Bonsoir
Si l'on veut se contenter d'une réponse simple et superficielle, mais pas exempte d'un certain bon sens, je dirais que les vacances ne sont pas encore finies, et que les équipes des PF sont toujours en train de faire des pâtés de sable, à défaut de bétonner les futurs dossiers qu'elles nous présenteront dès septembre.
Sinon, et pour être un peu plus sérieux, la réponse tient dans une simple phrase, énoncée dans l’article que vous mentionnez:
De façon générale, les marchés financiers ont une sainte horreur de l’incertitude, ce qui se traduit par baisse des volumes et hausse de la volatilité.
Pour schématiser, et revenir au domaine du CFI qui nous intéresse (et en gardant toujours à l'esprit qu'il n'est qu'un minuscule épiphénomène s'inscrivant dans a vaste'industrie immobilière dont il subit aujourd'hui toutes les avanies), listons-en les acteurs:
- les professionnels (promoteurs, MdB, aménageurs fonciers) qui alimentent le marché en disposant de l’OFFRE;
- les acheteurs (particuliers utilisateurs finaux, particuliers investisseurs-bailleurs, bailleurs sociaux, foncières...) de biens immobiliers, représentant la DEMANDE,
- les banques qui financent les uns et les autres, dans des conditions réglementaires et financières largement imposées par le législateur, la BCE, et les marchés de taux,
- nous autres, petits crowdfunders,
- et les plates-formes, qui organisent le financement participatif des quasi-fonds propres des projets, et qui, à cet effet,mettent en relation les offreurs et les crowdfunders.
Et tout ce petit monde évolue dans un environnement macroéconomique chahuté depuis plus de quatre ans, et directement issu d’une crise du Covid immédiatement relayée par la crise russo-ukrainienne.
La période pré-crise était caractérisée par une abondance de liquidités et des coûts de financement historiquement bas orchestrés par une politique monétaire accommodante de la BCE, que ce soit pour les offreurs ou les demandeurs de biens; la machine bancaire était huilée et fonctionnait sans accroc.
Mais patatras! La crise est arrivée, les prix des matières premières ont flambé, l’inflation s’est installée et la BCE a dû drastiquement resserrer sa politique monétaire pour la contenir: les taux ont grimpé en flèche, et la production de crédit s’est asséchée, pour trois raisons principales,
- l’une, réglementaire, étant que le taux légal de l’usure a mécaniquement été rejoint par les taux d’emprunt du fait de leur haute vitesse ascensionnelle,
- la seconde – endogène et moins avouable – étant que les banques rechignent à prêter en phase de hausse des taux directeurs et préfèrent attendre leur stabilisation (d’une part parce que plus ces taux sont élevés, plus leur marge potentielle est importante, et d’autre part parce que un refinancement BCE en phase de hausse incontrôlée peut leur coûter cher),
- et la dernière, corollaire des précédentes, étant que la capacité d’achat des demandeurs a baissé (taux d’emprunt plus hauts), et seuls les tout meilleurs dossiers étaient financés.
Donc,
chute de la demande.
Consécutivement, les stocks de biens disponibles n’ont pas pu être écoulés dans les temps, et les producteurs ont fait face à de graves problèmes de trésorerie; pour eux, deux solutions dès lors: refinancement de leurs lignes de trésorerie, avec des banques souvent aux abonnés absents, ou la restructuration de leurs dettes, au grand dam de leurs créanciers (nous, entre autres). Et dans tous les cas, mise sous le boisseau de beaucoup des projets futurs.
Donc,
asphyxie de l’offre, et des PF qui peinent à nous dégoter des dossiers, présentables tout du moins.
Depuis six mois, on assiste à une décrue timide des taux bancaires, initiée par un début de léger desserrement monétaire de la BCE; la prudence affichée de l’institution ne laisse guère de doute sur la suite des événements: les prochaines baisses de taux seront faibles, rares, et lointaines; autrement dit, l’âge d’or de l’immobilier, tel que nous l’avons connu depuis la fin de la crise des subprimes, n’est pas près de revenir à court terme.
Mais cette assertion n’engage que moi, et cette analyse peut ne pas être partagée. Et dès lors, que va-t-il se passer? Tout tient à la psychologie du marché.
Si les acheteurs pensent que le marché du crédit peut encore se détendre significativement, et que leur pouvoir d’achat immobilier peut ré-augmenter, ils vont continuer à jouer la montre et remettre leurs projets à plus tard,
ce qu’ils ont fort bien appris à faire, contraints et forcés, durant deux ans; ce qui, par voie de conséquence, fragilisera encore la situation des promoteurs et consorts, et de facto, les PF continueront à avoir du mal à sourcer des dossiers, a fortiori des dossiers crédibles; accessoirement, ça n’améliorera pas non plus la situation des projets en déshérence de nos portefeuilles d’obligations CFI.
Si, au contraire, les acheteurs estiment que les taux ne sont plus amenés à baisser que lentement et faiblement, ils reviendront peu à peu à l’achat et on pourra envisager le retour à un équilibre plus stable; personnellement, ce n’est pas le scénario que je privilégie pour l’instant, pour des raisons qui tiennent, pêle-mêle, à la situation politique intérieure et à l’incertitude qui en découle sur l’avenir économique du pays, et aux tensions géopolitiques grandissantes sur certains théâtres, tous paramètres qui peuvent à court terme et durablement influencer les décisions des acheteurs et/ou de leurs financeurs.
En résumé, c’est des acheteurs de biens que viendra – ou pas – l’initiative, sans ou avec une impulsion du législateur pour leur favoriser l’accès au crédit et/ou en atténuer le coût, mais pour l’heure, les quelques mesures mises en œuvre en ce sens tardent à montrer leurs effets...