L'assurance vie a connu une belle année 2023 et 2024 devrait globalement s'inscrire dans la continuité. L'an passé, le rendement moyen des fonds en euros, support star avec garantie en capital, a atteint 2,6%. Certains contrats ont même rapporté plus que le Livret A, actuellement gelé à 3% (jusqu'au 31 janvier prochain). Parmi eux, on compte notamment La France Mutualiste (3,70%), Garance (3,50%) ou encore BoursoBank (3,10%)... Du côté des contrats d'assurance vie bancaires, on note un nette amélioration des performances voire des rebonds spectaculaires comme chez BNP Paribas qui sert un taux à 3% (pouvant même aller jusqu'à 5% selon la part d'investissement en unités de compte) pour son contrat Multiplacements 2 ou encore la banque SG qui affiche un taux à 2,85% pour son assurance vie Sequoia. Mais malgré les rendements alléchants, certains frais peuvent peser durablement sur votre épargne. C'est le cas notamment des frais sur versements, aussi appelés frais d'entrée.
Frais de l'assurance vie : quels sont les coûts à prévoir ?
Plafonnés à 5% dans le Code des assurances, ils servent notamment à rémunérer le distributeur du contrat (la banque, le courtier, etc.). Ponctionnés à chacun de vos versements, ces frais viennent rogner directement la rentabilité de votre contrat. MoneyVox a estimé la moyenne des frais sur versement perçus sur les 100 plus gros contrats d'assurance vie en France (données 2023 de la Tribune de l'assurance). Selon nos calculs, plus de 2,9 milliards d'euros sont facturés au titre des frais d'entrée chaque année ! Près de 3 milliards d'euros qui ne génèreront jamais d'intérêts pour les épargnants... et qui vont directement dans la poche des assureurs, banquiers ou conseillers en gestion de patrimoine.
Des frais négociables
Et encore, ce chiffre prend en compte la part de l'éventuelle (et trop rare) négociation. Dans leur notice d'information ou encore leur tableau récapitulatif des frais accessible depuis l'été 2022, les 100 plus gros contrats d'assurance vie prévoient, en moyenne, un maximum de 3,08% de frais sur versement. Et certains assureurs flirtent même encore avec le plafond réglementaire de 5% !
Les distributeurs n'appliquent pas systématiquement la limite en prévoyant une certaine marge de négociation. Mais d'une part, il faut réclamer une baisse de ces frais, ce qui est très loin d'être un réflexe pour les clients bancaires, et d'autre part la négociation ramène rarement ces frais à zéro... En clair, autant la négociation est réelle pour les assurances vie de banque privée ou commercialisées par un conseiller en gestion de patrimoine, autant la négociation est quasi inexistante pour les contrats bancaires et grand public.
Selon nos informations, banques et assureurs imposent souvent deux pré requis avant d'accepter une quelconque baisse de ces frais d'entrée : des versements conséquents et un investissement en partie orienté vers des unités de compte (UC), qui contrairement aux fonds en euros n'offrent aucune garantie en capital.
Les contrats bancaires « grand public » : les plus hauts frais d'entrée pour des performances plus faibles
En 2018, le constat était alarmant : le poids des frais sur versement était inversement proportionnel à la performance des fonds en euros. Les contrats d'assurance vie grand public sont les plus « chargés » en frais sur versement alors que les performances de leurs fonds en euros sont pourtant les plus faibles.
Double bonne nouvelle : le montant de ces frais a été globalement revu à la baisse depuis... et les performances à la hausse. Ainsi, selon nos calculs, les frais d'entrée pour cette catégorie de contrat s'élèvent en moyenne à 2,50% (contre 2,81% en 2018). En parallèle, selon les chiffres du cabinet Facts & Figures, les fonds en euros de ces mêmes contrats « grand public » ont rapporté en moyenne 2,50% en 2023 (contre 1,56% en 2018).
À titre d'exemple, alors que le contrat Multiplacements 2 (BNP Paribas) facturait, selon nos estimations, 4,25% de frais d'entrée en 2018 (pour une performance à 1,56% de son fonds en euros), ces frais d'entrée s'élèvent aujourd'hui à 2,75% pour ce contrat qui a rapporté 3% en 2023. Du mieux, même si ces frais vous sabrent encore, d'entrée, le rendement d'une année entière ! Même tendance au Crédit Mutuel, le contrat Plan Assurance Vie applique désormais des frais sur versements à 1% contre 3,15% en 2018 pour une performance de base de son fonds en euros à 2,60% pour l'année écoulée (contre 1,56% en 2018).
