Des complications « considérables ». La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et le Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL) ont lancé un cri d'alarme, sur le dispositif du chèque énergie. Pour rappel, cette aide est envoyée chaque année, depuis 2018, aux ménages modestes. Elle va de 48 euros à 277 euros et peut servir à régler une partie des factures d'énergie (gaz, électricité, fioul, bois...).

On sait déjà que les chèques énergie commenceront à être envoyés avec du retard, en novembre, contre le mois d'avril habituellement. Les associations estiment aussi qu'il y aura en 2025 « une baisse drastique du nombre de bénéficiaires ». En cause d'abord, la modification « de la cible des bénéficiaires ». Une mesure de la loi de finances a en effet remplacé la notion de « ménage » par celle de « foyer fiscal », pour définir ceux qui y ont droit.

« C'est ainsi désormais la composition du foyer fiscal du seul titulaire du contrat de fourniture d'électricité qui est prise en compte, et non la composition globale du ménage »

Cette modification, en apparence anodine, entraîne du changement. « C'est ainsi désormais la composition du foyer fiscal du seul titulaire du contrat de fourniture d'électricité qui est prise en compte, et non la composition globale du ménage, pour déterminer le montant de l'aide », expliquent la FNCCR et le CNAFAL.

Le chèque énergie est attribué en fonction du revenu fiscal de référence divisé par un nombre d'Unités de consommation (UC). Or, dorénavant, seul le foyer fiscal du titulaire du contrat « comptera » donc, pour calculer le nombre d'Unités de consommation.

Chèque énergie 2025 : les nouveaux perdants de cette subtilité passée inaperçue

Qui y perdra ?

Qui sera concerné ? Les foyers composés de plusieurs foyers fiscaux, comme les colocations, ou les familles dont les membres font leur déclaration séparés. Celles dont un ou plusieurs enfants vivent encore sous leur toit, mais déclarent leurs revenus seuls, pourraient y perdre, avec un montant accordé moins élevé, ou encore une perte du droit au chèque énergie.

Autre crainte soulevée à propos du mécanisme choisi pour « détecter les bénéficiaires ». Après la disparition du fichier taxe d'habitation, qui permettait d'identifier les éligibles automatiquement, ce sont à présent les numéros des points de livraison des compteurs électriques (pdl), ainsi que le revenu fiscal de référence, qui seront utilisés.

Or, ces données devront être croisées par l'Agence des services de paiement (ASP), grâce aux informations apportées par les gestionnaires de réseau et les fournisseurs d'électricité (pour les PDL) et par l'administration fiscale (pour le RFR). La FNCCR et le CNAFAL pointent de très probables « problèmes de concordance entre les bases de données utilisées pour opérer les croisements de fichiers. Ainsi, de nombreux foyers fiscaux risquent de ne pas être identifiés « automatiquement » et devront donc faire une demande de chèque ».

Un nouveau guichet

Pour ces derniers, il faudra à nouveau réclamer l'aide, en s'inscrivant sur un guichet en ligne (ou demander le chèque via un formulaire papier). La démarche devrait pouvoir être réalisée à partir de septembre, et jusqu'en février 2026. Un délai loin d'être suffisant, pointent les deux associations qui demandent que le guichet soit ouvert 1 an.

« Si l'envoi des chèques énergie débute en novembre, au mieux, les ménages qui ne le recevront pas pourraient s'en rendre compte en décembre, voire en janvier. Ils devront faire leur demande très rapidement. Par ailleurs, il faudra y ajouter beaucoup de pièces justificatives. Par exemple, désormais, il ne faudra plus joindre une facture, mais une attestation de contrat. Ce document doit être demandé aux fournisseurs. Pour toutes ces raisons, nous demandons un allongement des délais », détaille Violaine Lanneau, secrétaire générale de la FNCCR.

D'autant que la démarche peut poser des difficultés. « Il y a de l'illectronisme en France et encore plus de Français qui ne sont pas à l'aise avec les démarches en ligne », ajoute Françoise Thiebault, coordinatrice énergie du CNAFAL Le guichet ouvert en 2024 était loin d'avoir atteint tous les concernés. Sur le million de ménages nouveau bénéficiaire laissés sur la touche, seuls 173 958 chèques ont été distribués après une demande en ligne, soit un taux de recours de 18%.

Baisse de budget

Les associations soulignent une diminution, en 2025, des crédits affectés au chèque énergie de l'ordre de 20% par rapport aux crédits prévus en 2024 (soit une baisse de 180 millions d'euros). Raison avancée, la réduction du nombre de bénéficiaires entraînée par la nouvelle méthode. « Ce différentiel s'explique par la réforme des modalités d'attribution du chèque énergie ; selon le projet annuel de performance (PAP), elle pourrait « conduire à une réduction transitoire du nombre de bénéficiaires la première année de mise en œuvre », indiquait ainsi l'amendement à la loi finances prévoyant la mesure, qui avait été adopté.

Demande de revalorisation

« Comment ne pas relever que le barème du chèque énergie n'ait pas été modifié depuis 2019 alors que les prix de l'électricité et du gaz ont, quant à eux, augmenté dans des proportions conséquentes depuis cette période ? », interrogent les deux associations. Elles demandent une revalorisation de 40% des montants, une hausse du même ordre que celle du tarif réglementé de vente de l'électricité.

Chèque énergie : le barème 2025

RFR/UC < 5 700 €

5 060 € < RFR/UC
< 6 800 €
6 800 € < RFR/UC
< 7 850 €
7 850 € < RFR/UC
< 11 000 €
1 UC194 €146 €98 €48 €
1 à 2 UC240 €176 €113 €63 €
2 UC et plus277 €202 €126 €76 €

D'autant plus que la précarité énergétique, elle, est loin de disparaître. « Le chèque énergie, ce n'est pas de l'argent de poche, c'est une aide utile envoyé aux 20% des Français les plus pauvres, alors qu'il y a un constat implacable sur la vulnérabilité croissante des ménages, avec une hausse des factures bien plus importante que la hausse des salaires, des rénovations énergétiques encore trop peu nombreuses. Plus d'un Français sur quatre a eu des difficultés pour payer ses factures en 2024 », ont rappelé les associations.

Envoi du chèque énergie retardé : ce qui change pour cette aide de 277 euros max