L'essentiel
- Les députés ont adopté, ce mercredi 12 novembre 2025, la suspension de la réforme des retraites ainsi que l'amendement du gouvernement censé étendre cette suspension aux carrières longues.
- Pour tous les futurs retraités nés à compter de 1964, la suspension permettra bien de justifier d'un trimestre de moins par rapport à la réforme Borne de 2023.
- L'amendement gouvernemental limite toutefois ce décalage aux seules « pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2026 ». De fait, l'extension aux carrières longues ne s'appliquerait pas aux départs activés début 2026.
Qui a le droit à un départ anticipé pour carrière longue ?
Deux conditions sine qua none doivent être remplies pour partir à la retraite en anticipé. Tout d'abord avoir commencé à travailler tôt. Pour cela, il faut justifier de 4 ou 5 trimestres avant la fin de l'année de vos 16, 18 ou 20 ans selon le dispositif auquel vous êtes éligible. Dans le détail, 4 trimestres si vous êtes entre octobre et décembre, 5 trimestres sinon.
Exemple. En clair, pour une carrière démarrée avant 20 ans, si vous êtes né en avril 1964, alors il vous faut non pas 5 trimestres le jour de vos 20 ans, en avril 1984, mais 5 trimestres validés au 31 décembre 1984.
Cette première condition permet uniquement d'être éligible au dispositif « carrière longue ». Mais pour l'activer, il faut remplir une deuxième condition : avoir travaillé la durée requise, la subtilité étant que le décompte des trimestres se fait alors non pas en trimestres validés mais « réputés cotisés », ce qui est une définition plus restrictive.
Carrière longue : comment compter vos trimestres pour partir à la retraite plus tôt
Avec la suspension, à quel âge pouvez-vous partir ?
Le gouvernement a donc déposé, ce mercredi 12 novembre au matin, l'amendement tant attendu depuis le début de semaine pour étendre la suspension aux carrières longues. Puisqu'aucune mention sur les départs anticipés ne figurait dans la lettre rectificative au projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui porte cette suspension. Cet amendement gouvernemental a été adopté !
Suspension de la réforme des retraites : très bonne nouvelle si vous êtes né début 1965 !
Objectif de l'amendement : permettre notamment aux « assurés bénéficiant d'un départ anticipé, au titre du dispositif pour longues carrières, inaptitude et invalidité » de « bénéficier de l'abaissement de la durée d'assurance requise prévue pour leur génération ».
Surprise, toutefois, mise à part la date de mise en œuvre de cette suspension (au 1er septembre, lire plus bas), et l'intégration des « catégories actives et super actives » (policiers, pompiers, égoutiers, etc.), pas de nouvel échéancier détaillé pour les carrières longues dans cet amendement. Ce qui n'est en rien une surprise pour Claude Wagner, assistant chargé du guide des retraites à la CFDT-Retraités, et qui traite ce sujet au quotidien en répondant aux innombrables questions sur le site de la CFDT-Retraités : l'échéancier d'âge de départ anticipé est déjà fixé, par décret, « en fonction de l'âge légal ».
De fait, le décret de juin 2023 minore bien de « 2 ans et 6 mois » l'âge de départ en vigueur pour une génération, pour ceux qui veulent partir plus tôt pour une carrière démarrée avant leurs 20 ans. Autrement dit, départ anticipé envisageable à 60 ans et 3 mois quand l'âge légal est figé à 62 ans et 9 mois.
| Année de naissance | Âge minimal de départ en retraite anticipée |
|---|---|
| 1964 | 60 ans et 3 mois (contre 60 ans et 6 mois avec la réforme Borne) |
| 1965 (janvier - mars) | 60 ans et 3 mois (contre 60 ans et 9 mois avec la réforme Borne) |
| 1965 (avril - décembre) | 60 ans et 6 mois (contre 60 ans et 9 mois avec la réforme Borne) |
| 1966 | 60 ans et 9 mois (contre 61 ans avec la réforme Borne) |
| 1967 | 61 ans (contre 61 ans et 3 mois avec la réforme Borne) |
| 1968 | 61 ans et 3 mois (contre 61 ans et 6 mois avec la réforme Borne) |
Source : amendement gouvernemental au PLFSS 2026. Sous réserve d'adoption du projet de loi.
