Jurisprudence Année Lombarde

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Encore un arrêt de la CJUE qui revient sur l'analyse des clauses abusives d'un contrat de prêt souscrit par un consommateur (non avisé)
(CJUE, n° C-224/19, Arrêt de la Cour, CY contre Caixabank SA et LG et PK contre Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA, 16 juillet 2020)


Cet arrêt répond à pas moins de 15 questions qui lui sont posées par deux juridictions espagnoles.

Je vous laisse le soin de parcourir toute l'argumentation de la Cour, laquelle reprend des points déjà largement évoqués dans sa jurisprudence abondante et habituelle, et dont je vous ai déjà abondamment fait part ici au travers de nombreux posts.

On y retrouve de toute évidence des liens étroits avec les clauses “dites lombardes“ par lesquelles un prêteur explique en substance à l'emprunteur que les intérêts de son prêt sont calculés par rapport à une année de 360 jours au lieu de l'année civile à laquelle s'attendait tout naturellement celui-ci.

Le point n° 70 a attiré mon attention, car il concerne le degré d'information de l'emprunteur par le prêteur, afin de savoir si celui-ci a bien compris toute l'incidence d'une clause contenue dans son contrat, notamment sur un plan économique afin de pouvoir vérifier qu'un surcoût correspond bien à un réel service rendu par l'établissement financier (or, à mon sens, je doute qu'un surcoût clandestin prélevé sur une échéance brisée corresponde réellement à un service particulier rendu par la banque) :

« Il appartient au juge national, en tenant compte de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat, de vérifier si l’établissement financier a communiqué au consommateur les éléments suffisants pour que ce dernier prenne connaissance du contenu et du fonctionnement de la clause lui imposant le paiement d’une commission d’ouverture, ainsi que son rôle dans le contrat de prêt. De cette manière, le consommateur aura accès aux motifs justifiant la rémunération correspondant à cette commission (voir, par analogie, arrêt du 26 février 2015, Matei, C-143/13, EU:C:2015:127, point 77), pouvant ainsi évaluer la portée de son engagement et, en particulier, le coût total dudit contrat. »

On y retrouve la notion de « coût total du crédit » que j'ai déjà évoquée ici il y a deux jours, sachant que la Cour de cassation sanctionne sévèrement l'absence de consentement de l'emprunteur au coût global du prêt par la nullité relative du contrat, se traduisant par la substitution de l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel (sur les fondements de l'article 1907 du Code civil).

Le point n° 72 reprend l'une des questions essentielles posées de savoir « si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de prêt conclu entre un consommateur et un établissement financier imposant au consommateur le paiement d’une commission d’ouverture, crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat en dépit de l’exigence de bonne foi, lorsque l’établissement financier ne démontre pas que cette commission correspond à des services effectivement fournis et à des frais qu’il a exposés. »

En d'autres termes, le déséquilibre d'information est-il significatif si le prêteur ne justifie pas si les sommes prélevées correspondent réellement à un vrai service rendu ?

Pour la Cour, le juge national doit vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, EU:C:2019:820, point 50).

La Cour précise que l'existence du déséquilibre significatif ressort de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, EU:C:2019:820, point 51).

À cet égard, le point n° 78 nous explique que « il doit être tenu compte du fait que [...] les commissions ou les frais répercutés sur le client doivent correspondre à des services effectivement fournis ou à des coûts supportés. Il s’ensuit qu’une clause qui aurait comme effet d’exempter le professionnel de l’obligation de démontrer que ces conditions sont remplies à l’égard d’une commission d’ouverture pourrait, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi à la lumière de l’ensemble des clauses du contrat, affecter de manière défavorable la position juridique du consommateur et, par voie de conséquence, créer, au détriment de celui-ci, un déséquilibre significatif, en dépit de l’exigence de bonne foi. »

Pour ma part, il me paraît évident que si mon conseiller bancaire m'avait exposé en toute franchise qu'il allait me prendre des fonds supplémentaires dans toutes mes échéances brisées (la première et celle lors de mon remboursement anticipé), juste pour enrichir son employeur, mais sans m'offrir la moindre contrepartie, pour sûr je ne pense pas que j'aurais été d'accord, ne serait-ce que pour le principe.

