L’UE a commis la grave erreur du tout électrique .
Sous la pression des Allemands en 2035 on pourra utiliser les carburants de synthèse
La fabrication d’hydrogène vert ou décarboné, par électrolyse avec de l’électricité bas-carbone, présente de nombreux avantages par rapport aux batteries pour stocker de l’électricité. Sa transformation en carburants synthétiques offre en plus une facilité d’usage inégalée, permet d’utiliser tous les équipements et infrastructures existants, et tout cela avec une empreinte carbone nettement inférieure à celle des batteries. Il faut donc changer de paradigme et donner la priorité à l’efficacité économique et la réduction réelle des émissions de CO2 plutôt que se focaliser sur une efficacité énergétique théorique qui ne mène nulle part.
Par Norbert Lartigue* Article paru dans le N°18 du magazine Transitions & Energies.
Les carburants synthétiques font l’objet à la fois d’un intérêt grandissant et de critiques nourries. C’est notamment le cas depuis que l’Allemagne a contraint au début de l’année les institutions européennes à accorder à contrecœur un sursis après 2035 aux véhicules neufs à moteur thermique s’ils les utilisent. Cela a provoqué une levée de boucliers de plusieurs gouvernements dont celui de la France, de la plupart des organisations écologistes et de bon nombre de constructeurs automobiles, qui ont fait de la fin des véhicules à moteur à combustion interne l’alpha et l’oméga de leur politique de décarbonation des transports.
Ils se rassurent en expliquant aujourd’hui que les carburants de synthèses resteront coûteux, marginaux et difficiles à produire en quantité. Ils pourraient bien se tromper… une fois encore, en négligeant plusieurs arguments essentiels en faveur de ses électrocarburants à la fois en termes d’empreinte carbone, d’acceptabilité sociale, de coûts réels et de besoins d’investissements. Car les carburants de synthèse permettent d’utiliser une grande partie des équipements (véhicules, réseaux de stockage et de distribution) et des infrastructures existantes. Ce qui fait une différence considérable…
Une meilleure empreinte carbone que les batteries
Au départ, c’est l’illusion créée par le rendement énergétique très favorable des chaînes de traction électrique, c’est-à-dire de la conversion de l’énergie électrique en énergie mécanique, qui a poussé à faire la promotion sans trop de distinction de la traction « tout-électrique » pour les multiples vecteurs de mobilité : voitures, camions, bus, avions, trains, motos, bateaux… Comme l’électricité pour pouvoir être embarquée doit être stockée, on a conclu hâtivement à la généralisation des batteries sur tous les vecteurs. En fait, le problème a été très mal posé.
Le point essentiel est d’utiliser la meilleure façon de stocker l’énergie décarbonée pour l’embarquer sur un véhicule mobile. On peut déjà affirmer que les biofuels sont et restent dans la course puisque déjà utilisés aujourd’hui sous cette forme . Avec les données dont on dispose, on estime que l’on peut couvrir ainsi 10 % des besoins. Le reste devra donc faire appel à l’électricité. Soit directement par utilisation des batteries comme moyen de stockage. Soit indirectement après conversion sous une forme plus facilement stockable et utilisable. C’est ici que les carburants de synthèse ou e-fuels entrent en scène. Et de façon fracassante. Leur empreinte carbone analysée sur l’ensemble du cycle de vie des moyens de transport et les coûts de production, de stockage, de distribution après conversion des e-fuels ainsi que les moyens nécessaires à leur utilisation sont très favorables, meilleurs que ceux des batteries…
Il existe deux filières principales de production des e-fuels en partant de l’eau et du gaz carbonique comme matières premières. Premièrement, l’eau produit par électrolyse de l’hydrogène, qui, combiné au dioxyde de carbone après conversion catalytique inverse du gaz à l’eau, donne du gaz de synthèse. Ce dernier mis dans un réacteur utilisant le procédé Fischer-Tropsch produit des hydrocarbures. La deuxième méthode donne directement du gaz de synthèse par co-électrolyse H20/CO2 à haute température. Ce qui permet de produire dans un réacteur Fischer-Tropsch des hydrocarbures comme dans la première filière.
L’électrification indirecte des transports
Le CO2 étant obtenu grâce à un procédé carbone négatif – capture dans l’atmosphère par DAC (Direct Air Capture) –, la combustion du carburant de synthèse dans un moteur thermique est totalement neutre sur le plan carbone. Le CO2 qui est émis lors de la combustion a été auparavant prélevé dans l’atmosphère.
Il existe un usage optimal pour chacun des e-fuels tenant compte à la fois des énergies primaires décarbonées disponibles et des besoins d’énergie eux-mêmes avec leurs spécificités