Comment nous nous adaptons à l'inflation / Appel à témoignages

Wizz a dit:
Et injustifiable avec un gros parc nucléaire presque indépendant du gaz/charbon.
Totalement dépendant de l'étranger et de pays pouvant du jour au lendemain nous couper l'uranium;(à part le Canada...) et dépendant de la crise climatique, et de la maintenance;
L'autorisation "temporaire" de rejets d'eau plus chaude dans les fleuves, ne va faire qu'accentuer la crise agricole (en modifiant l'éco système des rives)et de la pèche(en mer par la modification de la faune et de la flore marine);
Quant à la maintenance repoussée, jusqu'où ira t on dans l'inconscience?
 
Pour ma part, je suis la femme d'un agriculteur en polyculture-élevage basé dans le Tarn et ce que nous envisageons pour nous adapter à l'inflation est tout simplement l'arrêt complet de production (élevage et culture).

C'est bien triste d'en arriver là pour une exploitation d'environ 75ha qui n'est pas officiellement considérée en difficulté mais, sur le papier, c'est ce qui nous coûterait le moins cher.

Si cela vous intéresse que je développe notre situation qui est celle de beaucoup d'exploitants de mon secteur, je peux le faire.
 
Oui , intéressé car d'origine paysanne et peut être mieux à même de vous comprendre .
 
xaramelaz a dit:
Si cela vous intéresse que je développe notre situation qui est celle de beaucoup d'exploitants de mon secteur, je peux le faire.
oui, cela m'intéresse, car j'aimerais comprendre un peu mieux les choses; si on regarde les héritages en France, le monde agricole dispose de patrimoines héritables dans les "hauts" patrimoines, alors que l'on sait que le niveau de vie est très bas et que le taux de suicides devrait alerter au plus haut point; n'a t on pas au travers des banques récrée un système proche du métayage?
 
Je vais donc essayer d'expliquer la situation.

Tout d'abord, il faut avoir à l'esprit que la totalité du territoire français n'a pas les mêmes potentiels de rendement pour les cultures.
La région Occitanie et, en particulier le Tarn :
- fait partie des zones à potentiel bien inférieur à la moyenne nationale
- fait partie des meilleurs élèves en terme d'utilisation de produits phytosanitaires
- possède très peu d'éleveurs hors des zones de montagnes ou très pauvres

Exemple pour le blé :
le potentiel de récolte 2022 est établi pour le Tarn à 46q/ha pour une moyenne nationale de 72q/ha (94q/ha dans l'Eure)
=> Quelle que soit sa pratique culturale et les conditions climatiques, pour une même surface cultivée, un exploitant de notre zone géographique pourra espérer bien moins de chiffres d'affaires que d'autres.

Après calcul, le rendement réel sur l'exploitation a été de 37q/h

Cette page internet est bien représentative :
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Exemple pour le blé :
le potentiel de récolte 2022 est établi pour le Tarn à 46q/ha pour une moyenne nationale de 72q/ha (94q/ha dans l'Eure)
=> Quelle que soit sa pratique culturale et les conditions climatiques, pour une même surface cultivée, un exploitant de notre zone géographique pourra espérer bien moins de chiffres d'affaires que d'autres.

Après calcul, le rendement réel sur l'exploitation a été de 37q/ha cette année. Le blé n'a aimé ni le gel de fin avril ni la canicule de juin ni la sécheresse sur toute la campagne. Par rapport au voisinage, ce n'est pas un mauvais rendement.

Cette page internet est bien représentative pour le blé et il est possible aussi de voir les valeurs pour les autres cultures :
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Quelle que soit la culture (blé, orge, tournesol, sorgho, maïs, soja), la situation est la même y compris lorsque l'on fait attention à choisir les variétés supposées les plus adaptées à notre zone.