Certaines banques choisissent encore d'abaisser les frais d'entrée de leurs contrats plus récents au détriment des plus anciens. C'est le cas notamment du contrat Predissime 9 du Crédit Agricole, remplacé par Predissime 9 Série 2. Alors que la première version applique encore 4,50% de frais sur versements, pour sa version plus récente le Crédit Agricole facture seulement 3%.
Si ces contrats d'assurance vie « grand public » ne sont pas ceux qui engrangent le plus de versements (1 350 euros de collecte annuelle moyenne selon Facts & Figures), ils constituent tout de même la très grande majorité de « l'épargne vie ». Ce seul segment de l'assurance vie permet ainsi aux banques et assureurs de collecter 1,4 milliards d'euros au titre des frais sur versements.
« Au-dessus de 10 000 euros, les frais d'entrée sont négociables avec les conseillers »
Négocier ses frais d'entrée est tout à fait possible sur son contrat dit « grand public », à condition de le savoir. Chez Garance, si aucun montant précis n'est détaillé dans les conditions générales ou le tableau synthétique des frais, les frais d'entrée sont négociables à partir d'un certain montant. « Au-dessus de 10 000 euros, les frais d'entrée sont négociables avec les conseillers » explique Guillaume Derrien, responsable des investissements au sein de la mutuelle Garance.
Cette logique du « plus tu verses, moins tu paies » se confirme du côté de la banque SG : elle applique 3% de frais pour les versements entre 50 euros et 15 239 euros et 2,50% au-delà de 15 240 euros.
Les banques ne sont pas les seules à tenter d'afficher de la bonne volonté sur leurs frais d'entrée. Certains y vont plus franchement. La France Mutualiste, assureur historique des militaires et désormais membre du groupe Malakoff Humanis, a ainsi fait le choix en septembre 2023 de supprimer cette ligne tarifaire.
Combien payez-vous ? Pour quel rendement ?
Du côté des contrats patrimoniaux, le rendement moyen s'élève à 2,93% (selon les chiffres du cabinet Facts & Figures) et les frais sur versements à 2,33%.
Côté banque privée, le cabinet estime le rendement moyen à 3,06%. Selon nos calculs, les frais d'entrée s'élèvent quant à eux à 1,78% en moyenne.
Pourquoi un tel écart par rapport aux contrats grand public (2,50% de frais moyens et 2,50% de performance) ? Si les frais maximums indiqués sont peu ou prou les mêmes, c'est bien la marge de négociation qui fait ici la différence.
Le cabinet Facts & Figures a estimé que le montant moyen annuel de versement pour ces deux catégories de contrat s'élève à respectivement à 5 900 euros et 23 500 euros. Vous l'aurez compris, plus les montants sont importants, plus la marge de négociation est élevée.
Les frais sur versement rognent la rentabilité
L'assurance vie cache un millefeuille de frais. Mais dans ce touffu millefeuille, les frais d'entrée sont les plus pénalisants, car ils impactent directement l'épargnant et la rentabilité de son contrat d'assurance vie. Pourquoi ? A la différence des frais de gestion, ponctionnés chaque année au fil de l'eau, les frais sur versement viennent réduire immédiatement votre épargne, avant même qu'elle ne vous rapporte quoi que ce soit !
Un exemple évocateur. La mutuelle Garance a servi l'un des meilleurs taux sur son fonds en euros : 3,50% nets de frais de gestion. Au sommet des palmarès. Pourtant, en plaçant 1 000 euros sur ce contrat, l'épargnant gagne 34,65 euros d'intérêts et non 35 euros au titre de l'année 2023. En effet, une fois les frais sur versements de 1% déduits, seuls 990 euros sur 1 000 produisent des intérêts.
A contrario, les banques en ligne ou courtiers web ne facturent pas de frais d'entrée : c'est la spécificité historique de l'assurance vie en ligne ! C'est le cas notamment de BoursoBank et son assurance vie Bourso vie. Avec une performance de 3,10% pour son fonds Euro Exclusif, accessible sans aucune contrainte sur Bourso Vie, et sans frais sur versements, la banque en ligne a servi l'un des meilleurs rendements de l'année écoulée.
La méthodologie de notre étude sur les frais sur versements
Cette étude a été réalisée sur la base des 100 contrats d'assurance vie ayant collecté le plus en 2023, recensés par La Tribune de l'Assurance. Pour le calcul des frais réellement appliqués, MoneyVox a estimé que la marge de négociation des contrats grand public étant faible, les montants retenus sont les montants maximums précisés par les distributeurs. Pour la catégorie des contrats « patrimoniaux » et « banque privée », les frais maximums ont été réduits d'un tiers. Les versements y sont plus conséquents et la marge de négociation plus élevée. Pour les contrats intermédiés, les frais ont été réduits de moitié. Cette méthodologie, identique à celle utilisée pour notre précédente étude de 2019, est à retrouver ici.