C'est une décision qui ne va pas faire plaisir aux banques. La fraude aux moyens de paiement est une menace qui reste à un niveau très élevé. Selon une enquête de la Fédération bancaire française (FBF) publiée mi-juin 54% des Français disent avoir déjà été confronté à une tentative d'arnaque aux données bancaires et 1 personne sur 10 indique en avoir été effectivement victime.
Phishing, virement falsifié... « La vigilance reste essentielle face aux escroqueries par de faux conseillers ou sites financiers et aux nouvelles menaces liées à l'Intelligence artificielle générative », rappelle la FBF.
Pour les victimes de fraudes bancaires, il est nécessaire de demander le plus rapidement possible à être remboursé. Mais quel est le délai pour agir ?
La protection en vigueur en cas de fraude
La réglementation est a priori très protectrice pour les consommateurs car la banque est tenu de « rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant », indique l'article L133-18 du code monétaire et financier.
L'article L133-24 précise, en outre, que le client doit réagir « dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n'ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement ».
Ce délai de 13 mois a déjà fait l'objet de plusieurs décisions de la Cour de cassations en 2024. Mais la Haute juridiction vient éclaircir la portée de ce délai dans un autre arrêt rendu ce mercredi.
Les faits sont les suivants : Dans la nuit du 5 au 6 mars 2019, deux virements apparaissent sur le compte bancaire de M. W pour un montant total de 11 031 euros. Le 7 mars 2019, M. W fait opposition contestant en être à l'origine. Le lendemain, il informe son agence et lui demande le remboursement de ces sommes. En vain.
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Le Crédit Mutuel assigné en justice
Le Crédit Mutuel refusant de rembourser, M. W l'assigne le 21 décembre 2021. Par un jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Lille le 5 mai 2023, le juge prononce l'irrecevabilité de la demande de M. W en invoquant le délai de forclusion de l'article L.133-24 du code monétaire et financier. M. W fait appel de cette décision.
La Cour d'appel de Douai la confirme, le 21 mars 2024, aux motifs que « l'article L. 133-24 du code monétaire et financier instaurait un délai de forclusion spécial de 13 mois, que les débits prétendument frauduleux remontaient au 6 mars 2019 et que l'assignation du 21 décembre 2021, soit largement plus de 13 mois plus tard, encourait donc la forclusion ».
Traduction : les juges considéraient que l'assignation devant le tribunal a été trop tardive (après le fameux délai de 13 mois), et que M. W ne pouvait donc plus agir... Pas de quoi refroidir M. W qui forme un pourvoi en cassation.
La réaction de la Cour de cassation
M. W obtient gain de cause. L'arrêt de la Cour d'appel est cassé et annulé considérant qu'elle a violé le sens de l'article L.133-24. En effet, la Haute juridiction rappelle que cet article prévoit que « l'utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion ».
Elle souligne qu'en l'espèce M. W avait signalé sans tarder les virements frauduleux et dans le délai de 13 mois. Il avait donc encore le droit d'agir en paiement contre sa banque, et ce dans le délai de droit commun qui est de 5 ans.
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