MAJ Octobre 2024 (1/3) : Tout va bien, mais c'est compliqué.
Les marchés sont "drivés" depuis le début d'année par les taux d'intérêts qui dépendent des anticipations que font les investisseurs sur l'évolution de l'inflation, sur les fluctuations du cycle économique et sur les prévisions en matière d'assouplissement des taux directeurs des grandes banques centrales.
Entre absence d'atterrissage de l'économie à un atterrissage brutal (hard landing), en passant par un atterrissage en douceur (soft landing), les investisseurs en ont vu de toutes les couleurs.
Les valeurs de croissance ont mené le bal au T1 2024. Le T2 a été équilibré entre le style croissance et la value, alors que le T3 a favorisé la value.
A chaque fois, ce sont les craintes sur l'inflation et les risques de récession, ou non, qui ont orienté les taux obligataires et pesé ou favorisé les actions avec des divergences parfois nettes entre les styles d'actions, croissance ou value.
Si l'inflation n'est pas encore sous contrôle, son ralentissement continu en Europe et aux États-Unis a conduit la BCE et la FED (après les banques centrales de Suisse et du Canada), à entamer leur cycle de baisse des taux d'intérêt.
- La BCE a baissé en septembre, et pour la seconde fois cette année, ses taux directeurs de 25 points de base.
- Le 18/09/2024, la FED a baissé de 50 points de base son principal taux directeur, pour le ramener dans une fourchette de 4,75% à 5%.
Selon la médiane des projections que font les membres de la FED, les taux devraient descendre à 4,4% en fin d'année. Ce qui laisse espérer, malgré la proximité des élections US, une nouvelle baisse de la part de la FED.
Le coût de l’argent pour les acteurs économiques va devenir meilleur marché. Du pain béni pour les actions.
"Les taux d'intérêt plus bas, une économie résiliente et des résultats étonnamment solides de la tech continuent à alimenter la confiance des investisseurs", a résumé Sam Stovall, de CFRA.
- Durant la dernière semaine de septembre,
Pékin a dévoilé un plan de relance surprise qui a soutenu les actions exposées à la Chine.
Cependant, de nombreux analystes se demandent si les mesures de relance sont suffisantes étant donné que les pressions déflationnistes, la faible demande des consommateurs et un ralentissement sévère du marché de l'immobilier coiffent l'économie chinoise d'une véritable chape de plomb.
Les valeurs exposées à la Chine ont bondi en bourse suite aux annonces faites par Pékin,
Hermès International s'affichant en hausse de 6,70% le 26/09.
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L'Europe enregistre une croissance économique atone. Les prévisions de bénéfices du consensus ont été revues à la baisse et les bénéfices ne devraient pratiquement pas progresser cette année.
La baisse des carnets de commandes s'est encore confirmée récemment, surtout en Allemagne.
Les données soulignent davantage une stagnation persistante qu'une nouvelle baisse de la production. Rien de réjouissant à horizon d'un an pour l'Europe... Et encore moins pour la France !
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Concernant la France, l'alourdissement de la fiscalité sur les entreprises va peser mécaniquement sur les 400 entreprises qui enregistrent plus de 1Md€ de CA en France.
La hausse des impôts sur les grandes entreprises en France pourrait avoir un impact d'environ 3% sur les bénéfices des sociétés membres de l'indice CAC 40 pour 2024, estime Morgan Stanley.
Cet impact de 3% est une moyenne. Il y aura de fortes disparités entre les entreprises selon leur activité réalisée en France.
L'effet négatif sur les bénéfices 2024 pourrait être supérieur à 10% pour certaines entreprises et
les secteurs les plus pénalisés seraient ceux de
l'aérospatiale et de la défense, de la distribution alimentaire, du luxe, du transport et de la construction, précise la banque d'affaires américaine.
Selon Carmignac, l'impact négatif potentiel sur les BPA 2025 des entreprises d'armement irait de
13% pour Safran, 8% pour Dassault Aviation, 6% pour Thales et 1% pour Airbus.
Sur le Luxe, Carmignac estime que l'impact négatif irait de 2 à 4%.
