Mis en ligne sur le site de ministère de l'Economie, ces travaux de l'économiste Solal Chardon-Boucaud s'efforcent, au vu d'une analyse des études scientifiques existantes, de chiffrer le coût socio-économique des effets négatifs de « L'économie de l'attention à l'ère du numérique ».
L'expression désigne le modèle des réseaux sociaux et de certaines plateformes numériques, conçu pour maximiser le temps passé en ligne par leurs utilisateurs, et donc les profits tirés de la publicité et la collecte de données.
« Une surexposition aux écrans et l'utilisation de médias sociaux peuvent être associées à une détérioration de la qualité du sommeil et à une plus forte prévalence de troubles psychologiques » - dépression, anxiété, stress chronique -, aux impacts économiques déjà observables, rappelle l'étude.
Ils proviennent « d'un effet direct lié à la sollicitation numérique - génération d'hormones du stress - et des fonctionnalités de certains outils, comme les comparaisons sociales sur les réseaux sociaux », résume-t-elle.
Selon l'Insee, 57% des moins de 20 ans déclarent ainsi ressentir au moins l'un des effets néfastes des écrans (réduction du temps de sommeil...). Cet impact sur la santé mentale, additionné à la perte de temps productif liée aux usages numériques (interruptions fréquentes, exécution ralentie...), coûterait déjà aujourd'hui « 0,6 point de PIB », estime l'économiste.
Capacité d'attention
Cela pourrait grimper à 2,3 points de PIB par an en diminuant, à l'horizon 2060, la productivité française : les enfants aujourd'hui surexposés aux écrans - les 30% des 12-17 ans qui passent plus de 35 heures par semaine devant un écran, selon le Crédoc - entreront alors sur le marché du travail.
Nombre d'études montrent déjà qu'une « forte exposition aux écrans dès le plus jeune âge, et en particulier l'utilisation des réseaux sociaux et du smartphone, a un impact particulièrement fort sur les capacités d'attention, de mémorisation et les compétences langagières », rappelle l'expert.
Les élèves utilisant « le smartphone à l'école plus de 3 heures par jour ont des scores en mathématiques entre 30 et 50 points inférieurs » à ceux l'utilisant moins de 2h quotidiennes, selon l'étude PISA 2022, relève-t-elle. Et les effets potentiels de l'IA générative ne sont pas encore intégrés : en demandant un effort moindre, son utilisation pourrait à long terme entraîner une « dette cognitive » (esprit critique et créativité moindres), selon une étude.