Pour les cultures, les revenus des agriculteurs sont composés :
- des ventes des produits
L'agriculteur ne choisit pas ses prix de vente. Le prix affiché est pour un produit "aux normes" (taux de protéine, humidité, poids spécifique....). Tout écart à la norme entraîne des pénalités sur le prix d'achat. Chaque remorque livrée à la coopérative est analysée pour mesurer tous ces paramètres. Les coûts de transport entre les coopératives de proximité et les silos de départ en gros sont facturés aux agriculteurs.
- des primes PAC incluant le "paiement vert" liées aux bonnes pratiques (environ 15k€ pour une exploitation comme la nôtre)

Pourrait-on augmenter le chiffre d'affaires lié aux cultures ?
* au niveau des primes PAC : NON et ça ne fait que baisser...
* vente des produits : NON
- se passer des coopératives : IMPOSSIBLE car exploitation trop petite (0 poids auprès des acheteurs si passage en direct sans compter que cela nécessite des compétences que nous n'avons pas)
- vendre en direct au consommateur pour mieux valoriser le prix : impossible car tout ne peut se prête pas à la vente directe (ex : sorgho) et que la transformation nécessite souvent beaucoup d'investissement et la commercialisation beaucoup de temps. De plus, le marché local ne peut pas absorber toute la production (ex : c'est facile pour un agriculteur de vendre 1t de blé en sac de farine mais cela lui serait impossible de vendre toute sa production a fortiori si tous ses voisins le font aussi)
- passer des contrats de vente à des prix fixés en avance : possible, impact très limité et beaucoup de risque si le volume promis à la vente n'est pas atteint (pénalité importante)
- produire d'autres cultures : vraiment pas évident et déjà tenté
Beaucoup de cultures ne se prêtent pas au type de sol ou au climat local (pommes de terre, colza, sarrazin ...) donc, déjà, on sème ce qui est censé pousser. De plus, faire une culture "atypique" fait prendre le risque d'avoir un produit invendable (les grossistes ne veulent pas s'embêter à revendre une toute petite quantité de produit).
Il y a 2 ans, un voisin s'est par exemple retrouvé avec sa petite récolte de grains de moutarde sur les bras car pas de transformateur local et pas d'acheteur.
Il y a aussi les contraintes liées à l'obligation de faire des rotations de culture. Il serait impossible de semer chaque année la même récolte sur la même parcelle même si elle rapportait beaucoup au risque de "tuer sa terre" (l'appauvrir) et voir apparaître des maladies ou des plantes envahissantes.
- passer en BIO pour vendre plus cher : fausse bonne idée car le prix d'achat plus élevé ne couvre même pas le différentiel de charge. Cette année, certaines cultures sont achetées au même prix bio ou pas. De plus, certaines récoltes sont invendables car le produit final n'est pas sain (champignons, graines parasites impossibles à trier...)
- stocker pour essayer de vendre "au bon moment" : très incertain et peu d'impact
Pour le moment, le stockage à la ferme ne concerne que les produits (blé, maïs) qui sont ensuite utilisés pour l'alimentation de nos volailles dans l'année ou réutilisés en semence fermière. Le surplus de récolte est vendu au moment de la moisson.
Il serait possible de stocker à la ferme ou de faire stocker à la coopérative et de vendre le produit plus tard dans la saison. Le stockage à la ferme nécessite beaucoup d'investissements (silo, système de ventilation...) impossible à rentabiliser vu la taille de l'exploitation et de frais de fonctionnement (électricité, insecticides...). Faire stocker à l'extérieur a un coût rarement couvert par l'écart de prix entre le moment de la récolte et celui de la vente. De plus, les prix n'augmentent pas forcément sur la saison.


Les principales charges liées au culture sont :
- les semences
- les engrais
- les produits phytosanitaires
- le carburant
- l'entretien des matériels
- les assurances liés au matériel
- l'eau y compris pour l'irrigation

Tous ces postes de dépenses ont subi une très forte augmentation. La plus grosse augmentation étant les engrais (multiplié par 7 en 2 ans).
 
Dernière modification:
Dans les pistes d'augmentation des revenus, j'ai oublié plusieurs pistes :
- vendre la paille issue des champs de céréales : fausse bonne idée
Cela représente très peu de quantité (les variétés de blé et d'orge sont de plus en plus petites en taille) et donc en potentiel de revenu. De plus, laisser se dégrader la paille dans le sol lui rend service. Autant ne pas se passer de cet apport peu cher.
- produire plus de volumes (= faire la course aux rendements)
Cela revient à utiliser plus d'intrants et n'est économiquement pas rentable depuis plusieurs années.