Dans le point n° 79, la réponse de la CJUE est édifiante en pareil cas de figure : « il y a lieu de répondre à la onzième question dans l’affaire C-224/19 que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de prêt conclu entre un consommateur et un établissement financier, imposant au consommateur le paiement d’une commission d’ouverture, est susceptible de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat en dépit de l’exigence de bonne foi, lorsque l’établissement financier ne démontre pas que cette commission correspond à des services effectivement fournis et à des frais qu’il a exposés, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. »

Nous sommes là très clairement sur une notion de contrepartie. Si le prêteur insère une clause qui vient le rémunérer sans qu'il ne rende un service en retour, alors la clause devra être considérée comme abusive car elle va venir créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur.

On n'est en aucun cas ici sur l'analyse d'un quelconque préjudice financier, fusse-t-il minime (même de quelques euros), mais bien sur un abus occulte de la banque qui fait payer un service qu'elle ne rend pas.

C'est en cela que la “clause lombarde“ doit être déclarée abusive, et partant non écrite.
 

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Jurisprudence a dit:
Encore un arrêt de la CJUE qui revient sur l'analyse des clauses abusives d'un contrat de prêt souscrit par un consommateur (non avisé)
(CJUE, n° C-224/19, Arrêt de la Cour, CY contre Caixabank SA et LG et PK contre Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA, 16 juillet 2020)


Cet arrêt répond à pas moins de 15 questions qui lui sont posées par deux juridictions espagnoles.

Je vous laisse le soin de parcourir toute l'argumentation de la Cour, laquelle reprend des points déjà largement évoqués dans sa jurisprudence abondante et habituelle, et dont je vous ai déjà abondamment fait part ici au travers de nombreux posts.

On y retrouve de toute évidence des liens étroits avec les clauses “dites lombardes“ par lesquelles un prêteur explique en substance à l'emprunteur que les intérêts de son prêt sont calculés par rapport à une année de 360 jours au lieu de l'année civile à laquelle s'attendait tout naturellement celui-ci.

Le point n° 70 a attiré mon attention, car il concerne le degré d'information de l'emprunteur par le prêteur, afin de savoir si celui-ci a bien compris toute l'incidence d'une clause contenue dans son contrat, notamment sur un plan économique afin de pouvoir vérifier qu'un surcoût correspond bien à un réel service rendu par l'établissement financier (or, à mon sens, je doute qu'un surcoût clandestin prélevé sur une échéance brisée corresponde réellement à un service particulier rendu par la banque) :

« Il appartient au juge national, en tenant compte de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat, de vérifier si l’établissement financier a communiqué au consommateur les éléments suffisants pour que ce dernier prenne connaissance du contenu et du fonctionnement de la clause lui imposant le paiement d’une commission d’ouverture, ainsi que son rôle dans le contrat de prêt. De cette manière, le consommateur aura accès aux motifs justifiant la rémunération correspondant à cette commission (voir, par analogie, arrêt du 26 février 2015, Matei, C-143/13, EU:C:2015:127, point 77), pouvant ainsi évaluer la portée de son engagement et, en particulier, le coût total dudit contrat. »

On y retrouve la notion de « coût total du crédit » que j'ai déjà évoquée ici il y a deux jours, sachant que la Cour de cassation sanctionne sévèrement l'absence de consentement de l'emprunteur au coût global du prêt par la nullité relative du contrat, se traduisant par la substitution de l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel (sur les fondements de l'article 1907 du Code civil).

Le point n° 72 reprend l'une des questions essentielles posées de savoir « si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de prêt conclu entre un consommateur et un établissement financier imposant au consommateur le paiement d’une commission d’ouverture, crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat en dépit de l’exigence de bonne foi, lorsque l’établissement financier ne démontre pas que cette commission correspond à des services effectivement fournis et à des frais qu’il a exposés. »

En d'autres termes, le déséquilibre d'information est-il significatif si le prêteur ne justifie pas si les sommes prélevées correspondent réellement à un vrai service rendu ?

Pour la Cour, le juge national doit vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, EU:C:2019:820, point 50).

La Cour précise que l'existence du déséquilibre significatif ressort de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, EU:C:2019:820, point 51).

