Acheter un bien immobilier sans passer par une banque : c'est le pari qu'a fait Emmanuel, 48 ans, après un divorce. « Je devais me reloger rapidement, raconte-t-il. J'avais un apport conséquent mais pas suffisant pour acheter la maison. Mon conseiller m'a alors parlé de l'avance sur assurance vie. Je ne connaissais pas du tout ce système. »

L'avance sur contrat est en effet un mécanisme prévu par le Code des assurances. Elle permet à un souscripteur d'obtenir de son assureur une somme d'argent, sans rachat du contrat. L'avance n'est pas un retrait, mais un prêt garanti par l'épargne placée sur le contrat, généralement jusqu'à 80% de la valeur investie en fonds euros (contre 60% à 70% de la valeur en unités de compte). En pratique, cela revient à se prêter de l'argent à soi-même, via son assureur.

Mais pourquoi alors mettre en place une avance, et ne pas directement préférer un rachat partiel ? « Tout d'abord, contrairement au rachat qui réduit la valeur du contrat à hauteur du montant retiré, l'avance ne la change en rien, explique Graziella Tecli, ingénieur Banque Privée à la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes, sur le site internet de l'enseigne. Elle n'implique pas de désinvestissement. Les capitaux continuent donc à se valoriser sur la même base qu'en l'absence d'avance. De plus, l'avance en assurance vie n'entraine pas la perception d'un revenu et, dès lors, est neutre aussi bien sur le plan fiscal qu'en termes de prélèvements sociaux. »

Profiter de son épargne tout en la faisant travailler

L'épargne continue donc de produire des intérêts. Autrement dit, le capital reste investi et rémunéré, tandis que l'emprunteur rembourse son avance au rythme qu'il souhaite, sans échéancier imposé. Financièrement, cela peut également s'avérer avantageux.

C'est ce qui a séduit Emmanuel. « Le taux de l'avance est plus bas qu'un taux bancaire, et surtout il n'y a pas d'assurance à souscrire. » En 2025, la plupart des compagnies appliquent un taux compris entre 2,5% et 4%, selon le contrat, alors que les taux immobiliers sur vingt ans oscillent autour de 3,2%. Et comme l'épargne placée continue à rapporter (environ 2,65% sur les fonds euros en moyenne attendus en 2025), le coût réel de l'opération s'en trouve fortement réduit.

Autre atout : la souplesse. « Il n'y a pas d'échéance mensuelle, explique Emmanuel. On rembourse quand on veut, en partie ou en totalité, et l'avance est renouvelable deux fois, jusqu'à neuf ans. » Une flexibilité introuvable sur un crédit classique.

En théorie, l'avance n'a pas vocation à financer un projet immobilier. Les assureurs la destinent plutôt à des besoins temporaires de trésorerie. Mais dans les faits, elle peut être utile pour boucler un financement, en complément d'un apport personnel ou à la place d'un petit prêt.

« Dois-je casser mon PEL, mon assurance vie ou mon Livret A pour payer mes vacances ? »

« C'est clairement plus intéressant qu'un crédit à la consommation, insiste Emmanuel. Dans mon cas, j'avais un contrat ancien, de plus de huit ans, donc fiscalement avantageux. Je préférais mobiliser ce placement plutôt que de le casser ou de m'endetter davantage. »

De plus, l'avance sur assurance vie permet d'obtenir les fonds plus rapidement qu'en souscrivant un prêt. « Une fois la demande d'avance sur votre contrat d'assurance-vie effectuée, les fonds seront disponibles dans un délai de 10 jours ouvrés maximum. Ce délai permet à l'assureur de procéder aux vérifications nécessaires et de mettre en place le versement de l'avance », explique par exemple Yomoni sur son site.

Une solution pour les exclus du crédit

Ce type de montage séduit aussi les profils temporairement exclus du crédit classique : indépendants, jeunes retraités ou personnes en transition professionnelle. « Je venais de signer un CDI, je sortais d'un divorce... Mon dossier aurait sans doute eu du mal à passer auprès d'une banque » confie Emmanuel.

Pour autant, ce dispositif ne convient pas à tous les projets. D'abord, l'avance est limitée dans le temps : trois ans, renouvelables une fois ou deux, en fonction des assureurs et des contrats, soit six à neuf ans. Au-delà, il faut la rembourser ou solder le contrat. Ensuite, si les marchés se retournent ou si le contrat est très exposé aux unités de compte, la garantie du capital peut s'éroder. Enfin, en cas de non-remboursement, l'assureur récupère son dû directement sur l'épargne, ce qui réduit d'autant le capital disponible à terme.

Sans remplacer le prêt immobilier, l'avance sur assurance vie s'impose comme un outil patrimonial intelligent. Elle permet de mobiliser un capital sans le désinvestir, d'éviter un rachat fiscalement pénalisant et, surtout, de conserver la performance du contrat pendant toute la durée de l'avance.

« Je n'aurais pas pu financer ma maison autrement, conclut Emmanuel. Et aujourd'hui, mon placement continue à travailler, tout en m'ayant permis de devenir propriétaire. » En période de taux élevés et de marché immobilier tendu, cette stratégie pourrait bien s'imposer comme un nouveau levier discret mais efficace pour ceux qui disposent d'une épargne solide.