Pourrait-on contenir les charges liées aux cultures ?
* au niveau des semences : difficile voire impossible de faire mieux
- semer moins (densité de semis plus basse) : la densité choisie est adaptée à notre sol. Semer moins reviendrait alors aussi à récolter moins. Sur ce poste, une baisse des charges entrainerait de façon sûre une baisse du CA plus importante que le gain.
- trouver de meilleur prix d'achat :
Qui dit petite ou moyenne exploitation dit aussi petit volume d'achat. C'est bien via la coopérative que nous obtenons les meilleurs tarifs pour ce type d'achats. Les grossistes n'ont aucun intérêt à multiplier les petits clients.
- utiliser des semences fermières (déjà fait pour une grosse partie du blé, l'orge et le soja)
Un agriculteur ne peut pas ressemer toutes ses récoltes d'une année sur l'autre au risque d'une baisse importante de qualité ou de rendement. Certaines graines sont même stériles.
Dans notre cas, le maïs, le sorgho et le tournesol récoltés sur l'exploitation ne sont jamais ressemés l'année suivante. Des semences de blé, d'orge et de soja certifiées sont achetées chaque année sur une petite partie des surfaces et réensemencer sur les autres l'année suivante.

* au niveau des engrais
- en utiliser moins : difficile
Notre exploitation est située en zone vulnérable. Cela nous oblige à réaliser chaque année un plan prévisionnel de fumure qui revient à calculer précisément quelle quantité d'azote est nécessaire pour obtenir le rendement moyen départemental de la culture.
C'est moi qui réalise ce document pour mon mari et cela revient a prouver que, même en zone vulnérable, il consomme moins d'engrais que ce qu'il lui est possible d'utiliser.
Mettre moins d'engrais que ce qu'il met aujourd'hui, en plus de lui faire prendre le risque d'une baisse de rendement, lui fait prendre le risque d'une baisse de qualité des grains. Le taux de protéines est très fortement lié à la quantité d'engrais utilisée. Obtenir des valeurs plus faibles encore serait beaucoup trop pénalisant sur le prix d'achat.
Alors que l'Occitanie est une zone propice à la production du blé dur (celui utilisé pour la semoule et les pâtes), quasiment tous les agriculteurs situés dans les zones vulnérables (une majorité du territoire) ont abandonné la culture car il est devenu impossible de produire des graines "aux normes" avec les quantités d'engrais officielles.
- obtenir de meilleurs prix : impossible
En ce moment, la question n'est même plus du prix mais de la disponibilité. Beaucoup d'usines d'engrais ont arrêté la production du fait du prix du gaz.
- remplacer les engrais chimiques par des engrais organiques : ce serait bien !
Cela suppose d'avoir des gros élevages à proximité. Il y a peu d'éleveurs dans notre zone. Il aurait fallu les soutenir plus tôt pour qu'ils n'abandonnent pas les uns après les autres. Et, le transport entre régions (du nord au sud) est assez irréaliste.
- remplacer les engrais chimiques par l'augmentation des plantes "pièges à azote" (couverts végétaux, légumineuses ...)
Couverts végétaux dans une zone argilo-calcaire et à fortiori dans le sud de la France, ça ne fait pas bon ménage. Semer des graines au mois de juillet est une mauvaise idée car, avec le manque d'eau, il y a de forts risques que cela ne pousse pas ! De plus, les terres argileuses sont impossibles à travailler quand elles sont sèches. Il y a des obligations liées notamment à la PAC sur ce type de couverts mais, dans notre zone, cela revient presque à jeter l'argent des semences des couverts par la fenêtre.
Une année comme 2022, même les grains de blé ou d'orge tombées sur le sol pendant les moissons n'ont pas germé. Les champs de céréales sont aujourd'hui tels qu'ils étaient au moment des moissons : les agriculteurs n'ont pas pu les déchaumer (=passer les disques) ou commencer les labours car la terre est trop sèche et que le risque d'incendie était trop élevé et ils sont toujours jaunes car il n'y a aucune repousse.
Semer plus de culture de type soja, luzerne qui apportent de l'azote pourrait être possible mais de façon très limitée d'autant que ces plantes souvent gourmandes en eau ....
 