À cet égard, le point n° 78 nous explique que « il doit être tenu compte du fait que [...] les commissions ou les frais répercutés sur le client doivent correspondre à des services effectivement fournis ou à des coûts supportés. Il s’ensuit qu’une clause qui aurait comme effet d’exempter le professionnel de l’obligation de démontrer que ces conditions sont remplies à l’égard d’une commission d’ouverture pourrait, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi à la lumière de l’ensemble des clauses du contrat, affecter de manière défavorable la position juridique du consommateur et, par voie de conséquence, créer, au détriment de celui-ci, un déséquilibre significatif, en dépit de l’exigence de bonne foi. »

Pour ma part, il me paraît évident que si mon conseiller bancaire m'avait exposé en toute franchise qu'il allait me prendre des fonds supplémentaires dans toutes mes échéances brisées (la première et celle lors de mon remboursement anticipé), juste pour enrichir son employeur, mais sans m'offrir la moindre contrepartie, pour sûr je ne pense pas que j'aurais été d'accord, ne serait-ce que pour le principe.

Dans le point n° 79, la réponse de la CJUE est édifiante en pareil cas de figure : « il y a lieu de répondre à la onzième question dans l’affaire C-224/19 que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de prêt conclu entre un consommateur et un établissement financier, imposant au consommateur le paiement d’une commission d’ouverture, est susceptible de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat en dépit de l’exigence de bonne foi, lorsque l’établissement financier ne démontre pas que cette commission correspond à des services effectivement fournis et à des frais qu’il a exposés, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. »

Nous sommes là très clairement sur une notion de contrepartie. Si le prêteur insère une clause qui vient le rémunérer sans qu'il ne rende un service en retour, alors la clause devra être considérée comme abusive car elle va venir créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur.

On n'est en aucun cas ici sur l'analyse d'un quelconque préjudice financier, fusse-t-il minime (même de quelques euros), mais bien sur un abus occulte de la banque qui fait payer un service qu'elle ne rend pas.

C'est en cela que la “clause lombarde“ doit être déclarée abusive, et partant non écrite.
Cette décision ne concerne nullement l'année lombarde et vous oubliez de citer le point 53:

53 En particulier, l’obligation pour le juge national d’écarter une clause contractuelle abusive imposant le
paiement de sommes qui se révèlent indues emporte, en principe, un effet restitutoire correspondant à l’égard
de ces mêmes sommes (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C-154/15, C-307/15 et C-308/15,
EU:C:2016:980, point 62).


Cela ne vous rappelle pas quelque chose?
 
agra07 a dit:
Cette décision ne concerne nullement l'année lombarde et vous oubliez de citer le point 53:

53 En particulier, l’obligation pour le juge national d’écarter une clause contractuelle abusive imposant le
paiement de sommes qui se révèlent indues emporte, en principe, un effet restitutoire correspondant à l’égard
de ces mêmes sommes (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C-154/15, C-307/15 et C-308/15,
EU:C:2016:980, point 62).


Cela ne vous rappelle pas quelque chose?

Ce n'est pas comme cela qu'il faut voir les choses.

Lorsque le juge considère que la clause “dite lombarde“ est abusive, c'est parce que cette dernière vient modifier le taux conventionnel qui n'est plus celui de l'offre, puisque c'est un taux plus élevé qui aura été appliqué dans le contrat, auquel n'a manifestement pas consenti l'emprunteur (d'autant qu'il n'en aura pas été informé de manière claire et intelligible).

Il s'en suivra deux niveaux de sanction :

- D'abord la décision de substituer l'intérêt au taux légal à l'intérêt initialement convenu dans l'offre acceptée, devenue contrat (selon les fondements de l'article 1907 du Code civil). Il s'agit d'une sanction prétorienne de la Cour de cassation statuant en matière de nullité relative propre au droit des obligations (absence de rencontre des volontés sur un taux et un prix dans le contrat entre les parties).

- Ensuite l'obligation de remboursement par le prêteurs des intérêts déjà perçus sur la base de la différence entre ces deux taux, le prêteur continuant néanmoins à percevoir sa rémunération sous forme d'intérêt légal.

Par ailleurs, le juge demandera à l'établissement financier condamné de produire, pour la suite du prêt, un nouveau tableau d'amortissement dont les intérêts ne devront être comptés que sur la seule base de l'intérêt légal.

