MAJ octobre 2023 : Noir c'est noir. (1/2)
Oui, je sais, le CR est long ce mois-ci....
Désolé : Si vous êtes analphabète ou matheux, vous pouvez aller directement en fin du post 2.
Si vous vous intéressez à l'économie, alors vous pouvez lire tout ce qui suit.
"Noir c'est noir", un titre d'une chanson bien connue de Johnny que j'ai envie d'appliquer à la bourse en ce début d'automne.
J'ai la désagréable impression de revivre l'année 2018 avec un CAC40 qui avait progressé de 8% au S1, avant de plonger de 16% au S2.
2023, le CAC 40 a gagné 13% au S1, et stagne depuis en perdant 8% sur ses plus hauts du S1. D'où mon sentiment de "Noir c'est noir".
L'indice reste positif en YTD, mais la trêve des confiseurs en encore loin
La raison de la baisse est connue :
A l'optimisme des investisseurs qui anticipaient la fin du cycle de hausse des taux (sous-entendant que la baisse des taux allait s'enclencher dans la foulée), les banques centrales sont venues doucher ce bel optimisme en laissant planer l'idée que la hausse des taux n'était peut-être pas terminée (même si on en est proche), et que, surtout, la hausse laisserait place à une période peut-être assez longue de taux élevés avant d'entamer un cycle de baisse des taux.
Évidemment,
dans une telle situation, les investisseurs ont vu rouge sur les actions.
Pourquoi prendre des risques quand le marché obligataire rapporte sur 10 ans, de 3% en France à presque 5% aux États-Unis. Un niveau jamais vu depuis 17 ans.
Les gros investisseurs qui recherchent en permanence la meilleure rentabilité possible n'y vont jamais par quatre chemins pour modifier leur allocation d'actifs.
Pour les États-Unis,
l'évolution des flux financiers depuis le début d'année est sans appel, comme le montre ce graphique :
Mais il y a encore pire, et là, je deviens plus noir que noir :
Ce serait de revivre 1987.
Rappelons ce qui s'est passé à cette époque :
Les taux d'intérêt à long terme américains montent depuis un moment, alors que le marché des actions continue de progresser sans se soucier de ce qui se passe sur l'obligataire. Ce qui peut s'apparenter à la formation d'une bulle spéculative sur le marché des actions.
Après quatre à cinq années de hausse quasi ininterrompue des actions, le 19 octobre 1987, la hausse des taux à 10 ans sur l'année atteint brièvement 400 points de base et provoque finalement le krach le plus spectaculaire jamais enregistré en une journée sur un marché d'actions. Le S&P 500 plonge de 20,5% dans la journée et le DJ de 22,5% (seulement -11,3% pour le Nasdaq).
Le CAC 40 perdra 25% au cours du mois d'octobre 1987.
2 causes à ce krach sont avancées :
- Un changement brutal d’attitude des investisseurs sur les marchés financiers, sans lien avec des éléments fondamentaux particuliers.
- Les systèmes de trading automatiques qui se sont mis à vendre massivement des titres qui étaient en train de chuter, afin de limiter l'impact sur leurs propres portefeuilles.
Un effet boule de neige catastrophique pour les marchés financiers.
Une bonne nouvelle, quand même :
Les algorithmes ont été corrigés et des fusibles ont été installés sur les places financières afin de déconnecter les marchés quand la baisse est trop rapide.
Autre bonne nouvelle : 2 ans après le krach, le Dow Jones avait effacé ses pertes.
En ce mois d'octobre 2023, reconnaissons que les marchés ont une certaine ressemblance avec 1987.
Les marchés actions sont à des niveaux élevés et les banques centrales ont relevé les taux directeurs avec une force encore jamais vue, entrainant les taux obligataires à des niveaux les plus élevés depuis plus de 15 ans.
L'incertitude quant à notre position dans le cycle économique est si élevée qu'il est impossible d'anticiper le futur proche.
L'idée d'un atterrissage en douceur qui a prévalu au S1 2023, favorisant les marchés actions, laisse place à un doute sur ce scénario.