Evidemment, même s'il est conjoncturel, cet impôt exceptionnel va grever les résultats des grandes entreprises françaises pendant 2 ans dans un contexte économique européen en net ralentissement. C'est une très mauvaise nouvelle pour le marché parisien.
Fitch a abaissé ce vendredi 11/10 la perspective pour la France à négative tout en maintenant sa note de crédit en raison du dérapage des comptes publics.
"Une forte fragmentation politique et un gouvernement minoritaire compliquent la capacité de la France à mettre en œuvre une politique durable de consolidation budgétaire", a déclaré Fitch
"Nous prévoyons désormais de plus amples déficits budgétaires qui conduiront à une forte hausse de la dette publique jusqu'à 118,5% du PIB en 2028", écrit-elle.
Je ne sais pas pourquoi, mais je crois plus en ces propos qu'en ceux de notre gouvernement !
Une perspective négative signifie que Fitch pourrait abaisser la note de crédit de la France à long terme. Il est pour l'instant maintenu à AA-.
Une note qui baisse ne changeait pas grand-chose autrefois, quand la dette était soutenable.
Ce pourrait être différent dans l'avenir avec notre dette importante puisqu'une note qui baisse signifie un taux de refinancement plus élevé. Ce qui ne sera pas bon pour nos finances, si jamais une telle éventualité devait arriver.
Les investisseurs n'ont d'ailleurs pas attendu les agences de notation.
La dissolution de l'Assemblée nationale a été annoncée par le président de la République le 9 juin 2024. Le 10 ans français se situait sous nos 2 voisins que sont l'Espagne et le Portugal (voir graphique ci-dessous).
Depuis cette décision (trait vertical sur le graphique), la défiance des investisseurs envers la France se traduit par une prime de risque plus élevée. Le 10 ans français est aujourd'hui au-dessus de l'Espagne et du Portugal.
Emprunter nous coûte plus cher.
Le 10 ans français est en rouge.
Le facteur géopolitique pèse de plus en plus :
Intenses bombardements sur le Liban, des frappes régulières sur la Syrie, les bruits de guerre prennent de l'ampleur au Moyen-Orient, au point de reléguer au second plan la guerre en Ukraine.
Goldman Sachs craint une destruction des complexes pétroliers et gaziers iraniens par Israël.
Benjamin Netanyahu a prononcé pour l'anniversaire de la tragédie du 7 octobre 2023 un discours qui confirme la poursuite de la guerre jusqu'à ce que les menaces d'où qu'elles viennent soient éliminées et les otages libérés, ce qui laisse craindre un embrasement du Proche Orient.
Les tensions commerciales constituent de nouveaux défis.... Et pèsent de plus en plus !
La fragmentation du commerce mondial et la montée du protectionnisme se cristallisent.
Aux mesures de taxation des véhicules électriques chinois décidées par l'UE, la Chine réplique en instaurant des
mesures contre les eaux-de-vie de vin.
Le marché chinois du Cognac est le 2ème marché de la filière derrière les Etats-Unis.
Depuis 2 ans, il y a une crise économique mondiale qui impacte directement la filière Cognac.
En croissance depuis une décennie, les ventes de Cognac ont subi un premier à-coup lorsque la poussée d'inflation a fait plonger les ventes à l'international.
En 2023, les exportations ont chuté de plus de 20% et les vendanges 2024, pénalisées par une maladie touchant les vignes et par une météo capricieuse, ne s'annoncent guère encourageantes pour le secteur.
Les représailles chinoises sur le secteur des eaux-de-vie de vin ont achevé d'assombrir les perspectives à court terme de la filière qui représente 14.500 emplois directs et dont 97% des ventes sont réalisées à l'étranger.
Le prix du pétrole réagit mollement aux craintes de destruction de capacités d’extraction en Iran. Il faut dire que l'administration Biden pèse de tout son poids sur Benjamin Netanyahu pour qu'il n'attaque pas la capacité pétrolière de l'Iran... La proximité de l'élection présidentielle US explique cette volonté de Biden d'éviter une hausse du pétrole qui serait mal vue par le consommateur, et électeur, US. A l’inverse, l’abandon par l’Arabie Saoudite de son objectif de prix moyen à 100$ le baril semble refléter l’ambiance actuelle s'attendant à un surplus de production en 2025.