Dernière modification:
Merci pour votre témoignage qui , je l'espère , apportera des éclaircissements aux adhérents de ce forum , plutôt citadins je pense , et pas forcément informé des difficultés des petites exploitations agricoles qui font pourtant le paysage français . En France , Europe ? , nous sommes très forts sur " les normes " . Sur quelle base les agriculteurs ont ils droit au chômage ou son équivalent ?
 
* au niveau des produits phytosanitaires : difficile de faire mieux que déjà peu
Chaque agriculteur doit calculer son IFT (indice de fréquence de traitement) qui correspond au nombre de doses de référence utilisés sur une culture pendant une campagne culturale.
Il y a aussi, comme pour les rendements, de gros écarts de pratiques entre les régions françaises.

Pour le blé, l'IFT moyen en Occitanie est de 3,4. Avec Auvergne-Rhône Alpes, c'est la région où le moins de pesticides sont utilisés en France.
Au niveau de notre exploitation nous sommes à 2.5 :
- un traitement au niveau des semences : valeur 1
- un passage d'herbicide (=désherbant) : valeur inférieure à 1 (il met la dose de référence préconisée sur une partie des parcelles = "pas de désherbant si pas d'herbes indésirables"). Le glyphosate ("tue tout") n'a pas été utilisé depuis plus de 10 ans sur l'exploitation. Nous utilisons au maximum des molécules ciblées en fonction des plantes indésirables effectivement repérées.
- un passage de fongicide : valeur inférieure à 1 (il met moins que la dose préconisée sur la totalité des parcelles)

A titre de comparaison, l'IFT de la région Ile de France pour le blé est de 6.6. Cela signifie qu'un blé produit en Seine et Marne est traité au moins le double qu'un blé produit chez nous.

Cette page web est aussi très bien faite :
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Utiliser encore moins de produits impliquerait de :
- risquer une mauvaise implantation des récoltes. Le traitement au niveau des semences permet d'éviter que les graines ne soient mangées avant même la germination par les vers et autres êtres vivants sous terre.
- risquer un envahissement par les herbes. Le but est de récolter ce qui est semé et non pas de cultiver des plantes envahissantes. Un peu d'herbes n'est pas gênant mais trop, ce n'est pas possible. Il existe des techniques de travail de sol (herse, ...) qui peuvent limiter l'herbe mais ce n'est ni économiquement ni écologiquement rentable : un passage supplémentaire de tracteur est plus polluant vu le carburant utilisé et coûte plus cher qu'un produit bien choisi.
- risquer d'obtenir des grains non sains sanitairement et potentiellement dangereux. C'est le rôle du fongicide de ne pas entrainer l'apparition de champignons sur les grains.
 
* au niveau du carburant : impossible de faire mieux
C'est la dépense incompressible et contrainte par excellence. La remise de 30cts s'applique aussi au gazole non routier (GNR) utilisé par le matériel mais cela ne compense même pas l'augmentation du coût depuis 2 ans.
Et puis, les moteurs électriques pour des engins agricoles, ce n'est visiblement pas pour demain.

Sur notre exploitation, nous n'avons que du matériel adapté à la configuration : pas de tracteur surdimensionné mais pas adapté aux petites parcelles ou petites routes de notre zone par exemple.... Les outils sont rarement achetés neufs (trop cher) et les tracteurs restent en moyenne 15 ans sur l'exploitation.

* au niveau de l'entretien du matériel :
C'est un poste possible à réduire un peu mais faire un entretien régulier coûte toujours moins cher que de subir et payer des grosses pannes. Donc, on s'oblige à maintenir ce poste.


