Bouygues Telecom, Orange et Iliad (Free) se sont positionnés de manière inédite mardi avec une proposition commune de rachat de « la plupart des actifs de l'opérateur SFR » pour 17 milliards d'euros. Une offre « immédiatement rejetée » par Altice France, maison mère de SFR.
Du côté des acheteurs potentiels, Bouygues Telecom et Orange se sont fendus de deux réponses, tout aussi brèves : les groupes ont respectivement « pris connaissance » et « pris note » du rejet.
Pour Sylvain Chevallier, analyste télécoms et associé du cabinet de conseil Bearing Point, « ce qui est important, c'est qu'il y ait une offre sur la table, pour que le processus de négociation commence ».
Avec cette offre menée par trois concurrents, le marché renoue avec l'hypothèse d'un rapprochement entre opérateurs, inédite depuis la tentative de rachat de Bouygues Telecom par Orange abandonnée en 2016.
Une question de prix ?
L'hypothétique rachat, qui prendrait des mois voire des années, devrait d'abord passer par un consensus sur le montant.
« Personne n'imaginait que la première offre soit la bonne », souligne auprès de l'AFP Sylvain Chevallier.
Avant le rejet de SFR mercredi matin, plusieurs analystes bancaires avaient qualifié l'offre de relativement basse.
D'après une note de la banque UBS, le prix de rachat de 17 milliards d'euros, qui porterait selon ses concurrents la valeur totale d'Altice France à 21 milliards, est « juste en deçà » de la valorisation moyenne calculée sur le secteur.
« Évidemment le prix est bas, puisque de toute façon, dans la négociation, il va monter », pointe Sylvain Chevallier, qui parle néanmoins d'une « offre tout à fait crédible. »
L'offre de mardi soir est venue mettre fin à des mois de spéculations accompagnant la restructuration financière d'Altice France.
Avec une dette tombée de plus de 24 milliards à 15,5 milliards d'euros début octobre, la maison mère de SFR s'est éloignée de la menace d'un mur de la dette.
Une opération qui l'a placée dans « une situation financière assainie, une situation opérationnelle et commerciale très largement améliorée » avec des « actifs uniques », vantait fin septembre son PDG Arthur Dreyfuss.
« Nous savons qu'il y a un certain nombre de marques d'intérêt pour certains actifs », avait-il aussi indiqué.
Les opérateurs concurrents s'étaient déjà déclarés favorables à une consolidation du marché, dans un secteur mature où les acteurs se livrent à une guerre des prix pour attirer des clients et rentabiliser de nombreux coûts fixes.
« La consolidation sur le marché français pourrait aboutir à un environnement plus équilibré au regard de la concurrence et des prix », a commenté la banque UBS.
« Vigilance » sur les tarifs
Les éventuelles discussions futures, comme leurs impacts économiques et sociaux, seront suivies de près.
Si Bouygues Telecom, Free et Orange ont assuré vouloir « préserver un écosystème concurrentiel au bénéfice des consommateurs », le ministre de l'Economie Roland Lescure a assuré mercredi qu'il resterait attentif.
« Je vais être extrêmement vigilant sur cette opération, parce qu'aujourd'hui (...) en France, on a les prix des téléphones mobiles, des abonnements, parmi les moins chers d'Europe », a-t-il déclaré sur RTL.
Du côté des syndicats, qui expriment depuis plusieurs mois la crainte d'un « projet de démantèlement » de l'opérateur aux 8.000 salariés, le rejet de l'offre n'a pas éteint les inquiétudes.
« J'ai passé ma matinée avec des salariés qui se demandent Est-ce qu'on doit partir maintenant ? Qu'est-ce qu'on fait ? », indique à l'AFP Olivier Lelong, délégué syndical central CFDT.
Mercredi matin, le syndicat a dénoncé dans un communiqué une opération qui « pourrait entraîner la suppression de plusieurs milliers d'emplois directs et indirects ».
Avec le syndicat Unsa et le CSE du groupe, la CFDT a fait appel de la validation par la justice du plan de sauvegarde accélérée d'Altice France. Une audience doit se tenir le 4 novembre.