C'est de ce remboursement-là dont il s'agit, et non pas de restituer un surcroît d'intérêts indument perçus (dits “clandestins“) sur une échéance brisée. L'intérêt initial aura d'abord été remplacé par l'intérêt au taux légal... on se trouve en quelque sorte face à une sanction “à deux vitesses“.

Mais loin de moi l'idée d'espérer vous convaincre, je sais depuis tant d'années de présence respective sur notre Forum que vous ne serez jamais d'accord avec cette façon d'envisager les choses. :)

Vous ne voulez pas voir toute la différences qu'il y a entre le terrain du droit des obligations et celui du droit de la responsabilité. Ce n'est pas du tout la même chose, les deux notions n'ayant rien à voir entre elles.
 
Bonsoir Jurisprudence,
Tout d'abord ce n'est pas moi qu'il faut convaincre mais les juges.
Et j'ai bien peur que, passionné par votre sujet, vous preniez un peu trop vos désirs pour des réalités.
Si j'étais banquier attaqué, j'utiliserais volontiers le point 53 pour me défendre, car "les sommes indues" par usage de l'année lombarde sont précisément le surcoût d'intérêts générés sur les périodes rompues (et non comme vous semblez le penser la différence d'intérêts entre l'application du taux légal et du taux conventionnel qui constitue, elle, une sanction).
Oui, la Cour de cassation s'est bien plantée, à mon humble avis, en considérant dans le passé, sans sourciller, qu'il était fondé de condamner une banque à plusieurs dizaines de milliers d'euros pour une erreur (ou faute) de quelques euros.
Pour juste que soit le raisonnement juridique conduisant à de telles condamnations, force est de constater que cette position extrême était loin d'être partagée par tous, qu'elle a fait naître des vocations d'affairistes peu scrupuleux, qu'elle a débouché sur une incroyable cacophonie de la justice et a fait perdre beaucoup d'argent à certains emprunteurs un peu trop crédules.
Aujourd'hui, la Cour de cassation, probablement consciente de son erreur passée, a opéré un virage à 180°, aidée en cela par l'ordonnance de juillet 1919.
Telle est la situation.
Les décisions récentes de la CJUE, souvent pleines de sagesse, de subtilités et nuances juridiques, ne sont pas de nature à mon sens, à révolutionner la situation ni à faire obstacle à la nouvelle direction prise par la Cour de cassation.
Reste, toujours à mon humble avis, que la Cour devrait peut-être évoluer sur la tolérance de 0,1 point appliquée au taux conventionnel. Cela parait toutefois difficile en l'absence de textes précis sur le sujet.
En toute hypothèse, les emprunteurs sont, à mon avis, beaucoup mieux protégés des prédateurs affairistes par la nouvelle direction prise par la Cour.
A suivre...
 
Dernière modification:
agra07 a dit:
Reste, toujours à mon humble avis, que la Cour devrait peut-être évoluer sur la tolérance de 0,1 point appliquée au taux conventionnel. Cela parait toutefois difficile en l'absence de textes précis sur le sujet.
Hello @agra07,

En effet cela parait difficile, aucun texte ne prévoit et ne prévoira jamais une marge de tolérance sur le prix.... Que la cour de cassation introduise une tolérance sur le taux conventionnel est disons... indicible.

El crapo
 
Bonsoir @crapoduc,
crapoduc a dit:
Hello @agra07,

En effet cela parait difficile, aucun texte ne prévoit et ne prévoira jamais une marge de tolérance sur le prix.... Que la cour de cassation introduise une tolérance sur le taux conventionnel est disons... indicible.

El crapo
Lorsqu'il n'y a pas de tolérance fixée dans le texte, rien n'interdit de se montrer équitablement tolérant dans l'application du texte.
 
agra07 a dit:
Bonsoir @crapoduc,
Lorsqu'il n'y a pas de tolérance fixée dans le texte, rien n'interdit de se montrer équitablement tolérant dans l'application du texte.

Mais il ne s'agit en aucun cas d'admettre la moindre tolérance dans un quelconque texte, et encore moins venant d'un juge sous prétexte de se montrer soit disant équitable. Ça serait la porte ouverte à l'à peu près et au grand n'importe quoi.

Lorsque l'on signe un contrat avec un taux déterminé, on s'attend à ce que le prêteur l'applique exactement comme cela a été prévu. En d'autres termes, le taux est juste ou n'est pas. C'est le B.A. BA du droit des obligations.