Les élections américaines entrent dans la dernière ligne droite avec deux candidats au coude à coude.
Si à peu près tout les oppose, il y a toutefois un domaine de convergence : Le commerce extérieur et notamment la fermeté à l’égard de la Chine.
Un renforcement continu de la réglementation du commerce et des droits de douane entraînera davantage de relocalisations aux États-Unis... Ce qui sera bon pour les États-Unis !... Mais par pour nous.
Trump menace d'une montée en puissance beaucoup plus importante du protectionnisme avec un droit de douane de 10 à 20 % sur toutes les importations et de 50 à 60 % sur les importations en provenance de Chine.
Trump est susceptible de cibler les pays ayant un excédent commercial avec les États-Unis (notamment la Chine, l'Europe et le Japon),
La situation sera probablement aggravée par le fait que les pays touchés réagiront en imposant des droits de douane sur les importations américaines en guise de représailles. L'impact sera une accélération du processus de démondialisation.
Le modèle économique de Trump repose sur une réglementation plus souple et une extension probable de la loi sur les réductions d'impôts et les emplois (Tax Cuts and Jobs Act), qui expire en 2025, apaisant ainsi les craintes d'une hausse de l'impôt sur les sociétés. Ces développements, associé à des dépenses fiscales plus importantes, devraient conduire à une croissance économique plus élevée aux Etats-Unis, ce qui devrait se traduire par une croissance plus élevée des bénéfices pour le marché des actions.
Revers de la médaille, des études récentes montrent qu'une mise en œuvre complète des tarifs douaniers évoqués lors de la campagne électorale aurait un impact négatif de 3,8% sur les bénéfices de l'indice S&P 500. Par ailleurs, l'augmentation des dépenses budgétaires et la mise en place de tarifs douaniers pourraient entraîner une hausse de l'inflation ainsi que des rendements obligataires, ce qui aurait un impact négatif sur les valorisations des actions.
Les meilleures perspectives de croissance économique dans le cadre d'un scénario de victoire de Trump devraient favoriser les secteurs cycliques, tels que les industries, les banques, le pétrole et le gaz, ainsi que les valeurs de défense et les moyennes capitalisations qui bénéficieront d'allègements de charges.
"Avec une présidence républicaine, il y aurait une fiscalité moins lourde, une régulation moins stricte (...). C'est typiquement bon pour les actions", souligne Chris Zaccarelli, d'Independent Advisor Alliance.
Le modèle économique de Trump est plutôt inflationniste, alors que celui des démocrates semble plus pro-croissance.
Kamala Harris devrait continuer à poursuivre la politiques de J.Biden consistant à mettre en avant une économie forte caractérisée par un ralentissement de l'inflation, un faible taux de chômage, une augmentation de la fiscalité des entreprises, de nombreuses réformes en matière de santé, d'éducation et d'écologie ainsi que le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale.
Une administration démocrate serait favorable aux initiatives en faveur de l’énergie verte, de l’efficacité énergétique et des constructeurs de véhicules électriques, de la technologie et favorable à la légalisation du cannabis.
Kamala Harris a indiqué qu'elle prévoyait de s'attaquer à la détermination des prix dans certains secteurs tels que le marché du logement locatif, l'alimentation et les produits d'épicerie, et qu'elle adopterait une position sévère à l'égard des pratiques anti-concurrentielles dans l'industrie pharmaceutique.
Les analystes revoient en hausse de 5% les estimations de profits sous une administration Trump, contre une réduction de l’ordre de 5% sous Kamala Harris.
Pour que l'un ou l'autre mène ses réformes, il faudrait que le camp du vainqueur à l'élection présidentielle devienne majoritaire au Sénat
ET à la Chambre des Représentants.
Ce qui parait peu probable. Le véritable enjeu des prochaines élections US reposera sur ces 2 chambres, et sur leur composition.
Je vous l'avais dit : Tout va bien, nous sommes passés dans le cycle de baisse des taux, et c'est bon pour les marchés.... Mais que c'est compliqué !!