Les marchés : La fed refroidit les marchés

Le CAC 40 termine la séance en repli : -0,76% à 8 170 points (+2,8% depuis lundi matin). Après un début de semaine encourageant, le marché parisien a buté sur un mur de prudence venu de Washington. Plusieurs membres de la Fed ont refroidi les anticipations de baisse de taux, rappelant que l'inflation n'est pas encore totalement maîtrisée. Les investisseurs, qui espéraient une nouvelle baisse des taux en décembre, commencent à revoir sérieusement leurs scénarios.

On en reparle dans cette édition. La séance américaine d'hier a servi d'électrochoc. Wall Street a essuyé sa pire journée depuis un mois. Le Nasdaq a plongé de 2,3%, les géants de la tech ont reculé en bloc et même l'indice des small caps Russell 2000, souvent plus résilient, s'est enfoncé de 2,8%. Le bitcoin a également vacillé, tombant sous les 100 000 dollars. Dans ce contexte, les Bourses européennes n'avaient quasiment aucune chance de résister.

L'incertitude sur la trajectoire monétaire américaine réduit progressivement l'appétit pour le risque, la probabilité d'une baisse de taux en décembre est retombée sous les 50%, contre 72% la semaine dernière. En clair, l'économie américaine devrait finir l'année sans nouvelle injection de liquidités. Et pour des marchés qui évoluent déjà sur des sommets, le moindre doute suffit désormais à déclencher des prises de bénéfices !

Les valeurs : Alstom et Ubisoft

Alstom Le fabricant du TGV revient sur le devant de la scène avec des résultats trimestriels meilleurs que prévu. Après plusieurs années difficiles, marquées par l'intégration compliquée de Bombardier Transport, une trésorerie fragile et une lourde restructuration financière, le groupe semblait avoir perdu la confiance des marchés. Son action reste d'ailleurs très loin de ses niveaux de 2021.

Mais les derniers chiffres publiés montrent une amélioration réelle. Alstom gagne plus d'argent, améliore sa rentabilité et consomme moins de trésorerie qu'annoncé. Même si le groupe a encore brûlé 740 millions d'euros de cash au premier semestre, ce montant est inférieur aux craintes et s'explique en grande partie par la saisonnalité du secteur. En effet, les paiements des clients arrivent surtout en seconde partie d'année. La direction assure que les gros encaissements attendus au second semestre permettront d'atteindre l'objectif annuel d'un flux de trésorerie positif entre 200 et 400 millions d'euros. Elle relève aussi sa prévision de croissance, preuve qu'elle croit en un redressement durable.

Si plusieurs banques jugent cette publication solide, d'autres restent prudentes. Barclays, notamment, s'inquiète de la hausse de la dette et de certains éléments moins favorables dans les comptes. Globalement, Alstom semble toutefois poser un jalon important dans son retour en grâce : une entreprise longtemps perçue comme instable s'efforce désormais de devenir un groupe capable de générer du cash de façon plus régulière. Désormais en gain de 11% en 2025, l'action progresse ce soir de 4,13% à 23,69€.

Ubisoft Aïe ! L'action de l'éditeur de jeux vidéo est suspendue en Bourse ce vendredi, à la demande de l'entreprise. Le groupe devait publier ses résultats du premier semestre mais a annoncé leur report, expliquant avoir besoin de plus de temps pour finaliser ses comptes. Cette suspension vise, selon la direction, à éviter toute spéculation avant la publication des chiffres. Cette décision surprend les marchés et renforce un climat déjà tendu autour d'Ubisoft.

Plusieurs bureaux d'études estiment qu'un simple décalage ne justifie pas une suspension de cotation, ce qui alimente les inquiétudes sur une possible annonce plus importante. Les investisseurs sont déjà nerveux en raison de la transformation en cours du groupe et des doutes sur l'avenir de sa franchise phare, Assassin's Creed. Les derniers jeux de la saga se vendent moins bien que prévu. Le nouvel épisode, Assassin's Creed Shadows, affiche des ventes inférieures aux attentes, et même plus faibles que celles d'autres titres concurrents.

Ces performances décevantes pourraient peser sur les résultats que le groupe s'apprête à publier. Au premier trimestre, Ubisoft avait déjà dévoilé des chiffres mitigés, avec des ventes en légère baisse et un démarrage d'année difficile dans un secteur très concurrentiel. Malgré cela, l'entreprise maintenait jusqu'à présent ses objectifs annuels, misant sur un recentrage autour de ses marques principales et une meilleure maîtrise de ses coûts. Le marché attend désormais qu'Ubisoft précise la date de reprise de la cotation et dévoile enfin ses résultats semestriels. Le titre s'effondre de près de 50% depuis le début de l'année.

