Un billet pour PSG-Dortmund à 661 euros (avec une mention orange « Saisissez-le ou regrettez-le » !), une place pour Madonna au Grand Rex à 1 189 euros bénéficiant d’une « vue dégagée » (à ce prix là, tant mieux), un pass 3 jours pour le festival Hellfest de Clisson à minimum 300 euros… Sur le site Viagogo, les prix s’envolent pour certains événements.

Mais ce n’est pas uniquement l’inflation galopante du tarif des places qui a poussé cette semaine l’UFC-Que Choisir à porter plainte contre la plateforme, enregistrée dans l’état américain du Delaware, un paradis fiscal. L’association de consommateurs dénonce également des pratiques commerciales agressives et trompeuses : « Jouant sur la soi-disant rareté des places disponibles, le site multiplie les alertes, les chronomètres oppressants, les messages biaisés pour précipiter l’acte d’achat du consommateur ». Il est également reproché à Viagogo de permettre « la revente en masse de billets de manifestations sportives ou culturelles sans l’autorisation des organisateurs », ce qui est illégal en France. Pire : de nombreux consommateurs ont payé (très cher) pour des places… qui n’existaient tout simplement pas. MoneyVox vous donne quelques clés pour comprendre les risques et éviter d’être victime des pratiques déloyales de ce genre d’acteurs.

Les consommateurs, autorisés à revendre/racheter des places ponctuellement

Un rappel de vos droits déjà : il est tout à fait légal pour un particulier de revendre ponctuellement une place pour un concert, un match ou un spectacle. « Ce qui est illégal, c’est de le faire de façon habituelle, d’en faire une source de rémunération, de profit », précise Raphaël Bartlomé, responsable du service juridique de l’UFC-Que Choisir. Mais peut-on revendre à n’importe quel tarif, en vertu du jeu de l’offre et de la demande ? « Vous n’êtes pas limité dans le prix. Ce n’est pas le fait que l’on se fasse une marge qui est sanctionné, ou sanctionnable, mais c’est le caractère « habituel » [des transactions, ndlr] ». Il est également tout à fait possible pour un consommateur d’acheter une place à quelqu’un qui la revend. Il n’y a rien de répréhensible là-dedans.

Le risque bien réel des faux billets

Si vous décidez de vous procurer un billet sur le « second marché » par l'intermédiaire d'un site Internet « non officiel », via Le Bon Coin ou Facebook, vous vous exposez à plusieurs écueils (outre le fait de payer très très cher).

Tout d’abord, vous courez le risque d’acheter une place… qui n’existe pas. Lors de son enquête sur les pratiques de Viagogo, l’UFC-Que Choisir a recueilli des témoignages de clubs de foot ayant constaté qu’on trouvait sur la plateforme « des places qui ne sont jamais mises en vente par le club ». Des sièges ou des rangs imaginaires dans les tribunes en quelque sorte. L’UEFA, en charge des compétitions de football européennes, a fait part de pratiques similaires. « Viagogo est tellement fort qu’il arrive à vendre des billets pour des rencontres… avant même que l’UEFA ait décidé du lieu du match », ironise Raphaël Bartlomé.

Autre risque important : celui d’acheter une place qui a été revendue à plusieurs personnes. Avec les billets électroniques, rien de plus simple pour un vendeur malhonnête que d’imprimer ou d’envoyer par mail à plusieurs acheteurs le même sésame. Le premier acquéreur à faire scanner le code-barres pourra accéder à l’enceinte… mais pas les suivants. « On a de plus en plus de témoignages de gens qui se sont fait refouler parce que les billets qu’ils ont achetés étaient des faux ou des billets revendus x fois et qui donc n’étaient pas valables », explique le responsable du service juridique de l’association.

