agra07 a dit:
A mon sens, il ne paraît pas possible de considérer une clause comme abusive par le simple fait quelle soit susceptible d'induire un calcul erroné, sans se préoccuper du montant relatif de l'erreur, ni même de savoir si celle-ci ne procure pas un avantage à l'emprunteur, comme cela se produit quelquefois !
C'est d'ailleurs exactement la position prise par la Cour d'Appel de LYON dans son arrêt du 8 janvier 2019.
Bonjour agra07,
Je vois que vous restez fidèle à votre “dada“ du préjudice subi par l'emprunteur pour effectuer à nouveau un “
calcul au poids“ : quelle serait l'importance dudit préjudice pour amener le juge à considérer que la clause qui a généré une erreur au détriment de l'emprunteur doive être considérée comme abusive ou non ?
Une clause dite abusive est une clause qui crée un déséquilibre entre un professionnel qui est le sachant et le consommateur qui est le profane.
Cela est d'autant plus vrai dans un contrat de prêt qui est nécessairement consensuel et se forme par la rencontre d'une offre et son acceptation, et qui doit répondre aux exigences de l'article L.111-1 du Code de la consommation, qui nous explique que comme pour toute prestation de services, le contrat de prêt doit mentionner les caractéristiques essentielles du crédit, et en particulier son taux, dont la seule mention est insuffisante sans les modalités de son application.
Si le contrat de prêt contient une clause faisant référence à un calcul sur la base d'une année bancaire de 360 jours, il ne permet pas au consommateur profane d’évaluer le surcoût qui est susceptible d’en résulter, et par conséquent de calculer le coût réel de son crédit, ce qui est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur.
On n'a pas besoin de parler d'une somme plus ou moins importance qui aurait été surfacturée à l'emprunteur,
le déséquilibre est SIGNIFICATIF par le seul fait que l'emprunteur a été insuffisamment informé pour considérer que l'intégrité de son consentement a bien été respectée. Cela réside dans la nature même du contrat consensuel dont les clauses ne peuvent être discutées et sont imposées par le prêteur.
C'est cette approche qui a été adoptée par la Cour de cassation, dans son arrêt de principe du 19 juin 2013, confirmé le 17 juin 2015 (
Cass. 1re civ., 19 juin 2013, n° 12-16.651, Bulletin 2013, I, n° 132, et Cass. 1re civ., 17 juin 2015, n° 14-14.326, Bulletin 2015 n° 6, I, n° 149).
En effet,
la Haute Cour s'est alors placée sur un terrain juridique et non mathématique, en sanctionnant non pas une erreur de taux, mais une pratique opaque des banques qui ne permet pas aux emprunteurs consommateurs de connaître avec précision le coût du crédit (
cf. l'avis de l'avocat général, Madame Falletti).
Ce qui avait conduit du reste le Professeur MATHEY, dans un commentaire sur l’arrêt précité du 19 juin 2013, à écrire : «
Il est vrai que le maintien de la pratique du diviseur 360 pourrait faire craindre que la présentation de l’offre soit de nature à obscurcir la compréhension de la structure du prix du crédit consenti. » (
RDBF, novembre-décembre 2013, n°187).
Malheureusement, une fois de plus, nous ne sommes pas d'accord.
Et voici pourquoi votre argument du “
petit préjudice“ ne peut pas être défendable, au point d'interdire d'annuler une clause considérée comme abusive : en effet, il n’est pas exclu que l’établissement de crédit fasse usage de la clause d’intérêts litigieuse à n’importe quel moment pendant la durée du crédit, notamment en cas de remboursement anticipé des prêts, et ce au détriment de l’emprunteur. Comme vous le voyez, les “
petits préjudices“ vont finir par faire de grande rivières.
Bien plus, en pareil cas, l'emprunteur pourrait se voir opposer la prescription de son action si le calcul irrégulier d’intérêts intervenait à l’expiration du délai de 5 ans suivant la conclusion des contrats de prêt. Il serait donc particulièrement puni...
Mais personne ne saura vous convaincre, pas même la rédaction de l'article 1907 du Code civil que vous interprétez à votre manière...
