1 - Grands perdants. Ces retraités non imposables qui deviendraient imposables

Si jamais le gouvernement décidait de supprimer cet abattement automatique sans aucune mesure limitant les effets collatéraux, alors une foule de retraités actuellement non imposables deviendraient imposables.

Prenons un exemple. Jeanne, 67 ans, vit seule et touche 1 455 euros de pensions (base + complémentaire) chaque mois. C'est nettement en dessous de la moyenne, à 1 662 euros selon la Drees. En déclarant moins de 17 500 euros par an, elle est loin d'être imposable. Cependant dans son cas, c'est justement l'abattement fiscal de 10% qui lui permet de ne pas payer d'impôt sur le revenu. En cas de suppression, elle payerait 64 euros selon notre simulation (basée sur le barème 2024, pour l'heure reconduit en 2025).

Combien d'impôt en plus en cas de suppression de l'abattement fiscal de 10% des retraités ?
Foyer fiscalRevenus annuels déclarésImpôt actuelImpôt après suppression de l'abattement
Retraité seul14 400 €
(soit 1 200 € par mois)
Retraité seul
17 460 €
(soit 1 455 € par mois)
0 €64 €
Retraité seul19 944 €
(soit 1 662 € par mois)
142 €460 €
Couple de retraités19 944 € chacun
(soit 1 662 € par mois chacun)
593 €1 229 €

Source : simulateur officiel 2025 sur impots.gouv.fr + simulations MoneyVox avec des RFR équivalents aux revenus annuels déclarés pour mesurer l'impact de la suppression de l'abattement, sur la base du barème 2025 portant sur les revenus 2024.
Précision : situations simplifiées. Sans aucune autre déduction ni abattement fiscal supplémentaire.

« Je touche une retraite de 1 455 euros par mois. Sans l'abattement de 10%, je paierai des impôts ? »

A ce jour, l'entrée dans l'impôt se fait à 17 447 euros de revenu net imposable (donc après abattement). En clair, pour les retraités vivant seuls, tous ceux qui sont non imposables actuellement mais dont la pension mensuelle (en net, après CSG) dépasse 1 453 euros risqueraient de payer l'impôt sur le revenu à cause de la suppression de l'abattement.

Couple de retraités ? Le risque de devenir imposable pour tous ceux qui déclarent plus de 32 581 euros par an

Pour un couple de retraités, cette limite se situe actuellement à 32 581 euros soit un peu moins de 1 360 euros par mois chacun : en cas de suppression de l'abattement, les couples de retraités touchant un peu plus de 2 700 euros par mois à deux risqueraient d'avoir un impôt à payer alors que ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Pour les retraités modestes déjà imposables, la hausse serait parfois saignante ! Nouvel exemple. Philippe touche 1 662 euros par mois, base et complémentaire additionnées, ce qui correspond à la pension moyenne. Il vit seul et paie un « petit » impôt annuel de 142 euros. Pourquoi ? Grâce au complexe mécanisme de la décote qui atténue l'impôt sur le revenu des foyers modestes : pour Philippe, la décote vient réduire son impôt brut, théoriquement de 710 euros en cas d'application stricte du barème, de 568 euros. Le résultat final est de 142 euros.

Et si l'abattement était supprimé ? Philippe profiterait toujours de la décote, mais moins fortement (469 euros). L'impact de la suppression serait double... Résultat : son impôt serait triplé ! De 142 euros, il passerait à 460 euros.

2 - « Petits » perdants. Ces riches retraités dont la hausse d'impôt serait plafonnée

Pour les retraités aisés, forcément, la suppression de l'abattement n'aurait aucun impact sur la décote : ils n'en bénéficient pas. La décote profite uniquement aux foyers modestes.

Surtout, au regard de leurs revenus, la perte de l'abattement fiscal serait bien moins pénalisante pour les retraités aisés. Pourquoi ? Car cet abattement est actuellement plafonné à 4 399 euros (abattement par foyer fiscal, le montant est le même que vous soyez seul ou en couple). Si, aujourd'hui, vous gagnez plus de 43 990 euros de pensions de retraite par an, vous ne bénéficiez déjà pas pleinement de cet abattement. Car l'avantage fiscal est plafonné. Par conséquent, cet avantage étant limité dans le cas des retraités aisés, la suppression serait moins pénalisante.