Mon mari revient de sa moisson de maïs. Je continuerais plus tard si cela vous intéresse toujours !
 
pipiou a dit:
Merci pour votre témoignage qui , je l'espère , apportera des éclaircissements aux adhérents de ce forum , plutôt citadins je pense , et pas forcément informé des difficultés des petites exploitations agricoles qui font pourtant le paysage français . En France , Europe ? , nous sommes très forts sur " les normes " . Sur quelle base les agriculteurs ont ils droit au chômage ou son équivalent ?
Les agriculteurs n'ont pas le droit au chômage car ils ne cotisent pas pour cela. Ils ont toutefois droit au RSA y compris au RSA activité en cas de faibles revenus.
 
* au niveau des assurances : difficile de faire mieux car déjà renégocié cette année et couverture non maximale

Il y a 3 catégories d'assurance :
- le contrat "général" qui couvre les biens (matériels, bâtiment) et la responsabilité civile professionnelle
Cela représente environ 5500€/an pour notre exploitation sans prendre en compte la partie "logement privé".
- le contrat "aléas climatiques" : environ 1000€/an uniquement pour le risque grêle.
Ce contrat "le plus petit" n'est pas subventionné par la PAC mais est le moins onéreux. Une meilleure couverture en terme d'aléas (tempête, sécheresse, inondations ...), même subventionné jusqu'à 60% par la PAC serait beaucoup plus cher tout en ayant des franchises plus élevées pour le risque grêle qui nous parait le plus important. Les montants de ces assurances sont liées à l'assolement de l'année.
- le contrat "main d’œuvre de remplacement" : environ 450€/an
Mon mari travaille seul sur l'exploitation. L'idée est de pouvoir accéder facilement à un remplaçant en cas de maladie ou d'accident via le service de remplacement avec un coût réduit.
Pour moi, il s'agit du prix de la tranquillité d'esprit : je serais incapable de m'occuper de l'exploitation si besoin.
La prise en charge n'est pas optimale vu le nombre de jours de carence applicable avant prise en charge quasi totale du coût du remplacement (15j si pas d'hospitalisation) mais c'est mieux que rien et donne déjà accès à d'autres prestations du service de remplacement.
Ce contrat me semble aussi plus important qu'un contrat d'indemnité journalière plus onéreux. Je suis partie du principe que, si le travail pouvait être fait au bon moment, le revenu suivrait.

* l'eau y compris l'irrigation : difficile de faire mieux
Le matériel d'irrigation est récent (3 ans) et de gros progrès ont été faits par rapport aux générations précédentes. Un passage d'appareil consomme environ 50% d'eau en moins qu'avant (avec le même volume d'eau, le double de surface est irrigué).
Nous avons une petite retenue collinaire (=un petit lac) sur l'exploitation qui nous permet d'irriguer une partie des parcelles et dont l'eau est aussi utilisée pour la plupart des matériels. Nous sommes aussi reliés à un réseau d'irrigation agricole.

Cette année, ce poste sera plus important que les années précédentes. Plus d'eau a été utilisée pour les 12 ha de cultures d'été (soja et maïs) mais, dans le but de ne pas laisser mourir les plantes pas pour obtenir un meilleur rendement. Le prix du m3 est déjà annoncé *2 par rapport à la moyenne des 3 années précédentes à cause de l'augmentation de la facture d'électricité de la pompe au niveau de la station de pompage du réseau. Les contrats professionnels ne sont pas concernés par le bouclier tarifaire.

* l'électricité
Les cultures, contrairement à la partie élevage, n'entrainent pas de grosses consommations sur ce poste.


Même si les prix de vente sont plus élevés cette année, les ventes ne couvrent pas les charges .....


Je vais maintenant exposer la partie "élevage".
 
