Les marchés : La Bourse ignore le shutdown

Aujourd'hui, les places européennes ont ignoré l'américaine. Tandis que les fonctionnaires fédéraux rentrent chez eux faute de budget voté à Washington, la Bourse parisienne progresse de 0,90% à 7 967 points. Les investisseurs veulent croire que le shutdown sera temporaire. Les précédents ont montré que les marchés, après un bref frisson, reprenaient vite leur marche en avant. Encore faut-il que les prochaines statistiques économiques soient diffusées, à commencer par les données sur l'emploi américain attendues vendredi... Rien n'est moins sûr !

À Paris, deux locomotives ont tiré le convoi aujourd'hui. Sanofi bondit de 8,4% grâce à un accord conclu par Pfizer avec l'administration Trump sur les prix des médicaments. Un signe de visibilité retrouvée pour tout le secteur pharmaceutique européen. Arcelormittal gagne 5,3%. En cause, Bruxelles promet un renforcement des droits de douane sur l'acier étranger. Une mauvaise nouvelle pour les exportateurs chinois, une excellente pour les actionnaires européens.

Une autre actu forte anime les marchés et en particulier le secteur de la défense ce mercredi. À Copenhague, les dirigeants européens se sont réunis pour évoquer une idée qui aurait encore semblé farfelue il y a quelques années : ériger un mur anti-drones sur le flanc Est de l'Europe. L'objectif est de répondre à la multiplication d'intrusions d'appareils non identifiés, suspectés d'origine russe, qui ont récemment mis à l'arrêt plusieurs aéroports au Danemark. Les Vingt-Sept doivent s'accorder sur les priorités de leur montée en puissance militaire. Bruxelles propose quatre chantiers phares : la défense spatiale, le renforcement du flanc Est, un bouclier antimissiles et ce fameux rempart anti-drones. L'UE met sur la table 150 milliards d'euros en prêts, dont 100 déjà captés par les pays voisins de la Russie, de la Pologne aux États baltes. Le débat ne porte plus tant sur l'argent que sur la façon de l'utiliser efficacement. Une feuille de route sera dévoilée fin octobre.

Les valeurs : Sanofi, Soitec et Lacroix

Sanofi - En tête du CAC 40, Sanofi gagne 8,44% ce soir à 85,18€, réduisant ses pertes à -5,5% depuis le début de l'année. Le secteur pharmaceutique dans son ensemble profite d'un regain d'optimisme après l'accord annoncé entre Pfizer et l'administration Trump. Le géant américain a accepté de baisser certains prix de ses médicaments aux États-Unis, mais dans une proportion plus limitée qu'attendu et concentrée sur le programme Medicaid, qui ne pèse qu'une petite part du marché. Pfizer échappe ainsi à de lourdes surtaxes douanières pour trois ans, ce qui rassure les investisseurs. Cette décision réduit en partie l'incertitude qui pesait depuis des mois sur la pharmacie européenne, sous pression entre menaces de droits de douane et craintes de baisses de prix généralisées. Sanofi, affaibli par plusieurs échecs cliniques, bénéficie de ce souffle positif et signe la plus forte hausse du CAC ce soir, dans le sillage d'autres laboratoires européens comme Roche, Novartis ou AstraZeneca.

Soitec - Soitec signe l'une des plus fortes hausses du SBF 120, avec un rebond de 4,57% à 40,54€, après une chute de plus de 50% depuis janvier. Le marché réagit positivement au départ de Pierre Barnabé, directeur général depuis 2022, dont la gestion avait été critiquée après une division par quatre du cours de Bourse. Son mandat a été marqué par la faiblesse du marché des smartphones et de l'automobile, deux débouchés clés, qui ont lourdement pénalisé l'activité du groupe isérois spécialisé dans les semi-conducteurs. Sur le plan opérationnel, Soitec traverse une passe difficile. Les ventes du premier trimestre ont reculé de 24%, avec un effondrement de 81% dans l'automobile. Le groupe a même dû renoncer à dévoiler des objectifs de moyen terme. Il espère toutefois un net rebond au deuxième trimestre grâce à sa division Cloud dédiée à l'IA, et à un quasi-doublement de ses revenus dans les communications mobiles. Le départ de son dirigeant apparaît à court terme comme l'occasion de tourner la page et de restaurer la confiance des investisseurs.