Exemple. Danielle a une pension de base au plafond légal, mais ses pensions complémentaires sont très élevées grâce à une carrière professionnelle fructueuse. Elle déclare 60 000 euros de pensions, au global, chaque année, soit 5 000 euros par mois. Mais elle ne profite pas de 6 000 euros d'abattement : dans son cas, les 10% sont plafonnés à 4 399 euros. Résulat : certes la suppression de l'abattement se traduirait pour elle par une augmentation d'impôt. Mais « plafonnée ». Son impôt passerait de 9 846 euros à 11 165 euros. Soit 1 319 euros d'impôt en plus. Ce qui correspond au même impôt supplémentaire pour un retraité déclarant 45 000 euros annuels, 50 000 euros ou encore 70 000 euros annuels.

Combien d'impôt en plus en cas de suppression de l'abattement fiscal de 10% des retraités ?
Foyer fiscalRevenus annuels déclarésImpôt actuelImpôt après suppression de l'abattement
Retraité seul40 000 €
(soit 3 333 € par mois)
3 965 €5 165 €
Retraité seul60 000 €
(soit 5 000 € par mois)
9 846 €11 165 €
Retraité seul100 000 €
(soit 8 333 € par mois)
23 141 €24 945 €
Couple de retraités40 000 € chacun
(soit 3 333 € par mois chacun)
9 011 €10 331 €

Source : simulateur officiel 2025 sur impots.gouv.fr + simulations MoneyVox avec des RFR équivalents aux revenus annuels déclarés pour mesurer l'impact de la suppression de l'abattement (barème 2025).
Précision : situations simplifiées. Sans aucune autre déduction ni abattement fiscal.

3 - Grands perdants. Dégâts collatéraux : un impact sur votre RFR... et donc sur votre CSG

Problème. En cas de suppression pure et simple de l'abattement, les dégâts collatéraux iraient bien au-delà du seul impôt sur le revenu. Car la suppression de l'abattement aurait une incidence directe sur le revenu fiscal de référence (RFR) des retraités.

Quelle(s) incidence(s) aurait cette hausse soudaine du RFR ? Des ménages éligibles au livret d'épargne populaire (LEP) qui n'y seraient plus éligibles. Des retraités modestes exonérés de taxe foncière sur leur résidence principale pourraient à nouveau y être soumis. Pire : tous les taux de CSG seraient bousculés... Car les taux de CSG sont fixés en fonction du RFR : si votre RFR augmente d'un coup, vos cotisations sociales risquent de passer d'un taux de 3,8% à 6,6%, par exemple.

Retraite 2025 : votre taux de CSG, si votre RFR dépasse...
Parts fiscalesCSG à 3,8%
+ CRDS
CSG à 6,6%
+ CRDS
+ CASA
CSG à 8,3%
+ CRDS
+ CASA
1 part (personne seule)12 817 €16 755 €26 004 €
2 parts (couple)19 661 €25 703 €39 886 €
Demi-part supplémentaire
(personne à charge)
+ 3 422 €+ 4 474 €+ 6 941 €

RFR à prendre en compte : avis d'impôt 2024 sur les revenus 2023.
CRDS à 0,50% et CASA à 0,30% dans tous les cas.
Seuils valables en métropole. Barème détaillé sur L'Assurance retraite.

Les dégâts collatéraux de la suppression de l'abattement fiscal de 10% seraient tels, et en cascade, que le législateur serait mécaniquement contraint de gommer ces effets de bord. En revoyant les seuils des taux de CSG, par exemple. Ou en touchant uniquement au plafond de cet abattement fiscal, de 4 399 euros actuellement : réduire ce plafond permettrait de préserver les retraités dont les revenus les situent dans la « classe moyenne ». Ce débat va clairement rester explosif pendant des mois en 2025...