Dernière modification:
Votre propos est tout à fait passionnant. Mais vraiment désolant à lire car on se rend compte que nombre de problèmes étaient sous-jacents avant même les crises que vous affrontez cette année. Dans des régions à la base plus fertiles comme les Hauts de France, le problème des coûts va croissant. Je retiens particulièrement la problématique du manque d'engrais organiques lié à la destruction du tissu d'éleveurs. Car en effet on voir de moins en moins de vaches dans les prairies car les éleveurs sont de moins en moins nombreux. Et je ne pense pas que les affreuses fermes de concentration soient une solution.
Votre démonstration montre également les limites de la culture dite "bio" dans un contexte climatique toujours plus instable et avec une population croissante aux besoins toujours plus nombreux... pour moins cher...
 
choice a dit:
Je retiens particulièrement la problématique du manque d'engrais organiques lié à la destruction du tissu d'éleveurs. Car en effet on voir de moins en moins de vaches dans les prairies car les éleveurs sont de moins en moins nombreux. Et je ne pense pas que les affreuses fermes de concentration soient une solution.
Votre démonstration montre également les limites de la culture dite "bio" dans un contexte climatique toujours plus instable et avec une population croissante aux besoins toujours plus nombreux... pour moins cher...
Concernant les engrais organiques, il y a aussi la problématique que "tout n'est pas récupérable".
Dès que les animaux sont en plein air, c'est la parcelle où ils se trouvent qui profite de l'engrais naturel.
Pour pouvoir répandre sur d'autres parcelles, cela suppose d'avoir des élevages en bâtiment.
Les quelques éleveurs qui restent dans mon secteur ne disposent même pas de suffisamment de fumier pour leur terres.

Les boues des stations d'épuration sont aussi souvent citées pour une utilisation en engrais. Le problème est ici que ces boues sont souvent très polluées (micro-plastiques, molécules de médicaments....) en plus d'être peu nombreuses en zone rurale où se situent les exploitations.

Et le pompom, c'est aussi qu'utiliser des engrais organiques, c'est se mettre à dos beaucoup de riverains des parcelles. Parce que oui, lorsqu'on épand du fumier, ça pue !
 
@xaramelaz,

Très beaux messages, très bien écrits, passionnants à lire et plein de tranches de vie du monde agricole !
J'ai adoré ! Bravo à vous pour ces exercices de vulgarisation et d'information.

Un point notable que j'ai remarqué : votre décision d'avoir pris une assurance calamités agricoles. Même si elle ne couvre qu'un périmètre minimal, c'est un signe de bonne gestion anticipative, en outre d'assurer une certaine sérénité partielle.
 
Au niveau de la partie élevage, notre exploitation se compose d'un petit atelier de volailles fermières :
- achat d'un lot de 250 poussins et 60 pintades démarrés (4-5 semaines) par mois
- un lot de 80 chapons et de 30 oies pour les repas de fin d'année
- une centaine de poules pondeuses
- élevage avec le blé et le maïs produit sur l'exploitation
- abattage sur l'exploitation tous les vendredis matins (environ 80 volailles)
- vente directe sur le marché hebdomadaire de la petite ville voisine le samedi ou retrait à la ferme

Le volume actuel est lié à la capacité de travail possible pour mon mari au niveau de l'abattage.
S'il voulait produire un peu plus, il lui faudrait embaucher un ouvrier. Pour payer cet ouvrier, il lui faudrait faire beaucoup plus de volume.

Le chiffre d'affaires est en moyenne de 1100€/semaine et 5000€ en fin d'année.

Les principales charges liées à cet élevage sont :
- l'achat des animaux aux accouveurs
- l'alimentation et les compléments alimentaires
- les frais vétérinaires
- les analyses obligatoires
- l'eau
- l'électricité
- les produits d'entretien pour la salle d'abattage
- les droits de place au marché


Pourrait-on diminuer ces charges ?
* au niveau des animaux "petits" : NON
Un poussin âgé de 4-5 semaines, de souche fermière, coûte environ 2€80/pièce. Ce prix n'est pas négociable vu le volume et a augmenté d'environ 25% sur la dernière année. Il est même très difficile de s'approvisionner du fait de la dernière crise sanitaire liée à la grippe aviaire. Le taux de mortalité moyen sur notre exploitation est compris entre 2 et 3%. C'est un taux faible.
Un chapon, âgé de 3 semaines, coûte 15€/pièce. Ce coût a augmenté de 35% sur les 2 dernières années.
Un oison coûte 11€/pièce. Je ne sais plus le prix des petites pintades.

