Bonjour JLC75,
Merci infiniment pour ce partage de votre prochain article à paraître.
Et bien sûr, les participants de ce Forum sont touchés qu'un éminent spécialiste comme vous l'êtes propose de recevoir leur avis.
Je vais modestement tenter d'apporter quelques pierres à cet édifice qui est en train de se construire, en ce moment,
en critique à une nouvelle position de la Haute juridiction dans le cadre du contentieux “dit lombard“ que plus personne ne comprend.
1°/ Si je puis me permettre, après votre précédent article à paraître dans la Gazette, après celui de Monsieur Biardeaud, je pense que l'occasion vous est donnée de “taper encore plus fort“ sur les Magistrats du Quai de l'Horloge. D'autant qu'il semblerait que des articles de presse, très critiques sur la Cour de cassation, soient en préparation. Il faudra bien que face à une grosse levée de bouclier (dont vos avis), quelqu'un au plus haut niveau de la Cour de cassation demande des comptes à la Première Chambre civile pour une position manifestement
contra legem, donc inacceptable à mon sens en l'état du droit.
D'autant plus que la Cour de cassation, par la voix de ses Avocats Généraux, n'hésite pas, sans s'en cacher, à annoncer la couleur : en substance, museler coûte que coûte le contentieux sur les taux.
Pour cela, je vous renvoie à ma récente publication :
https://www.moneyvox.fr/forums/fil/jurisprudence-annee-lombarde.35089/page-344#post-365069
2°/ Il me semble qu'
il manque à votre article en préparation un gros paragraphe sur le droit des obligations. En effet, jusqu'à présent, la Cour de cassation s'était toujours montrée très vigilante à surveiller que le droit des contrats était bien respecté.
Un contrat, c'est une rencontre des volontés. En matière de taux contractuel,
le taux convenu dans l'offre doit être celui qui s'applique au contrat. Il n'y a pas de demi mesure :
ou le taux convenu est juste, ou il n'existe pas.
Quand une banque applique un taux conventionnel déterminé par référence à une année bancaire de 360 jours, sans en informer l'emprunteur, donc sans recueillir son consentement au moment de la formation du contrat, le contrat va devenir irrégulier et devra donc être annulé, tout au moins partiellement à hauteur de l'intérêt légal aux termes de l'article 1907 du Code civil.
Il n'y a pas que le Code de la consommation qui vient protéger un consommateur-emprunteur, mais également le sacro-saint Code civil.
Il serait intéressant dans votre article de prévoir des références au dit code.
L'avocate Générale, Madame Odile Falletti, avait déjà ouvert la voie dans l'arrêt du 19 juin 2013, qui condamnait une banque pour un usage du diviseur 360 : «
Il résulte, en effet de l’article L111-1 du Code la consommation que tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service. »
Ces dispositions font écho au droit des contrats, dont la refonte en 2016 à droit constant exprime le fondement :
- La nouvelle rédaction de l’article 1114 du Code civil précise que l’offre doit comprendre les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ;
- Celle de l’article 1113 précise que le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager ;
- Celle de l’article 1163 précise que l’obligation doit être déterminée ou déterminable ;
- Celle de l’article 1162 précise que le contrat qui déroge à l’ordre public par ses stipulations ou son but est invalide.
Aux termes de ces prescriptions, le taux d’intérêt se présente très certainement comme l'une des caractéristiques principales du contrat en ce qu’il permet de déterminer le prix à payer en contrepartie de la disposition du capital sur la durée convenue.
Il est constant que le contrat de prêt d’argent consenti par un professionnel du crédit est un contrat consensuel qui se forme par le simple échange des volontés, ce contrat de prêt à un consommateur se formant en effet par la rencontre formalisée d’une offre et d’une acceptation, par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.
Ainsi le prix, c’est-à-dire l’intérêt que devra payer l’emprunteur pour la jouissance du capital qu’il s’oblige à restituer, doit être déterminé ou déterminable en application du droit des obligations. Le taux nominal d’un prêt n’est pas un prix déterminé, mais le mode de détermination du prix, soit le mode de calcul de l’intérêt sur lequel les volontés doivent s’accorder.
C’est à ce niveau précis qu’intervient l’année lombarde (et la prohibition du diviseur 360) en ce qu’elle ne consiste qu’en un mode particulier de détermination des intérêts journaliers, dont la mention n’est pas imposée par le Code de la consommation, mais par le droit commun des obligations.
Là encore,
les champs du Code civil et du Code de la consommation ne se confondent pas : la présence du mode de détermination du prix est imposée et sanctionnée par le Code civil, la lisibilité de la clause de détermination du prix est imposée et sanctionnée par le Code de la consommation.
En effet, si la convention de calcul entre le taux et le prix (1/12 du taux annuel, Exact/Exact, 30/360) n'est pas partagée entre le prêteur et l’emprunteur, l'accord des volontés sur le prix ne peut se faire : l'intérêt contractuel est nul et ne subsistera alors que le taux légal.
Il ressort de tout ceci que
la Cour de cassation ne s'intéresse plus au Code civil dans la nouvelle position qu'elle vient de prendre. Il conviendrait d'insister là-dessus, c'est important dans un État de droit.
3°/ Si je puis me permettre à nouveau, il serait intéressant de terminer votre article en expliquant en substance que vous espérez que
les juridictions du fond feront de la résistance face à une position des Magistrats du Quai de l'Horloge qui n'est pas défendable au regard de textes d'ordre public.
Vous êtes beaucoup lu, tant par les juges que par les avocats. Toute la profession vous respecte, à juste titre. Vos avis comptent, à tel point que je n'ai jamais lu une analyse de Conseiller référendaire ou d'Avocat général qui ne reprenne l'un de vos articles. C'est quasi systématique.
Alors, “lâchez-vous“, tapez un grand coup sur la table !
Les consommateurs ne sont plus respectés !