Votre métier est-il vraiment menacé par les nouvelles intelligences artificielles ?
De nombreux métiers vont être transformés par l'arrivée de nouvelles intelligences artificielles.
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ANALYSE - Une étude universitaire a analysé le degré d'exposition aux avancées de l'IA de près de 800 professions. Découvrez si votre métier est touché.
SOMMAIRE
Des effets déjà perceptibles [lien réservé abonné]
Près de 800 professions passées en revue [lien réservé abonné]
En boucle. Il y a quelques jours, Sundar Pichai, directeur général de Google, levait le voile sur les dernières innovations de la société
au cours de sa conférence annuelle, la Google I/O [lien réservé abonné]. Avec un dénominateur commun à quasiment tous les produits présentés sur scène : l'intelligence artificielle. À tel point que la répétition du sigle A.I. (pour Artificial Intelligence) dans la bouche du dirigeant a donné lieu à
quelques détournements humoristiques sur les réseaux sociaux [lien réservé abonné].
Loin d'une simple lubie, l'enjeu autour de ces technologies est vital pour le moteur de recherche. Les derniers mois ont vu apparaître une nouvelle génération d'intelligences artificielles : textes (GPT4/ChatGPT, PalM/Bard), images (Midjourney, Dall-E, Stable Diffusion...) mais également voix ou vidéos, ces «modèles» peuvent tout générer ou presque à partir de quelques commandes textuelles, les fameux «prompts».
Si la sidération est généralement de mise chez ceux qui s'y essaient, elle se teinte bien souvent d'inquiétudes. Alors que l'automatisation concernait jusqu'ici essentiellement des tâches manuelles ou répétitives, ces nouveaux modèles génératifs élargissent considérablement le champ des compétences dévolu aux machines. De quoi bouleverser durablement le monde du travail.
Des effets déjà perceptibles
Pour certaines professions, les répercussions se font déjà sentir. Les développeurs ont par exemple vu apparaître ces derniers mois des «assistants virtuels» à l'écriture de code informatique, qui viennent les épauler dans cette tâche en faisant des suggestions. Un marché pour l'instant dominé par Github Copilot, un programme qui utilise en sous-main le même modèle que ChatGPT. Avec un abonnement mensuel à 10 euros par utilisateur, l'entreprise Github, propriété de Microsoft et jusque-là spécialisée dans l'hébergement de code source, a trouvé ici un puissant levier de diversification.
Pour d'autres corporations, les conséquences à court ou moyen terme apparaissent plus nébuleuses, notamment quant à la nature exacte des bouleversements provoqués par l'irruption de ces modèles génératifs. Si le gain en productivité semble indéniable pour de nombreuses tâches chronophages (résumé d'une réunion ou d'un cas client, création de «slides» pour une présentation, réalisation de planches de tendances et de «concept arts»...), la limite entre complémentarité et substitution semble ténue.
L'un des pères fondateurs de l'intelligence artificielle alerte sur son développement
Près de 800 professions passées en revue
Des chercheurs issus de trois universités américaines ont récemment essayé d'évaluer précisément [lien réservé abonné] l'exposition des métiers aux modèles d'IA dédiés spécifiquement à la génération de texte et d'image. Pour ce faire, ils ont lié les applications possibles de ces intelligences artificielles à une liste de 52 capacités humaines (compréhension orale, raisonnement inductif, …). L'exploitation d'
une base de données du Département du Travail des États-Unis [lien réservé abonné], qui quantifie l'importance de ces capacités pour près de 800 métiers différents, rend ainsi possible le calcul d'un «score d'exposition». Plus ce score est positif pour un métier donné, plus ses tâches rentrent en conflit avec les applications des modèles génératifs.
A contrario, un score négatif signifie que la profession est moins exposée que la moyenne.
Parmi les métiers les plus concernés par l'arrivée des modèles de synthèse de texte, on trouve les télévendeurs, l'enseignement supérieur, les politologues, les analystes de gestion, de nombreuses fonctions du secteur judiciaire (greffiers, juristes, avocats et juges) ou encore les journalistes. La synthèse d'image touche davantage les designers d'intérieurs, les directeurs artistiques, les graphistes et les développeurs web.
Autre conclusion établie par les universitaires : les métiers les plus concernés nécessitent souvent un haut niveau d'études. Un constat guère surprenant au vu de la nature et des applications de ces nouveaux modèles génératifs, mais une révolution en comparaison des précédentes vagues d'automatisation.
Après l'adoption en masse (et parfois à marche forcée) du télétravail ou la brusque dégradation du marché de l'emploi dans certains secteurs jusqu'ici prospères,
notamment les nouvelles technologies, [lien réservé abonné]l'incursion de ces intelligences artificielles dans leur périmètre de compétence sonne peut-être comme le début d'une crise existentielle pour les cols blancs.
Considérés comme les enfants gâtés de la mondialisation, ils se retrouvent désormais sous la menace d'une révolution technologique
dont on peine encore à discerner l'ampleur [lien réservé abonné]. En témoigne la difficulté pour les décideurs publics à réagir face au rythme frénétique des avancées dans le domaine.
«Il est important d'aller vite. Nous avons vraiment besoin que notre législation s'adapte» [lien réservé abonné], a encore récemment martelé la vice-présidente de la Commission européenne Margrethe Vestager.
Méthodologie
Cet article se base sur l'étude
Occupational Heterogeneity in Exposure to Generative AI [lien réservé abonné] (Felten, Edward W. and Raj, Manav and Seamans, Robert). La nomenclature des métiers utilisée est la
Standard Occupational Classification 2010 [lien réservé abonné] du Bureau of Labor Statistics américain. Nous l'avons traduite en l'état pour éviter les problèmes de correspondances avec les nomenclatures internationale ou française en vigueur. Nous avons néanmoins supprimé certains métiers inexistants en France (sherif ou trappeur par exemple). Comme dans l'étude initiale, nos calculs s'appuient sur
la base O*NET [lien réservé abonné].
ChatGPT: «L’intelligence déconnectée de l’émotionnel est mortifère»,