Prenons un exemple : vous choisissez chez votre épicier du coin un paquet de biscuits, après avoir regardé le prix sur l'étiquette et y avoir consenti. Sauf qu'arrivé en caisse, l'épicier tape 1 centime de plus. Vous le remarquez, mais ne faites pas d'histoires car vous connaissez l'épicier, et il est plutôt sympa. Vous vous dites qu'il a dû se tromper, il n'a pas pu vous voler sciemment. Et vous repartez tranquillement avec votre paquet de biscuit, sans rien dire.

Et si par hasard l'épicier faisait la même chose avec tous ses clients, chaque jour qui passent, en toute connaissance de cause ?

Juste un petit centime, sur un seul produit, et par passage en caisse, client après client.

Moi j'aurais envie de dire qu'il a arrondi ses fins de mois en participant à “une faute lucrative“. C'est exactement ce qui s'est passé avec les établissements bancaires depuis 1995 (date où la Cour de cassation a interdit l'usage du diviseur 360 pour le calcul des intérêts), qui en toute connaissance de cause ont prélevé clandestinement des intérêts sur les échéances brisées, en toute discrétion, les petites rivières finissant par faire de grands fleuves au fil des années, sans offrir la moindre contrepartie à leurs clients emprunteurs.

Il n'y a donc aucune raison de « se montrer équitablement tolérant » comme vous l'écrivez.

Mais ce débat, nous l'avons déjà eu des dizaines de fois ici. À une certaine époque, on parlait du petit kilomètre/heure au-dessus de la vitesse autorisée :)
 
Bonjour,

Jurisprudence a dit:
Lorsque l'on signe un contrat avec un taux déterminé, on s'attend à ce que le prêteur l'applique exactement comme cela a été prévu. En d'autres termes, le taux est juste ou n'est pas. C'est le B.A. BA du droit des obligations.

C'est exactement ce qu'écrivait la Cour d'Appel de Montpellier dans son arrêt N° RG 12/09097 du 05/03/2014 au sujet du TEG:

1599787725884.png
Nonobstant les sommes à payer, la banque n'avait pas formé de pourvoi en Cassation.

Bonne journée.
 
1re Civ.9 septembre 2020, 19-14.934, FS–P+B

La Cour de cassation vient de confirmer que n’est pas abusive la clause prévoyant que les intérêts d’un prêt sont calculés sur la base d’une année de 360 jours et d’un mois de 30 jours (clause 30/360).
 
JLC75 a dit:
1re Civ.9 septembre 2020, 19-14.934, FS–P+B

La Cour de cassation vient de confirmer que n’est pas abusive la clause prévoyant que les intérêts d’un prêt sont calculés sur la base d’une année de 360 jours et d’un mois de 30 jours (clause 30/360).
Bonjour @JLC75

C'est bien triste ce que vous nous apprenez là. Si, mettre en place sournoisement, via une clause incompréhensible de l'emprunteur lambda, un mode de calcul des intérêts assurant un surtout clandestin au préteur sans aucun service rendu ni aucune contrepartie n'est pas abusif.....

Il n'y a plus que l'Europe pour venir au secours des consommateurs.

Néanmoins, s'il s'agit de la censure de l'arrêt de la CA de Limoges, j'attends de voir l'arrêt et les rapports afférents pour en dire plus. En effet la CA de Limoges avait rendu le service minimum.

El crapo
 
J'ai demandé la décision à l'avocat aux conseils concerné. Je vous la ferai suivre par message privé une fois que je l'aurai.
 
Voilà la décision. Il n'y a rien de secret, je peux la mettre en libre accès. Je la traiterai au Recueil Dalloz.

Note admin : pièce non anonymisée supprimée
 
Dernière modification par un modérateur:
JLC75 a dit:
Voilà la décision. Il n'y a rien de secret, je peux la mettre en libre accès. Je la traiterai au Recueil Dalloz.
@JLC75 la décision n'est pas anonymisée.

@baboune pouvez vous supprimer la pièce ?

El Crapo.
 
Oups. Ai je la main pour la supprimer?
 
crapoduc a dit:
l'admin l'a fait

J'ai demandé à Doctrine la version anonymisée. Je la republierai aussitôt reçue :)
 
Merci! Encore désolé.
 
