Épinglée par l'association anticorruption Transparence citoyenne, dont les trois fondateurs affichent une proximité avec les cercles de la droite radicale, la polémique sur les frais de représentation de la maire PS de Paris Anne Hidalgo s'étend désormais à l'ensemble des maires d'arrondissement, après que Libération a exhumé, parmi les milliers de justificatifs rendus publics par la Ville, des dépenses qui flirtent parfois avec l'illégalité.

Jeudi, la maire avait contre-attaqué en publiant un état des lieux des indemnités versées aux élus de la capitale, ainsi que les plafonds des frais de représentation, d'un montant de 19 720 euros pour la maire et 11 092 pour les maires d'arrondissement, jamais dépassés en cinq ans dans les deux cas.

Cadre juridique flou

Malgré le souci de transparence affiché, le détail des notes de frais n'est en revanche consultable que sur rendez-vous, à l'Hôtel de ville. Ces révélations, qui laissent penser que des maires ont parfois pour habitude de passer en notes de frais des dépenses à caractère personnel, mettent également en lumière un cadre juridique flou et une pratique peu encadrée.

Selon l'Association des maires de France (AMF), l'indemnité pour frais de représentation est réservée aux maires et présidents d'intercommunalités, à l'exception des communautés de communes. S'il le souhaite, le conseil municipal peut voter une enveloppe sur le budget ordinaire de la commune, et en fixer le montant.

« La loi n'est pas si précise que ça. On peut même dire qu'elle n'est pas très précise du tout et les gouvernements se sont toujours refusés à établir une liste des frais admissibles en raison de la diversité des situations », observe Eric Verlhac, directeur général de l'AMF.

Le juge administratif est en revanche selon lui « très attentif » à la nécessité d'engager des frais en lien avec le mandat et dans l'intérêt de la commune.

« Suspicion »

Le conseil municipal peut ainsi autoriser un maire à acheter un costume pour une cérémonie de gala où il représente sa ville, l'essentiel étant « de justifier ensuite l'achat pour que cette indemnité ne soit pas considérée comme un complément de rémunération », poursuit M. Verlhac.

Faute de référentiel clair, comme c'est le cas pour les parlementaires, la question des frais de représentation des maires se pose dans de nombreuses communes, où c'est généralement l'opposition qui, faute d'avoir pu éclaircir des achats jugés suspects, tire la sonnette d'alarme.

« N'importe quel citoyen peut faire une demande de publication de documents administratifs, mais on voit que les collectivités trainent souvent des pieds, comme à Paris », constate Samuel Boissaye, de l'ONG Transparency International. Orêtre obligé de passer devant un juge pour forcer une collectivité à publier les frais de représentation de ses élus nourrit selon lui « la suspicion ».

Dans le cas parisien, le montant total de 84.260 euros des frais de représentation de la maire respecte les plafonds, mais le détail des tickets de caisse peut heurter dans un contexte d'austérité, de même que la nature des dépenses de certains maires d'arrondissement.

« Même si le montant est élevé, du moment qu'il est public et qu'il y a un contrôle, il n'y a pas de problème », estime Samuel Boissaye, pour qui la question devient politique, à charge pour les élus « d'assumer publiquement l'achat de chaussures à 770 euros ou un repas à 150 euros ».

Au vu de « l'émoi suscité », l'élu communiste Ian Brossat, également candidat dans la capitale, juge lui nécessaire de « supprimer totalement » les frais de mandat. « La seule des 17 maires d'arrondissement à n'avoir utilisé aucun frais de mandat est Madame Dati, pourtant convoquée (devant la justice, ndlr) en septembre 2026 pour corruption et trafic d'influence », note-t-il par ailleurs.

A l'approche des élections, ces débats deviennent un angle d'attaque politique, d'autant que la première attente des citoyens envers leur maire « n'est pas la compétence mais l'exemplarité », rappelle Martial Foucault, chercheur au Cevipof. « Il y a cette idée que l'élu est un privilégié, ce qui détruit la confiance à leur égard », ajoute-t-il.