Le résultat du vendredi : Pas de baisse des taux ?

Les chiffres officiels de l'inflation américaine pour octobre n'ont pas pu être publiés à cause du shutdown qui a paralysé les agences gouvernementales. Sans ces données, les investisseurs se tournent vers des indicateurs privés et les déclarations des responsables de la Fed. Et tous pointent dans la même direction : l'inflation repart à la hausse. Plusieurs indicateurs alternatifs montrent en effet une pression croissante sur les prix.

L'indice ISM des services, considéré comme un bon baromètre avancé de l'inflation, a atteint son plus haut niveau depuis trois ans. Les enquêtes auprès des petites entreprises confirment que beaucoup envisagent de relever leurs prix. Même les données issues du big data (Truflation, PriceStats, Adobe) signalent une accélération récente. Les économistes estiment que cette tendance pourrait continuer dans les prochains mois : les effets des droits de douane vont encore se faire sentir, les stocks importés diminuent, et la consommation reste dynamique. L'accalmie observée en septembre était en grande partie liée à un élément ponctuel (une baisse inhabituelle des loyers), qui ne devrait pas se répéter.

De plus, l'inflation dans les services essentiels reste élevée, portée par un marché du travail solide et une immigration plus faible, sous l'effet de la politique de Trump. Dans ce contexte, les responsables de la Fed envoient des signaux prudents. Plusieurs d'entre eux jugent qu'il est trop tôt pour envisager une nouvelle baisse des taux en décembre (voir lexique). Les marchés l'ont bien compris, alors que l'assouplissement de décembre semblait presque certain il y a un mois, la probabilité est désormais tombée sous les 50%. Cette situation inquiète certains acteurs économiques, notamment ceux qui comptent sur des taux plus bas pour financer les investissements massifs liés à l'intelligence artificielle.

Conséquence directe, Wall Street est sous tension. Le S&P 500 et le Nasdaq cèdent un peu de terrain cette semaine, tandis que l'Europe bénéficie d'une légère rotation des investissements (+1% pour l'Euro Stoxx 50 et +2,5% pour le CAC40 depuis lundi).

Le monde d'après : La guerre du Bitcoin

C'est un scénario digne d'un thriller géopolitique. Les États-Unis viennent d'annoncer la plus grosse saisie de cryptomonnaies de leur histoire : 127 271 bitcoins, soit près de 15 milliards de dollars, liés à un réseau criminel cambodgien. Mais à Pékin, on raconte une tout autre histoire. Selon les autorités chinoises, ces bitcoins n'auraient pas été confisqués en 2025, mais piratés dès 2020 par... les Américains eux-mêmes.

Une accusation explosive, qui transforme une opération judiciaire en affrontement diplomatique. Tout commence avec le piratage du pool de minage chinois LuBian fin 2020. Plus de 127 000 bitcoins disparaissent mystérieusement, puis restent immobiles pendant quatre ans. En 2024, ils bougent soudainement juste avant que Washington n'en annonce la saisie dans le cadre de son enquête. Pour Pékin, il ne s'agit pas d'une coïncidence, mais d'un vol d'État. Les États-Unis auraient pris le contrôle des clés privées grâce à une faille logicielle, dans une opération menée “au nom de la justice”.

Les analyses d'entreprises blockchain comme Elliptic et Arkham confirment que les adresses concernées coïncident parfaitement. Derrière ce bras de fer, un enjeu bien plus large : les cryptomonnaies sont devenues une arme de puissance géopolitique. La maîtrise des flux numériques, la capacité à geler ou détourner des fonds, ou à tracer des transactions, redessinent les rapports de force mondiaux. Dans le monde d'après, la guerre des monnaies ne se joue plus sur le dollar ou le yuan... mais sur la blockchain.

Le lexique : Pourquoi...

... lorsque l'inflation augmente, les banques centrales ne baissent-elles pas les taux ? Lorsque l'inflation s'accélère, une Banque centrale cherche avant tout à la stabiliser. Baisser les taux reviendrait à stimuler l'économie, donc la demande, ce qui nourrirait encore davantage la hausse des prix. Au contraire, elle maintient ou relève ses taux pour refroidir l'activité et ramener l'inflation vers sa cible (2% par an aux États-Unis et en zone euro). Cette politique monétaire plus restrictive a des répercussions directes sur les valeurs technologiques.

En effet, leur valorisation repose fortement sur les bénéfices futurs, et des taux plus élevés augmentent le coût actualisé de ces profits. Conséquence directe, les actions tech deviennent plus sensibles aux corrections et voient souvent leur cours reculer lorsque les taux montent. Ou, comme cette semaine, lorsque les espoirs de baisse des taux se réduisent...