Lacroix - Le spécialiste des équipements connectés s'envole de 44,38% à 11,55€ (+21% depuis le début de l'année). Les investisseurs réagissent positivement à des résultats jugés rassurants : bénéfices en hausse, trésorerie redevenue positive et dette réduite. Le groupe prévoit de vendre d'ici fin 2025 sa filiale nord-américaine en difficulté, ce qui permettra de clarifier son organisation. Son activité liée à l'environnement reste bien orientée (+9%) et compense partiellement la faiblesse du segment électronique, toujours pénalisée par un marché compliqué. Le groupe éligible au PEA-PME a aussi dévoilé son plan à l'horizon 2027. Il vise un chiffre d'affaires compris entre 475 et 500 millions d'euros, une rentabilité en amélioration et une baisse progressive de son endettement. Lacroix compte se concentrer sur des marchés en forte croissance comme l'aéronautique, la défense et l'automatisation des bâtiments, tout en réduisant son exposition au secteur automobile. Le groupe espère même renouer avec le versement de dividendes, une première depuis 2020, envoyant un signal particulièrement positif aux actionnaires.

L'événement du mercredi : Nouvelle baisse du pétrole

Le prix du baril baisse de nouveau, rattrapé par le spectre de la surabondance. En trois séances seulement, le Brent et le WTI ont effacé les gains de la semaine dernière. Le Brent s'échange désormais autour des 65,5$, et le WTI autour des 62$, en baisse tous les deux de plus de 4% depuis lundi matin, et de 13% depuis le début de l'année.

En cause, la stratégie offensive de l'OPEP+. Le cartel pétrolier, emmené par l'Arabie saoudite, s'apprête à ouvrir encore un peu plus les vannes. Une hausse supplémentaire de 137 000 barils par jour pourrait être décidée dimanche. L'organisation veut ainsi reconquérir des parts de marché face à la montée en puissance américaine, canadienne et guyanaise, quitte à sacrifier ses prix.

Comme si cela ne suffisait pas, l'Irak vient de relancer ses exportations depuis le Kurdistan après deux ans d'arrêt. Entre 150 000 et 160 000 barils par jour transitent déjà vers la Turquie, avec un plein potentiel estimé à 230 000. En somme, l'offre mondiale est de plus en plus élevée, alors que la demande ne suit pas. Le prix du pétrole baisse mécaniquement, et c'est de bon augure pour un ralentissement de l'inflation et de futures baisses des taux.

Seul véritable contrepoids potentiel, les frappes de drones ukrainiens sur les infrastructures russes se poursuivent. Mais pour l'instant, le pétrole coule encore à flots. Autre levier haussier, bien que plus secondaire, les raffineries américaines s'apprêtent à lever le pied pour leur maintenance d'automne. Affaire à suivre !

Le monde d'après : Nike relance la machine

Après plusieurs trimestres compliqués, Nike trouve un second souffle. Le groupe américain a publié une hausse surprise de ses revenus au premier trimestre de son exercice décalé, dépassant les attentes du marché. Sous la direction d'Elliott Hill, rappelé il y a un an pour redresser la barre, l'équipementier commence à récolter les fruits d'une stratégie plus pragmatique : retour sur Amazon, renforcement des partenariats avec des distributeurs comme Foot Locker, réduction des stocks et recentrage sur ses gammes sportives phares, notamment la course avec les franchises Pegasus, Vomero et Structure.

Ces efforts commencent à porter leurs fruits. Les ventes ont progressé de 1%, à 11,7 milliards de dollars, contre 11 milliards attendus par les bureaux d'études. Les bénéfices reculent de 30% à 0,49€ par action, mais restent bien supérieurs aux prévisions. Si les ventes en Chine reculent encore (-9%), l'Amérique du Nord (+4%) et la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique (+6%) compensent. De quoi convaincre Wall Street, le titre gagne 6% ce soir.

Pour autant, le chemin du redressement sera long. Nike reste marqué par sa trop grande dépendance au lifestyle et par la concurrence d'Adidas, qui a mieux traversé ces dernières années. Elliott Hill lui-même admet que tous les marchés et canaux ne sont pas encore assez attractifs. Mais avec une stratégie recentrée sur le sport et une reconquête de ses distributeurs historiques, la marque à la virgule montre les premiers signes d'un potentiel come-back à suivre de près !

Demain à la Une : Un agenda... vide !

L'agenda économique de demain est vide, aucune publication majeure ne sera dévoilée. On s'attendait à une simple séance de transition avant le rapport mensuel sur l'emploi américain, prévu vendredi. Mais avec la fermeture temporaire des administrations, tout le calendrier de publication des prochaines séances devrait être chamboulé... D'un point de vue technique, les acheteurs viseront dans les prochaines séances les 8 000 et 8 050 points par extension sur le CAC 40. Et les vendeurs, les 7 925 et 7 865 points.

Le lexique : Brent & WTI

Le Brent et le WTI sont les deux références majeures du pétrole brut sur les marchés mondiaux. Le Brent, extrait en mer du Nord, sert principalement de référence pour l'Europe, l'Afrique et le Moyen-Orient. Le WTI, ou West Texas Intermediate, provient principalement des États-Unis, notamment du Texas, et constitue la référence pour le marché nord-américain. Le Brent est généralement un peu plus lourd et plus soufré que le WTI, ce qui peut entraîner une différence de prix entre les deux qualités de brut.