Et pour ceux qui ont commencé à travailler à 16, 18 ou 21 ans ?
La borne d'âge de ceux qui ont démarré leur carrière avant 20 ans est la seule qui soit touchée par l'application progressive de la réforme Borne de 2023. Pour les autres, la suspension a une incidence sur le nombre de trimestres réputés cotisés à justifier pour partir en anticipé, pas pour l'âge auquel ce départ est possible : les seuils sont déjà en vigueur.
- Carrière démarrée avant 16 ans : départ à 58 ans (à condition d'avoir les trimestres nécessaires) ;
- Carrière démarrée avant 18 ans : départ à 60 ans (à condition d'avoir les trimestres nécessaires) ;
- Carrière démarrée avant 21 ans : départ à 63 ans... un dispositif qui ne s'applique donc pas encore car l'âge légal est actuellement à 62 ans et 9 mois.
Combien de trimestres réputés cotisés à justifier pour un départ en retraite anticipée ?
C'est finalement le point le plus important : combien de trimestres à travailler ? Car, comme l'illustrent les nombreux témoignages reçus par MoneyVox sur les carrières longues, quand le départ anticipé tarde à se préciser, c'est surtout à cause du critère « trimestres » à justifier.
Quel gain avec la suspension ? Le nombre de trimestres réputés cotisés à atteindre pour chaque génération est le même que celui que vous devez justifier pour un départ à taux plein. Résultat du vote du jour : un trimestre en moins à travailler pour tous ceux qui sont nés entre 1964 et lors des années suivantes. Avec même 6 mois gagnés pour ceux qui sont nés de janvier à mars 1965.
| Année de naissance | Trimestres requis |
|---|---|
| 1963 | 170 trimestres 42 ans, 6 mois |
| 1964 | 170 trimestres 42 ans, 6 mois |
| 1965 (janvier - mars) | 170 trimestres 42 ans, 6 mois |
| 1965 (avril - décembre) | 171 trimestres 42 ans, 9 mois |
| 1966 et suivantes | 172 trimestres 43 ans |
Source : amendement gouvernemental au PLFSS 2026. Sous réserve d'adoption du projet de loi.
Retraites : à quel âge pourrez-vous partir avec la suspension ? Notre simulateur simplifié
« Cette date d'entrée en vigueur est nécessaire pour permettre aux caisses de sécurité sociale d'adapter leurs systèmes d'information en conséquence »
Pourquoi la suspension ne s'applique-t-elle qu'aux « pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2026 » ?
« Cet amendement permet également d'avancer l'entrée en vigueur de cette mesure aux pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2026 (...). Cette date d'entrée en vigueur est nécessaire pour permettre aux caisses de sécurité sociale d'adapter leurs systèmes d'information en conséquence », indique l'amendement.
« Un coup dur, un coup bas ! »
Dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, des élus, tous bords politiques confondus, ont évoqué les carrières longues. La date du 1er septembre 2026 a été pointée par l'insoumis Manuel Bompard : « Qu'est-ce qui justifie de limiter ce décalage aux départs intervenant après le 1er septembre 2026 ? » Aucun membre du gouvernement présent dans l'hémicycle, ni Jean-Pierre Farandou, ministre du Travail, ni Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, n'ont répondu à cette question spécifique.
Claude Wagner, de la CFDT-Retraités, voit cette suspension repoussée au 1er septembre 2026 comme « un coup dur, un coup bas » ! Il ne remet pas en cause le délai nécessaire pour l'Assurance retraite et les autres régimes de base... rappelant même la règle tacite d'un délai de 6 mois pour toute réforme des retraites mais « ils n'ont pas respecté ce délai en 2023 ».
« Le délai était de seulement 4 mois en 2023 alors qu'il s'agissait d'une réforme très conséquente ! Là c'est un “petit” changement par rapport à ce qui a été modifié en 2023. Or, en permanence, tout au long de l'année 2026, il y a des gens qui attendent pour partir en retraite anticipée ! », fait remarquer Claude Wagner, pointant ainsi tous les départs anticipés ne pouvant profiter du décalage de 3 mois. « Un report de 8 mois est exagéré », selon lui. « C'est un prétexte... »
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