PepeR
Contributeur régulier
Ce que je lis dans les témoignages m'inquiète beaucoup.
Je ne lis que des éléments personnels de sobriété heureuse, de baisse d'un chaffuage auparavant excessif, de circuit court pour de savoureuses tomates, de voitures gardées un peu plus longtemps. Et des pouvoirs publics qui se veulent rassurants, puisqu'il suffit de couper le WiFi avant de partir au bureau pour réduire la facture.
Ce serait avoir la mémoire courte que de refuser de considérer que la sobriété est souvent de la pauvreté, et que la pauvreté conduit à la misère. LA crise, celle dont on se souvient, va avoir 50 ans.
Petit témoignage personnel. Mes parents sont des boomers qui ont travaillé à l'usine. A l'époque où il y en avait encore. La promesse d'ascension sociale, le courage personne, "Les Glycines" de Serge Lama, l'insouciance des films des Charlot. Les heures supp n'existaient pas, et on se mobilisait pour la retraite à 60 ans et les 39 heures. Des chiffres si précis qu'ils semblent absurdes de nos jours pour un jeune cadre métropolitain.
Ils ont fait bâtir en 1980. A l'époque, peu de normes d'assainissement, d'isolation, de densité de construction.
Puis l'usine a fermé en 1984. Donc pas de boulot dans le coin, et une maison à terminer.
Cette maison n'a jamais été terminée, ma mère n'a jamais retrouvé autre chose que des extras en restauration, mon père traînait au bistrot, la ville était une friche. Le RMI était un avenir.
Alors, effectivement, des solutions frugales ont été trouvées. Couper le chauffage électrique, se chauffer au bois de récupération, allumer une seule lumière dans la maison, cultiver son jardin en bio, pratique le freeganisme (dans les bennes des supermarchés), récupérer les fringues des voisins, se déplacer en vélo.
J'ai sans doute eu une enfance assez compatible avec le rêve de frugalité qui se répend actuellement, et qui est rationnellement souhaitable (Cf Jancovici). Mais je n'envie à personne cette mise à l'écart du pauvre, du collègien qui n'a jamais été au cinéma, qui n'a jamais écouté de musique, qui passe ses soirées à un mètre de la cheminée, qui se glisse sous les cinq couvertures d'un lit glaciale, qui n'invitait personne, qui ne pourra pas aller à la première boom parce que sans mobylette. Et qui se traduit dans la cour du collèges par, oui, de la mise à l'écart.
Ce témoignage personnel concerne certainement beaucoup d'entre nous.
C'est bien une crise qui vient, le type de crise qui marque les personnes, les familles et les territoires. Denain, Bobigny ou Jaligny-sur-Bresbe ne sont pas Le Lavandou, Neuilly ou Saint-Martin de Ré.
J'ai mis en location un modeste deux-pièces de banlieue parisienne. Des dizaines de candidatures par jour. Des cautions allucinantes dont la moyenne doit tourner autour de quatre smics. Des gens qui se valorisent par rapport à leur position professionnelle officielle observée en ligne. Une surreprésentation de patronymes arabes (l'arabe est une langue et un substantif forme un prénom), signe de discrimination évidente par ailleurs. Un chercheur en Sorbonne à 1600€ par mois qui cherche à loger sa famille de quatre personnes.
Si la frugalité est une nécessité, elle implique une évidente justice sociale pour les biens élémentaires (se loger, se chauffer, se nourrir) et pour la vie sociale (être intégré dans un groupe, se projeter dans l'avenir, être confiant dans la société).
Les prix délirants de l'immobilier, alimentés par une épargne allant dans le sens de la frugalité, et la nécessité de l'automobile sont des enjeux majeurs pour dissocier frugalité nécessaire et misère menaçante.
Les petites bricoles individuelles ont leur rôle dans la réponse à l'inflation mais ne dispensent pas d'un regard plus large.
Je ne lis que des éléments personnels de sobriété heureuse, de baisse d'un chaffuage auparavant excessif, de circuit court pour de savoureuses tomates, de voitures gardées un peu plus longtemps. Et des pouvoirs publics qui se veulent rassurants, puisqu'il suffit de couper le WiFi avant de partir au bureau pour réduire la facture.
Ce serait avoir la mémoire courte que de refuser de considérer que la sobriété est souvent de la pauvreté, et que la pauvreté conduit à la misère. LA crise, celle dont on se souvient, va avoir 50 ans.
Petit témoignage personnel. Mes parents sont des boomers qui ont travaillé à l'usine. A l'époque où il y en avait encore. La promesse d'ascension sociale, le courage personne, "Les Glycines" de Serge Lama, l'insouciance des films des Charlot. Les heures supp n'existaient pas, et on se mobilisait pour la retraite à 60 ans et les 39 heures. Des chiffres si précis qu'ils semblent absurdes de nos jours pour un jeune cadre métropolitain.
Ils ont fait bâtir en 1980. A l'époque, peu de normes d'assainissement, d'isolation, de densité de construction.
Puis l'usine a fermé en 1984. Donc pas de boulot dans le coin, et une maison à terminer.
Cette maison n'a jamais été terminée, ma mère n'a jamais retrouvé autre chose que des extras en restauration, mon père traînait au bistrot, la ville était une friche. Le RMI était un avenir.
Alors, effectivement, des solutions frugales ont été trouvées. Couper le chauffage électrique, se chauffer au bois de récupération, allumer une seule lumière dans la maison, cultiver son jardin en bio, pratique le freeganisme (dans les bennes des supermarchés), récupérer les fringues des voisins, se déplacer en vélo.
J'ai sans doute eu une enfance assez compatible avec le rêve de frugalité qui se répend actuellement, et qui est rationnellement souhaitable (Cf Jancovici). Mais je n'envie à personne cette mise à l'écart du pauvre, du collègien qui n'a jamais été au cinéma, qui n'a jamais écouté de musique, qui passe ses soirées à un mètre de la cheminée, qui se glisse sous les cinq couvertures d'un lit glaciale, qui n'invitait personne, qui ne pourra pas aller à la première boom parce que sans mobylette. Et qui se traduit dans la cour du collèges par, oui, de la mise à l'écart.
Ce témoignage personnel concerne certainement beaucoup d'entre nous.
C'est bien une crise qui vient, le type de crise qui marque les personnes, les familles et les territoires. Denain, Bobigny ou Jaligny-sur-Bresbe ne sont pas Le Lavandou, Neuilly ou Saint-Martin de Ré.
J'ai mis en location un modeste deux-pièces de banlieue parisienne. Des dizaines de candidatures par jour. Des cautions allucinantes dont la moyenne doit tourner autour de quatre smics. Des gens qui se valorisent par rapport à leur position professionnelle officielle observée en ligne. Une surreprésentation de patronymes arabes (l'arabe est une langue et un substantif forme un prénom), signe de discrimination évidente par ailleurs. Un chercheur en Sorbonne à 1600€ par mois qui cherche à loger sa famille de quatre personnes.
Si la frugalité est une nécessité, elle implique une évidente justice sociale pour les biens élémentaires (se loger, se chauffer, se nourrir) et pour la vie sociale (être intégré dans un groupe, se projeter dans l'avenir, être confiant dans la société).
Les prix délirants de l'immobilier, alimentés par une épargne allant dans le sens de la frugalité, et la nécessité de l'automobile sont des enjeux majeurs pour dissocier frugalité nécessaire et misère menaçante.
Les petites bricoles individuelles ont leur rôle dans la réponse à l'inflation mais ne dispensent pas d'un regard plus large.