Jurisprudence Année Lombarde

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Mais il semblerait que depuis 5 mois, notre Cour de cassation ait tout simplement oublié quelques fondamentaux, et tout cela me laisse perplexe et me navre.

Il va juste falloir lui rappeler que les clauses qui fixent un calcul des intérêts sur 360 est une clause abusive, et qu'en pareil cas elle est réputée non écrite. On ne peut plus dès lors calculer les intérêts, si bien que l'intérêt légal sera la seule façon d'y parvenir (article 1907 précité).

En effet, une présentation conforme à l'année civile, à laquelle songe immanquablement le bénéficiaire du crédit, participe à l'obligation de clarté pesant sur l’organisme financier qui s'engage sur le contenu du contrat d’adhésion.

D'où mon conseil : dans un litige “dit lombard“, la solution consistera de plus en plus à argumenter sur l'absence de clarté de “la clause 360“. Le droit européen contient tout un arsenal redoutable en la matière, auquel tout juge ou tout magistrat ne peut pas être insensible, d'autant que la loi l'oblige à relever d'office une clause qui serait abusive (je vous renvoie à tous mes posts sur le sujet).

Je vous conseille une lecture attentive de la Directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 et surtout à un document intéressant diffusé le 27 septembre 2019 par la Commission européenne qui est un digest de cette directive, et présente l’interprétation par la Cour de justice de l’Union européenne des principales notions et dispositions de ladite directive (Journal Officiel de l'Union européenne - 2019/C 323/04 du 27 septembre 2019). Ces documents sont faciles à trouver sur Google.

Juste un petit résumé : la Directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, précise que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles et que, en cas de doute sur le sens d'une clause, doit prévaloir l'interprétation la plus favorable au consommateur (article 5 et vingtième considérant).

L’article 3 de la directive 93/13/CEE est rédigé comme suit :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.
»

De plus, l’article 4, paragraphe 2, de cette même directive doit s’interpréter en ce sens que l’exigence de transparence selon laquelle les clauses contractuelles doivent être rédigées de manière claire et compréhensible implique que l’établissement de crédit fournisse à l'emprunteur des informations détaillées sur le mode de calcul des intérêts.

Ceci à plus forte raison lorsqu'une base de 360 jours est utilisée au lieu de l'année civile, au besoin à partir d’exemples chiffrés, permettant à l'emprunteur de prévoir, sur la base de critères précis et intelligibles, les conséquences d’un tel calcul, notamment s'il s'exerce sur la première échéance incomplète des prêts, et partant de connaître le véritable coût de son emprunt (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2015, affaire C-96/14, Van Hove c/ CNP Assurances, point 50).

À vous de bâtir une argumentation solide lorsque votre prêteur vous a trompé, et sans doute le juge vous donnera raison en faisant de la résistance face à une nouvelle façon de voir de la Haute Cour, qui n'est pas à son honneur.
 
Sp4rDa a dit:
C'est donc pour cela qu'il faut qu'on démontre que leur jugement est illogique.

Le prêteur est un professionnel qui est responsable du contrat qu'il délivre et donc il est parfaitement conscient de ce qui est inclus au contrat et comment il va l'appliquer.

Des lors, le prêteur ne respecte pas son contrat au détriment de l'emprunteur alors, il ne peut se prévaloir de ne pas connaître les règles d'application de celui-ci.

La Cour tente de transposer les règles de TEG au taux conventionnel mais elle ne le fait pas complètement car elle sait que cela impacterait trop fortement la protection des consommateurs.
La règle de la décimale concerne un litige lié au calcul, or le litige de la base de calcul est lié au droit des contrats et des obligations.

Le taux conventionnel exprimé dans le contrat est une notice permettant de retrouver le montant des intérêts. Les démonstrations mathématiques sont nécessaires pour prouver que la banque ne respecte pas ce qu'elle a mit en place...

Par ailleurs, cela reviendrait à expliquer aux emprunteurs que la banque peut modifier le taux conventionnel de façon unilatéral ou appliqué n'importe quel base de calcul à partir du moment où le TEG est respecté à 0.1% pres... En quoi l'impact du TEG serait garant de la protection du contrat ??

