L'essentiel

  • La réforme des retraites a reconnu les trimestres passés en TUC comme des périodes assimilées à du travail, mais pas « réputées cotisées », ce qui ferme la porte aux départs anticipés pour les carrières longues.
  • L'association TUC, les oubliés conteste cette exclusion et a saisi le Conseil d'État.
  • Le Conseil d'État a confirmé le refus du gouvernement mais l'association affirme poursuivre sa lutte pour obtenir la reconnaissance des droits des anciens TUC.

Pourquoi les anciens « TUC » sont mécontents de la réforme des retraites

En 2023, la réforme des retraites a permis aux anciens TUC (travaux d'utilité collective) de comptabiliser les trimestres passés sous ce statut pour atteindre le seuil fatidique des 172 trimestres, qui ouvre les droits à la retraite. Sur ce point, la réforme validait donc ces anciens contrats aidés comme une période travaillée : leurs trimestres comptent désormais pour atteindre le taux plein.

Dans les décrets d'application de la réforme, le gouvernement avait en revanche refusé de comptabiliser les trimestres de TUC pour le dispositif carrières longues (ces trimestres ne sont pas « réputés cotisés », ce qui aurait permis un départ anticipé pour carrière longue).

Le dispositif carrière longue permet de partir avant l'âge légal, repoussé progressivement de 62 à 64 ans depuis la réforme de 2023, si l'on a commencé à travailler avant 16, 18, 20 ou 21 ans. « On attend pendant 40 ans que les TUC soient enfin reconnus comme du travail... et on ne nous donne que la moitié ! », avait réagi en 2023 Yves Coussement, trésorier de l'association « TUC, les oubliés », dans un entretien à MoneyVox.

INTERVIEW. Trimestres TUC : « Ils ont oublié les carrières longues ! »

Manquement dans « l'équité des droits » à la retraite

D'un combat politique au combat judiciaire

Dans un premier temps, cette association a tenté de négocier au niveau politique. La menace était connue : saisir le Conseil d'État. Après avoir sollicité le Premier ministre début 2024, en l'invitant à corriger ce manquement dans « l'équité des droits » à la retraite, l'association a considéré l'absence de réponse comme un « refus » selon l'avocat de l'association, Me Jérôme Rousseau.

L'association considère aussi que le fait de refuser aux TUC l'accès à la carrière longue est contraire à l'esprit même de la réforme, puisque celle-ci portait la reconnaissance de ces trimestres comme des périodes travaillées (les trimestres sont « assimilés »). Ils ont alors enclenché la saisine du Conseil d'État à l'été 2024.

« Les gens ont surtout envie de partir plus tôt »

Marie-Claire Stahl, présidente de l'association « TUC les oubliés de la retraite », expliquait alors à MoneyVox que le combat de l'association ne visait pas un recalcul de leurs droits, mais avant tout de pouvoir s'approcher au plus vite de leur âge de départ à la retraite : « Les gens ont surtout envie de partir plus tôt. »

Requête rejetée en Conseil d'État

C'est cette démarche en Conseil d'Etat qui a échoué. Dans une décision rendue cette semaine, consultée par MoneyVox, le Conseil d'Etat a confirmé que le gouvernement n'était pas tenu d'accorder le bénéfice des « carrières longues » aux anciens titulaires de TUC. « Il ne ressort pas des pièces du dossier (...) que le Premier ministre, qui disposait d'une marge d'appréciation conférée par le législateur (...), ait commis une erreur manifeste d'appréciation », a estimé notamment la juridiction administrative dans sa décision.

« Bien que cette décision soit une déception pour nous toutes et tous, elle ne marque pas la fin de notre combat », écrit le bureau de l'association représentant les ex-TUC dans un message à ses adhérents : « Au contraire, elle renforce notre détermination à continuer à défendre la justice sociale et les droits des oubliés de la retraite. » L'association affirme étudier « attentivement les suites possibles ».

Les TUC, c'était quoi ?

Créés par le gouvernement Fabius en 1984 à destination des jeunes de 16-21 ans sans activité ni formation ou des 22-25 ans inscrits à l'ANPE, l'ancêtre de France Travail, les TUC sont emblématiques des efforts pour endiguer la flambée du chômage des années 1980. Les « tucistes » se voyaient proposer des missions de quelques mois dans des services publics ou associations, voire dans des structures privées dans le cas de contrats semblables. Le système a suscité son lot de dérives côté employeurs.

Quant à l'Etat, il a économisé sur les cotisations retraite en considérant les jeunes comme des stagiaires de la formation professionnelle, alors que la plupart des personnes concernées n'ont pas reçu de formation.

Selon l'association « TUC, les oubliés de la retraite », il y aurait au moins 1,5 million d'anciens bénéficiaires de TUC ou autres contrats semblables (SIVP, stages d'insertion dans la vie professionnelle ou stages jeunes volontaires).

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