A contrario, tout signe qu'une récession va arriver aurait certainement un effet dévastateur sur les actions, à l'image de ce qui s'est passé en 1987.
Noir c'est noir, je vous avais prévenus.
Les PMI, que nous disent-ils ?
Si la croissance mondiale se montre étonnamment résiliente (pour le moment), la contrainte monétaire se fait progressivement sentir sur l'économie, comme le montre la détérioration des indicateurs avancés de l’activité que sont les PMI.
Petit rappel :
Une enquête menée chaque mois auprès des directeurs d’achat des grandes entreprises mondiales permet d'établir un niveau de confiance qui sera exprimé en pourcentage.
L’indice PMI a pour avantage de donner une vision rapide de la situation économique d’un secteur d’activité ou d’un pays.
Un PMI supérieur à 50% signifie que les directeurs d’achat sont confiants et anticipent une expansion économique.
Un PMI inférieur à 50% signifie que les directeurs d’achat s’attendent à une contraction de l'économie.
L'indice PMI composite est un indicateur économique qui combine les données des indices PMI manufacturier et des services pour fournir une vision plus complète et globale de l'activité économique.
Les derniers indicateurs avancés indiquent que le tassement se poursuit en zone euro (plus bas niveau depuis près de 3 ans), aussi bien dans le secteur manufacturier que dans les services.
Ces derniers marquent désormais un fléchissement après avoir longtemps supporté la conjoncture. L’écart entre l’Europe et les États-Unis se creuse. Toutefois, la résilience de la conjoncture américaine pourrait être rapidement (dès le quatrième trimestre) mise au défi de la fin des subsides Covid, et de la hausse des taux
La Chine de son côté montre quelques signes de stabilisation, mais l’immobilier reste sous pression
PMI zone euro et France :
L'idée m'est venue de comparer l'évolution du CAC 40 avec les PMI.

Si la corrélation entre les PMI et le CAC 40 (bleu clair) semble évidente, on remarque que le CAC 40 se maintient sur un plateau depuis la fin du S1 alors que les PMI sont en chute et sont passés sous la barre des 50% traduisant le basculement de la zone d'expansion de l'économie vers la zone de contraction de l'économie.
Ce qui laisse craindre une correction du marché boursier à une échéance plus ou moins proche... Échéance dont chaque jour qui passe nous en rapproche toujours un peu plus.
En regardant ce graphique, je pense que, entre les directeurs d'achat et les investisseurs, l'un des 2 se trompe.
Le retour à l’objectif de 2% d’inflation (BCE, Fed) ne se fera pas sans croissance inférieure à la tendance pour quelque temps. Pour l’heure, le principal message reste «plus haut pour plus longtemps».
Le scenario d’atterrissage en douceur reste d’actualité, mais les craintes d’un ralentissement plus marqué émergent.
Sans oublier que les contraintes liées à la "fracture" géopolitique mondiale s’intensifient avec l'extension des BRICS à de nouveaux pays, et les manipulations sur le pétrole exercées par l'OPEP+ (sous la gouverne de l'Arabie Saoudite conjointement avec la Russie, au moins en apparence) entretiennent un pétrole cher qui pèse sur les entreprises.
Les défaillances d'entreprises menacent de s'envoler en 2024
Selon la Banque de France, les défaillances d'entreprises dans le pays ont grimpé de 36,8% en septembre par rapport à la même période l'an passé.
Mais jusqu'à présent, les entreprises emprunteuses ont montré peu de signes matériels de stress, ont déclaré à Reuters deux sources bancaires de haut niveau.
Cette résistance est en partie due aux liquidités injectées dans l'économie pendant la pandémie. Mais les besoins de refinancement ne peuvent être reportés indéfiniment.
Le scenario de l’atterrissage en douceur demeure dominant, même si l’histoire nous montre que cela est très rare dans un contexte de resserrement monétaire sévère. Gare si ce scenario ne prend pas corps.