Immobilier : le crowdfunding s'enfonce toujours plus profondément dans la crise
Le financement participatif immobilier traverse une crise inédite. Collectes en baisse, projets en retard ou en procédure collective : le secteur peine à rassurer. Les plateformes, plus exigeantes, tentent de limiter les risques, mais les investisseurs doivent s'armer de patience.
Il n'y a pas si longtemps encore, le crowdfunding incarnait tous les espoirs. Des tickets d'entrée faibles, des rendements à deux chiffres, le tout adossé à des projets autrefois réservés à des professionnels ont attiré de nombreux épargnants, parfois peu conscients des risques encourus. La remontée des taux n'a pourtant pas fini de faire vaciller le segment immobilier.
En témoignent les chiffres du dernier baromètre du crowdfunding en France, réalisé par le cabinet Forvis Mazars avec France FinTech. Au premier semestre 2025, le financement participatif dans l'immobilier enregistre toujours une baisse de la collecte de -15 % par rapport à la même période l'année précédente. 388 millions d'euros ont été collectés, pour financer 468 projets.
Crise toujours plus profonde
« On remarque tout de même un ralentissement de cette baisse, entamée il y a plus de deux ans », souligne Bertrand Desportes, associé chez Forvis Mazars. En cause également : une plus grande sélectivité, selon lui, des dossiers par les plateformes, devenues « de plus en plus exigeantes sur les risques, la santé des promoteurs, le ratio d'endettement », entre autres.
Car le secteur traverse sa première crise depuis sa création,
il y a un peu plus de dix ans [lien réservé abonné]. Loin de s'améliorer, les données sur les projets en difficulté ne cessent de se détériorer de semestre en semestre. Entre 20 et 25 % des projets financés entre 2020 et 2022 affichent plus de six mois de retard, et 10 à 15 % sont déjà concernés par une procédure collective. « Plus d'un dossier sur trois rencontre un sérieux problème », constate Bertrand Desportes. La faillite de nombreux promoteurs présents sur ces plateformes fragilise la récupération du capital investi par les épargnants.
Plus d'un dossier sur trois rencontre un sérieux problème
Bertrand Desportes, Associé chez Forvis Mazars
Notons également qu'environ 10 % des dossiers, sur cette même période, sont concernés par un léger retard de moins de 6 mois. S'ils peuvent encore espérer un remboursement, pour les investisseurs lancés dans les procédures juridiques, mieux vaudra s'armer de patience et restreindre les espoirs de revoir le capital investi dans son intégralité.
« Le temps du judiciaire est long. Pour débloquer
certaines situations au tribunal, [lien réservé abonné] il faut compter plusieurs années », précise l'associé chez Forvis Mazars. Des données difficilement quantifiables dans ce baromètre. Le retour sur investissement de ces projets sera également complexe à évaluer. Dans certains cas, les frais de liquidation sont pris en charge par les clients directement, venant d'autant plus abîmer leurs espoirs de rentabilité.
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Car les plateformes de crowdfunding « ne sont pas des gestionnaires. Elles ne se rémunèrent qu'au moment de la collecte, ce qui pourrait être un modèle amené à évoluer », précise Bertrand Desportes. Pour rassurer les potentiels investisseurs, les plateformes misent sur des promesses de rendement toujours plus élevées. Le rendement brut moyen des
projets immobiliers est aujourd'hui de 10,9 %. [lien réservé abonné]
Pour séduire, les plateformes n'hésitent pas également à diversifier la gamme de projets financés. Si l'immobilier draine toujours une vaste partie de la collecte, il faut aussi souligner l'intérêt pour le secteur de l'énergie renouvelable, représentant un peu plus de 5 % mais en forte progression (+7 %). Leur rendement, un peu plus faible, s'établit en moyenne à 7,45 % bruts.
Diversifier les projets
En revanche, un autre secteur est en difficulté : celui de l'investissement en TPE/PME. La aussi, les retards de plus de 6 mois s'accumulent pour toucher entre 10 et 15 % des projets, quand les procédures collectives concernent près de 8 % des dossiers. La collecte est en net recul sur ce segment (-47 %), avec une « situation contrastée », selon le baromètre. En effet, « le segment des plateformes dédiées au financement en prêt des TPE/PME a vu disparaître progressivement ses principaux fleurons (October, Credit.fr, Unilend) dont les portefeuilles, toujours en
run-off, ne sont plus rendus publics », précise l'étude.
Malgré toutes ces difficultés, le secteur dans son ensemble stabilise progressivement sa collecte, en baisse de -1,3 % par rapport au premier semestre 2024. Mais le nombre de projets lancés augmente, concentrés sur quelques plateformes réussissant à tirer leur épingle du jeu. Désormais, 5 acteurs seulement se partagent près de 50 % de la collecte totale, en proposant des tickets toujours plus petits, à partir de 1 euro, pour permettre aux investisseurs de mieux diversifier leur portefeuille.