JLC75 a dit:
Cher Monsieur,
Tout d’abord, un grand merci pour le partage de cette note.
Il convient de rappeler que depuis l’arrêt du 1er juin 2016, n° 15-15.813, les banques ont toujours invoqué qu’en application du principe «
specialia generalibus derogant », seul l’article L.312-33 du Code de la consommation avait vocation à s’appliquer et que s’agissant de prêt immobilier, aucune nullité ne pouvait être encourue. Ainsi, pour les organismes bancaires, au motif que la combinaison des articles L313-1 et L312-8 du Code de la Consommation créerait une sanction spécifique, la déchéance, qui, en vertu du principe, «
speciala generalibus derogant », devait primer sur la sanction de la nullité.
Or, La notion de déchéance est née pour garantir,
dans le strict cadre du droit de la consommation, la bonne application du formalisme informatif et particulièrement, le respect des mentions que doit contenir l’offre de prêt.
Aussi, avant même d’aborder la question de la déchéance, encore faut-il que la convention soit valablement formée. Pour ce faire, il convenait de se référer au droit général des contrats, droit commun, subsistant aux côtés du droit de la consommation lorsque les conventions sont souscrites entre professionnels et consommateurs.
Ces deux droits avaient vocation à se compléter sans s’entraver !
Le droit commun des contrats devait retrouver son empire lorsqu’il s’agissait d’analyser la validité de la formation de la convention et notamment la rencontre des volontés des parties sur la clause de stipulation d’intérêts.
Auparavant, la Cour de Cassation distinguait très clairement entre les erreurs affectant l’offre de crédit et celles se trouvant dans le contrat. Les sanctions se rattachant à ces stades différents étant par nature différentes et qu’en conséquence la différence de régime juridique applicable écartait la prévalence de la déchéance sur la nullité.
En tout état de cause, il ne pouvait être contesté que les articles L.312-8 et L.312-33 du Code de la Consommation ne mentionnent aucunement l’intérêt conventionnel auquel la sanction de la déchéance ne saurait dès lors s’appliquer.
Qu’il s’agissait de la mention d’un TEG erroné, d’un défaut de mention du taux de période ou du recours à l’année Lombarde pour calculer les intérêts conventionnels du prêt, ces défauts étaient tous de nature à entrainer la nullité de la stipulation d’intérêts, en ce qu’ils font perdre à la stipulation des intérêts conventionnels une condition de validité devant entrainer de facto sur le fondement de l’article 1907 du Code Civil la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels.
C’est une nullité de plein droit qui a été consacrée par la Cour de Cassation sanctionnant la violation par un professionnel de dispositions d’ordre public, la mention exacte du taux étant une formalité substantielle du contrat.
Par la suite et comme vous le rappelez justement, la Cour de cassation a opéré un revirement mettant en application l’ordonnance de 2016 au sujet de la sanction applicable et consistant en la seule déchéance.
Pourtant, la nullité de la stipulation d’intérêt est bien la sanction d’un droit, en l’occurrence celui pour un cocontractant de ne pas se voir imposer une obligation contractuelle à laquelle il n’a pas consenti.
Cette solution était fondée sur l’absence de rencontre de volonté quant au coût du prêt et ne se réfère aucune à la théorie des vices du consentement.
S’agissant de l’évolution de la jurisprudence et plus précisément de l’absence de réponse par la Cour sur l’écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel dans l’arrêt du 9 septembre 2020, nous pouvions en effet nous interroger sur l’interprétation donnée par la Haute Cour au sujet de l’article R. 313-1, légitimant au final l’erreur inférieure à une décimale, compte tenu de la position récente de la commission et de la plupart des gouvernements des États de l’Union.
Pour autant, pourquoi la Haute Cour reprend -elle, dans une décision postérieur à l’arrêt du 9 septembre 2020 et après avoir certainement pris connaissance des position de la commission Européenne et des gouvernements des États de l’Union sur la décimale, la motivation suivante ? :
«
Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret no 2016-607 du 13 mai 2016, que la mention, dans l'offre de prêt acceptée, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile, ne peut être sanctionnée que par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que ce calcul ait généré au détriment de l'emprunteur un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 précité. »
(1) : Cass. civ. 23 septembre 2020, n° 19-16.130
Sipayung