes ayant un compte bancaire, un livret d'épargne (type livret A), une assurance-vie ou un PER ? Cela serait fort utile car au-delà d'un certain âge une certaine proportion de personnes peuvent se retrouver sans conjoint ni enfants suite aux aléas de la vie... merci. »

Bonjour Bristol, bonjour « Plouc », et merci pour vos questions respectives, toutes deux axées du point de vue d'une personne seule ou veuve et sans enfants. Nous ne disposons malheureusement pas de statistiques détaillées sur les héritages (et ce n'est pas faute d'avoir cherché) mais vous avez totalement raison, « Plouc » : il s'agit sans ambiguïté d'un cas de figure très courant et il est tout à fait légitime d'y consacrer un article dédié.

Droits de succession : abattements et taux d'imposition
Lien de parentéAbattementBarème après abattement
Entre époux ou pacsésExonération
Enfant100 000 €Barème des droits en ligne directe
Frère ou sœur15 392 €35% jusqu'à 24 430 € de part taxable
45% au-delà
Neveu ou nièce7 967 €55%
Petit-enfant1 594 €Barème des droits en ligne directe
Autre héritier ou légataire
(dont parents au-delà du 4ème degré)
1 594 €60%

A savoir : en cas d'héritage « par représentation », les barèmes et abattements sont plus avantageux.

« L'abattement sera effectivement limité dans ce cas de figure »

Commençons par le cas de Bristol, en considérant qu'il transmet à ses nièces et neveux alors que ses frères et sœurs (les parents des neveux et nièces) sont toujours vivants. « L'abattement sera effectivement limité dans ce cas de figure », à moins de 7 967 euros, comme dans le tableau ci-dessus, confirme la notaire parisienne Nathalie Couzigou-Suhas, interrogée par MoneyVox sur la base de 10 questions de lecteurs. En outre, le taux au-delà de cet abattement est même moins favorable : « Après ce seuil, il opère une taxation de 55% sur les biens et sommes reçues ». La donne est différente si les neveux et nièces ont déjà perdu leurs parents...

Héritage, impôts et donations : une notaire vous répond sur 10 questions pointues

Pas les mêmes droits de succession si les parents des neveux et nièces sont encore vivants

L'abattement et le taux de droits de mutation changent si les héritiers de « Bristol » se retrouvent « en représentation » : quand les parents des neveux sont décédés, les neveux bénéficient alors de l'abattement de 15 932 euros par bénéficiaire (et des taux de 35% puis 45%) dévolu en temps normal aux frères et sœurs, par représentation.

« Jusqu'au 31 décembre 2026, il peut transmettre à son neveu jusqu'à 100 000 euros exonéré pour lui permettre d'acquérir un bien dans le neuf pour y habiter »

Quels conseils pour anticiper cette succession fiscalement défavorable ?

« Après, si ce lecteur [Bristol, NDLR] a moins de 80 ans et ses neveux plus de 18 ans, il peut leur faire des dons de sommes d'argent, en veillant toutefois à ne pas trop se démunir : en l'absence de descendance, il peut bénéficier de l'exonération de dons familiaux de sommes d'argent jusqu'à 31 865 euros », souligne la notaire parisienne.

Donation : comment donner de l'argent à vos enfants ou proches, et combien ?

Nathalie Couzigou-Suhas ajoute un dernier conseil, en faisant référence à une mesure de la loi de finances pour 2025 : « Jusqu'au 31 décembre 2026, il peut transmettre à son neveu jusqu'à 100 000 euros exonéré pour lui permettre d'acquérir un bien dans le neuf pour y habiter ou l'affecter à l'habitation principale d'un locataire pendant au moins 5 ans. »

Cette mesure temporaire a toutefois été pointée comme peu efficace par le Conseil supérieur du notariat (CSN), dénonçant « un certain nombre d'imprécisions du texte ainsi que ses modalités d'application trop strictes en limitent malheureusement à notre avis la portée ». L'administration fiscale a récemment précisé la mesure.

Donation exonérée d'impôts : les conditions pour en bénéficier clarifiées

Par ailleurs, une assurance vie ayant votre nièce ou votre neveu pour bénéficiaire(s) reste évidemment un moyen permettant de transmettre du patrimoine sans droits de succession. Pour tous versements effectués avant l'âge de 70 ans, le ou les bénéficiaire(s) profitent d'un abattement fiscal jusqu'à 152 500 euros par bénéficiaire. Et ce même sans aucun lien de parenté.

L'exonération est réduite pour les versements effectués après 70 ans mais il reste tout de même de 30 500 euros, tous bénéficiaires confondus. Ce qui s'avère bien plus intéressant que l'abattement cité dans le tableau ci-dessus.

Soulignons enfin que tous les plans d'épargne retraite souscrits auprès d'un assureur (l'immense majorité des PER individuels) sont des contrats d'assurance vie, incluant une clause bénéficiaire. Et permettent donc à ces bénéficiaires de profiter de l'abattement évoqué.

Et si l'assurance vie vous faisait économiser des milliers d'euros de droits de succession ?

Enfin, pour répondre à votre remarque, « Plouc », concernant les autres produits bancaires, les livrets d'épargne ou autre compte courant, ils sont inclus dans la succession et sont soumis au barème présenté dans le tableau plus haut.

Un abattement trop faible pour les nièces et neveux ? Une question politique...

Les frais de succession s'étaient invités lors des débats électoraux de la présidentielle 2022. Plusieurs candidats - de tous bords politiques - comptaient doubler l'abattement de 100 000 euros pour les enfants mais aussi augmenter, très fortement, l'abattement pour les neveux et nièces. C'était le cas du candidat Emmanuel Macron, élu par la suite, qui comptait initialement porter à 100 000 euros les abattements pour les transmissions aux neveux et nièces du défunt, aux enfants de conjoint pour les familles recomposées, aux petits-enfants et donc plus globalement « aux autres membres de la famille ».

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