Attention également si vous rachetez un billet nominatif, c’est-à-dire qui comporte le nom de l’acquéreur initial. Certains organisateurs stipulent en effet dans leur règlement qu’ils peuvent potentiellement procéder à un contrôle d’identité à l’entrée de la salle ou du stade. Dans les faits, c’est extrêmement compliqué, voire quasiment impossible, pour un organisateur de vérifier vu le temps que cela prendrait. Mais mieux vaut savoir que c’est une possibilité sur le papier avant d’acheter…

Enfin, si vous procédez à une acquisition ou à une vente en dehors d’un site qui joue le « tiers de confiance », il y a un risque d’envoyer les billets ou d’effectuer un paiement… et de ne rien avoir en échange. « Sur Le Bon Coin par exemple, en tant que vendeur, imaginons qu’on me paye par chèque. J’envoie les billets en retour, et il est fait opposition au chèque. Je n’ai pas mon argent, je n’ai plus les places. Ca demeure un jeu risqué » rappelle Raphaël Bartlomé.

Les bons réflexes à adopter

Face à ces risques, il existe malgré tout des moyens de se protéger. Le premier conseil à suivre est de passer par les bourses de revente officielles quand elles existent. Car les organisateurs d’événements sont de plus en plus nombreux à développer leurs propres services de reventes ou à nouer des partenariats avec des sites plus vertueux. Il est ainsi possible sur le site officiel de Roland Garros de se procurer des billets en « seconde main ». Le Paris Saint-Germain a également lancé sa « ticketplace », bourse d'échange officielle pour les matchs de Ligue 1 ou de Ligue des champions. Le festival des Vieilles Charrues, pour son édition 2019, avait mis en place un partenariat avec le site français ZePass, en lui déléguant la gestion des échanges. Donc si vous souhaitez revendre ou racheter un billet, rendez-vous d'abord sur le site de l’événement, de l’organisateur, du stade, de la salle… et vérifiez s’il existe un canal « officiel » de revente.

Les bourses d’échange officielles, plébiscitées par l’UFC-Que Choisir

L’association de consommateurs appelle de ses vœux au développement de bourses d’échange gérées en direct par les organisateurs ou par les gros réseaux de vente de billets (de type Fnac). « Les organisateurs eux aussi sont victimes, indirectes, des mauvaises pratiques, justifie Raphaël Bartlomé. Les fans et les supporters les pointent du doigt en leur demandant pourquoi ils laissent faire. Un fan qui a dépensé 500 euros et qui voit les portes se fermer devant son nez alors qu’il pensait accéder au stade ou à la salle de concert, va s’en prendre à la star, au club ou à l’organisateur. Le développement des bourses officielles permettrait d’assainir le marché, d’éviter l’inflation qui est contreproductive car celui qui a été victime une fois n’ira peut-être plus jamais voir cette équipe de foot, cette manifestation culturelle, ce concert ou cette expo… »

Autre conseil : fuyez si possible les sites à la réputation sulfureuse, Viagogo en tête. C’est d’ailleurs ce que préconisent ouvertement certains organisateurs. Sur le site de Roland Garros, la FFT annonce la couleur : « Viagogo, Ticketbis, Tennisticketservice, Eseats […] N'achetez pas de billets via ces canaux : ils vendent sans l'accord de la Fédération Française de Tennis et ne vous garantissent pas l'obtention de billets valides ». Le festival des Eurockéennes a lancé une campagne « FanPasGogo » avec pour mot d’ordre : « Ensemble luttons contre les sites pas nets de places de spectacles qui prennent les fans pour des gogos ». Avec un paragraphe dédié à la plateforme américaine : « Les Eurockéennes alertent les festivaliers que le site viagogo.fr n’est pas autorisé à commercialiser les billets pour le festival. Le festival n’offre aucune garantie sur les billets qu’un spectateur pourrait acquérir sur cette plateforme ».

Dans le cas où vous souhaitez malgré tout passer par une plateforme « non officielle » (Le Bon Coin, Facebook, un site non agréé), privilégiez les annonces évoquant un « vrai billet cartonné », pas un billet électronique à imprimer ou télécharger. S’ils sont de plus en plus rares, ils offrent cependant une meilleure garantie contre la fraude. Et optez quand c’est possible pour une remise « physique », de gré à gré (au moins l’argent liquide passe de main en main sans risque de se volatiliser ensuite).