* au niveau de l'alimentation : NON
Les céréales fermières (blé et maïs) couvrent 90% de l'alimentation des volailles.
Les achats alimentaires pour les volailles comprennent :
- des compléments alimentaires (notamment des vitamines) pour les poulets et pintades. Ce complément est obligatoire sous peine d'avoir des carences et beaucoup plus de mortalité.
Il ne s'agit pas du tout de médicaments ou de substances dédiées à augmenter la croissance.
- le lait donné à partir de début décembre pour les chapons

Le coût de ce complément est passé de 65€/semaine en juin 2020 à 115€/semaine en ce moment.

Le blé et le maïs ne sont pas "gratuits" pour nous puisqu'ils seraient vendus s'ils n'étaient pas consommés sur place.

* au niveau des frais vétérinaires : NON déjà au mininum
Aucun médicament n'est donné en prévention aux volailles. Pour certains lots, il peut y avoir un problème d'adaptation lors de leur arrivée nécessitant un traitement pendant 4 jours. C'est difficile pour les poussins de passer d'un environnement chauffé chez un accouveur à un bâtiment non chauffé.
Sur les 3 dernières années, ce traitement a été fait sur 3 lots ce qui représente un coût total de 75€.
 
Nature a dit:
@xaramelaz,

Très beaux messages, très bien écrits, passionnants à lire et plein de tranches de vie du monde agricole !
J'ai adoré ! Bravo à vous pour ces exercices de vulgarisation et d'information.

Un point notable que j'ai remarqué : votre décision d'avoir pris une assurance calamités agricoles. Même si elle ne couvre qu'un périmètre minimal, c'est un signe de bonne gestion anticipative, en outre d'assurer une certaine sérénité partielle.
Merci pour ce retour. Cela me fait plaisir.

L'idée est vraiment de pouvoir s'assurer sur les gros coups durs (avoir de quoi repartir l'année suivante en cas de gros sinistres) et d'être en mesure que le travail puisse être fait.
 
* au niveau des analyses obligatoires : NON car il s'agit d'obligations réglementaires
Pour notre élevage, il y a principalement 2 types d'analyses :
- l'une au niveau de l'élevage pour la détection des salmonelles. Mon mari se promène avec des surchaussettes dans les bâtiments et les parcages et ces surchaussettes sont ensuite analysées en laboratoire.
En élevage non intensif et en plein air, le risque de salmonelle est réel mais minime. Aucune des analyses ne s'est révélée positive. Ces analyses sont normalement obligatoires toutes les 6 semaines. Nous sommes déjà hors la loi car nous en réalisons 4/an.
Le coût de chacune est d'envrion 45€ (soit le prix de vente de 3 poulets).

- l'une au niveau de la salle d'abattage
L'idée est de détecter également les salmonelles mais aussi une bactérie dont je ne sais plus le nom.
Pour une exploitation comme la nôtre où toutes les volailles élevées sont abattues sur place et que la salle d'abattage est dédiée aux volailles de l'exploitation, cette analyse concernant les salmonelles revient à mettre une ceinture à un pantalon déjà maintenu par une ceinture. Si les volailles n'ont pas de salmonelles vivantes et que la salle d'abattage est propre, elles ne peuvent pas en avoir morte.
Concernant la recherche de bactérie sur les peaux de cou des volailles abattues, c'est une obligation assez récente.
Pour le moment, la plus grosse difficulté est de trouver le laboratoire qui effectue ce type d'analyses.

Cela représente un coût d'environ 950€/an. Pour moi, ces analyses ne servent à rien. Les volailles que nous abattons sont souvent déjà toutes mangées lorsque les résultats d'analyse arrivent. En cas de problèmes, nous ne pourrions absolument rien faire.

* au niveau de l'eau : NON
Nous utilisons l'eau du réseau potable pour l'alimentation des volailles. Utiliser l'eau du lac ou de l'eau de pluie récupérée serait possible mais entrainerait des contraintes non rentables (faire analyser l'eau très régulièrement, mettre des filtres sur les distributeurs pour éviter que des particules les bouchent ....).