Je crois que dans cette affaire, les Hauts magistrats auraient été avisés de jeter un œil sur l'analyse de la Cour européenne dans son récent arrêt du 16 juillet dernier (CJUE, n° C-224/19, Arrêt de la Cour, CY contre Caixabank SA et LG et PK contre Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA, 16 juillet 2020) :

- Point n° 72, qui reprend l'une des questions essentielles posées de savoir « si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de prêt conclu entre un consommateur et un établissement financier imposant au consommateur le paiement d’une commission d’ouverture, crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat en dépit de l’exigence de bonne foi, lorsque l’établissement financier ne démontre pas que cette commission correspond à des services effectivement fournis et à des frais qu’il a exposés. »

En d'autres termes, le déséquilibre d'information est-il significatif si le prêteur ne justifie pas si les sommes prélevées correspondent réellement à un vrai service rendu ?

À cet égard, le point n° 78 nous explique que « il doit être tenu compte du fait que [...] les commissions ou les frais répercutés sur le client doivent correspondre à des services effectivement fournis ou à des coûts supportés. Il s’ensuit qu’une clause qui aurait comme effet d’exempter le professionnel de l’obligation de démontrer que ces conditions sont remplies à l’égard d’une commission d’ouverture pourrait, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi à la lumière de l’ensemble des clauses du contrat, affecter de manière défavorable la position juridique du consommateur et, par voie de conséquence, créer, au détriment de celui-ci, un déséquilibre significatif, en dépit de l’exigence de bonne foi. »

Mais c'est sûr que la Cour d'appel de Limoges, en ayant sanctionné en ne considérant que la seule présence de la clause “dite lombarde“ « quelle que soit l'importance de son impact réel », sans apport d'un minimum de démonstration chiffrée de la part des emprunteurs, ne pouvait qu'encourir la cassation.
 

Pièces jointes

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Bonjour Jurisprudence,
Jurisprudence a dit:
Je crois que dans cette affaire, les Hauts magistrats auraient été avisés de jeter un œil sur l'analyse de la Cour européenne dans son récent arrêt du 16 juillet dernier (CJUE, n° C-224/19, Arrêt de la Cour, CY contre Caixabank SA et LG et PK contre Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA, 16 juillet 2020) :

- Point n° 72, qui reprend l'une des questions essentielles posées de savoir « si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de prêt conclu entre un consommateur et un établissement financier imposant au consommateur le paiement d’une commission d’ouverture, crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat en dépit de l’exigence de bonne foi, lorsque l’établissement financier ne démontre pas que cette commission correspond à des services effectivement fournis et à des frais qu’il a exposés. »

En d'autres termes, le déséquilibre d'information est-il significatif si le prêteur ne justifie pas si les sommes prélevées correspondent réellement à un vrai service rendu ?
Encore une fois votre argument ne tient pas: une "commission" n'est pas de même nature qu'un éventuel surcoût d'intérêts lié à un calcul lombard.
Il n'est pas objectif de faire dire à la CJUE ce qu'elle ne dit pas.
Pour le reste, je suis entièrement d'accord avec ce que dit la CJUE.
Exemple:
- une banque facture 1000€ pour "frais annexes": on ne sait pas à quoi correspondent ces frais, elle est en faute.
- une autre facture 1000€ pour "frais de dossier": on sait à quoi correspondent ces frais, elle n'est pas fautive.
C'est ainsi que je lis et comprends les points 72 et 78 que vous citez.
 
Bonjour,
vivien a dit:
Bonjour,
C'est exactement ce qu'écrivait la Cour d'Appel de Montpellier dans son arrêt N° RG 12/09097 du 05/03/2014 au sujet du TEG:

Afficher la pièce jointe 7486
Nonobstant les sommes à payer, la banque n'avait pas formé de pourvoi en Cassation.
Cet argument n'est pas convaincant car beaucoup trop ancien. Il n'est pas du tout certain que la Cour d'appel de Montpellier se prononcerait aujourd'hui de la même façon, d'autant moins que l'écart est inférieur à 0,1 point de taux.
De plus la Cour d'appel commet une erreur d'appréciation flagrante à mon sens, celle de raisonner en valeur absolue plutôt qu'en valeur relative lorsqu'elle écrit:
"En l'espèce, cette différence est significative puisque le taux s'applique à des sommes d'un montant élevé."
 
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