Le texte, émanant du sénateur centriste Philippe Folliot et dont l'objectif est de « lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires », a été adopté largement en octobre dernier par le Sénat. Son rapporteur à l'Assemblée nationale, Jean-Paul Mattei (Modem), a déploré mercredi dernier en commission des Finances une « asymétrie de fait dans la relation bancaire », les banques pouvant aujourd'hui clôturer des comptes bancaires sans avoir à apporter d'explications aux clients concernés.
Le texte a pour objectif de « rééquilibrer » la relation commerciale « au bénéfice de la partie la plus faible du contrat », a-t-il continué, en « cherchant à lutter contre le sentiment d'arbitraire et d'impuissance » d'une notification de résiliation unilatérale à l'initiative d'une banque.
Il concernerait cependant un nombre « très restreint » de clients, selon Jean-Paul Mattei. « Parler de fermetures de comptes abusives ne tient pas la route », avait souligné il y a deux semaines le patron du Crédit Mutuel Daniel Baal sur le réseau social professionnel LinkedIn, évoquant un sujet « mineur » pour le secteur.
Selon lui, les clôtures de comptes bancaires se font principalement après un acte d'incivilité ou en cas de flux financiers suspects, en parallèle d'un signalement à Tracfin, la cellule de lutte contre le blanchiment de Bercy.
Mais le texte a poursuivi son chemin, moyennant quelques amendements, en commission des Finances le 5 mars. « Il est anormal qu'une banque puisse mettre fin à une relation bancaire sans explication », avait alors déclaré le député centriste Charles de Courson, rapporteur général de la commission. « Une information claire pourrait réduire les contestations de la clientèle », avait-il ajouté.
« Sécurité nationale »
Cette volonté de transparence se heurte cependant à la discrétion nécessaire au travail d'enquête dans le cadre de soupçons de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme. Le texte y répond partiellement en autorisant les banques à ne pas divulguer le motif de résiliation « lorsque cette motivation contrevient aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l'ordre public ».
« Ça pose une vraie brèche » dans « l'efficacité du système Tracfin », avait estimé la directrice générale adjointe de la Confédération nationale du Crédit Mutuel Priscille Szeradzki, en marge de la présentation des résultats financiers de la banque le 6 mars.
Car en l'absence d'information par la banque sur le motif, « le client est sûr et certain qu'il fait l'objet d'une surveillance », avait-elle continué. Philippe Folliot a lui-même vu sa banque lui fermer son compte, sans qu'il n'y voit de raison particulière.
S'il a fait l'objet de plusieurs articles dans l'hebdomadaire satirique d'investigation le Canard enchaîné mettant en avant ses liens avec la Chine, le sénateur a affirmé récemment à l'AFP qu'il n'y avait « jamais eu rien d'illégal » dans les mouvements sur ses comptes.
Le travail en commission la semaine dernière a, par ailleurs, accouché d'un nouvel article, demandant la remise au Parlement d'un rapport annuel sur les motifs de résiliation, sur les litiges portés devant les médiateurs et sur la mise en œuvre du droit au compte.
Il accorde également une place particulière aux élus de la République, catégorisés par les banques comme personnes politiquement exposées (PPE) et aujourd'hui sous surveillance renforcée pour prévenir notamment les risques de corruption.