* au niveau de l'électricité : pas d'économie possible et poste en forte augmentation en ce moment (+55% depuis 2 ans et hausse attendue prochainement)
Le bâtiment d'élevage est rarement éclairé (uniquement lors de l'alimentation des volailles quand il fait nuiit tard le matin ou tôt le soir) et il n'est pas chauffé.
Les dépenses d'électricité sont principalement liées à la préparation de l'alimentation, au fonctionnement de la chambre froide et à la clôture électrique des parcages.

Le blé et le maïs sont concassés et mélangés dans un moulin avant d'être donné à manger aux volailles. Il s'agit d'un matériel énergivore mais indispensable. On a beau le faire tourner en créneau "heures creuses" mais le coût devient de plus en plus important.

La chambre froide pour le stockage des volailles prêtes à la vente est aussi un équipement indispensable. Le moteur et l'habillage ont été remplacés il y a environ 5 ans. On est donc sur un équipement performant au niveau énergétique mais également gourmand.

La clôture électrique au niveau des parcages est aussi indispensable. Elle protège des attaques de renard.
Elle est aussi en bon état et mon mari s'assure qu'il n'y ait pas de perte d'électricité (pas de végétation sur les fils, remplacement au plus tôt des fils abimés....).
 
* au niveau des produits d'entretien pour la salle d'abattage et de la chambre froide : NON - 30% d'augmentation en 2 ans
Ce poste est pour moi incompressible. Il n'est pas question d'utiliser moins de produits ou des produits non efficaces. Ici, on parle d'hygiène alimentaire et il est hors de question de rogner sur ce point.

* au niveau des produits d'emballage : difficile - 25% d'augmentation en 2 ans
Ce poste concerne les sacs d'emballage en plastique dans lesquels nous mettons les volailles abattues (type sac de congélation) et les étiquettes avec le poids et le prix.
Nous n'avons pas d'autres alternatives moins onéreuses. Le papier serait plus cher et nécessiterait aussi un suremballage hermétique ....

* au niveau des droits de place au marché : NON
Le droit de place au marché est de 6€/semaine. C'est stable depuis 3 ans et ne représente pas un poste important.


Pourrait-on augmenter le chiffre d'affaires ?
* en augmentant la production : OUI mais piste écartée
Comme écrit plus haut, produire plus nécessiterait d'embaucher un ouvrier au moins à temps partiel. De fait, il faudrait produire beaucoup plus pour le rentabiliser et le produit final ne serait forcément pas de la même qualité.
Au niveau de la commercialisation, il faudrait également rechercher et entretenir de nouveaux débouchés. Ce n'est plus le métier d'éleveur !

* en augmentant le prix de vente : OUI mais augmentation des charges impossible à amortir en totalité
Nous venons de le faire récemment mais, si toutes les nouvelles charges étaient répercutées, le prix ne me semblerait plus décent.
Il nous est inimaginable de vendre notre produit à un prix auquel nous le l'achèterions pas nous-mêmes.

Nous avions étudié la question d'une labellisation BIO il y a 5 ans.
Passer en bio ne changerait pas beaucoup notre façon de travailler et le produit fini serait de même qualité mais :
- il nous aurait impossible d'utiliser nos céréales pour alimenter nos volailles pendant la durée de la phase de transition
- le coût de la labellisation représentait environ 2500€ pour "rien de plus" à part nous obliger d'augmenter les prix pour la rentabiliser.
Au niveau bâtiment ou parcage, aucun aménagement n'était nécessaire puisqu'en terme de densité, nous pourrions mettre 10 fois plus d'animaux tout en respectant la norme.
 
Merci pour ce témoignage et toutes ces informations; ceci est très riche et demande du temps pour comprendre et analyser, mais je retiens que grosso modo
xaramelaz a dit:
L'agriculteur ne choisit pas ses prix de vente.
et il est sujet à de nombreuses obligations et contraintes de production;

il n'est donc ni plus ni moins qu'un ouvrier/employé sous rémunéré ; en aucun cas un chef d'entreprise, alors que juridiquement on lui demande l'être.... on a donc inventé l'ubérisation avant l'heure; (des indépendants, n'ayant d'indépendants que les contraintes...)

c'est vraiment dommage pour ces personnes qui aiment leur métier, qui malheureusement est dépecé;
 
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