C'est exactement ce que je viens d'écrire, mais en d'autres termes :)
 
Sp4rDa a dit:
J'ai répondu sur l'autre fil de discussion, mais je répond ici aussi.

Merci Aristide :)

Il est impossible de retrouver le montant des intérêts avec le TEG, et c'est la que nous devons poser la question à la Cour pour justifier la règle de la décimale en lien avec l'application du taux conventionnel.

la validité du taux conventionnel est conditionné par le taux lui-même (article 1907 du code civil) ainsi que sa base de calcul (annexe de l'article R314-3 du code de la consommation). Donc en toute logique, si l'une de ces deux conditions n'est pas respecté cela équivaut à une absence de taux. Or, la règle de la décimale ne vient absolument pas répondre à la problématique de la validité de ce taux.

Si quelqu'un à la réponse, nous mettrons donc fin au litige de l'année lombarde...

C'est exactement cela... je viens de répondre avant d'avoir lu votre post :)
 
On dira que les “grands esprits se rencontrent“... ouaf ouaf ... sans vanité aucune :)
 
Merci Jurisprudence,

Vos éléments sont tout à fait remarquable, cela dit mes posts sont basés sur du bon sens et je suis heureux de voir que vous m'apportez des éléments concrets !

Effectivement, nous sommes bien sur la même longueur d'onde :biggrin:.
 
Sp4rDa a dit:
Nous pouvons assimiler le montant des intérêts à une recette de cuisine.

Le taux conventionnel est un ingrédient et la base de calcul est l’ustensile qui va permettre d’utiliser ce taux afin d’obtenir le montant des intérêts. Si vous avez le taux conventionnel mais pas la méthode de calcul alors vous ne pourrez pas appliquer le taux correctement et donc il sera impossible de réaliser la recette soit de retrouver le prix à payer.

Autrement dit, si vous devez faire du pain mais que vous n'avez que la farine et pas de four, je pense que vous n'arriverez pas à faire votre pain correctement...à méditer.

Bonsoir Sp4rDa,


Vous avez le sens de la métaphore, c'est amusant.😆

Mais les banquiers font plutôt du beurre que du pain, même s'il est vrai qu'ils ont tendance à nous rouler dans la farine.

Bonne soirée
 
En effet, certaines fois cela aide à prendre conscience de l'énormité d'une situation 😁.
 
Bonjour,
Je voudrais rappeler que la situation était devenu ubuesque.
Certains emprunteurs se voyaient attribuer des remises d'intérêts de plusieurs milliers d'euros et d'autres devaient au contraire payer plusieurs milliers d'euros au titre de l'article 700, et ce, pour des dossiers quasi similaires.
Je n'appelle pas cela la justice mais l'injustice.
Il fallait donc remédier à cette situation qui personnellement m'a choqué dès que j'en ai eu connaissance.
Une ordonnance a été prise par les pouvoirs publics dans ce but.
La Cour de cassation a réagi pour calmer le jeu et c'est à mettre à son actif.
Mais il y a un hic à mon sens: elle a pris une masse pour écraser une mouche.
La tolérance jurisprudentielle de 0,1 point de taux appliqué pour le TEG ne saurait à mon sens couvrir de grossières erreurs de calcul des intérêts.
Par grossières erreurs, j'entends non pas une erreur d'une dizaine d'euros liée à l'utilisation d'un calcul lombard (même illégitime) mais plusieurs centaines d'euros qui résulteraient d'un taux conventionnel non identique à celui du contrat.
En d'autres termes, la tolérance de 0,1 point de TEG couvre la plupart du temps l'oubli de certaines charges obligatoires représentant plusieurs centaines, voire milliers d'euros. Il n'est pas concevable que le calcul des intérêts soit assorti d'une aussi grande incertitude.
Il est vrai toutefois que l'on a jamais vu une banque commettre ce type d'erreur qui reste une hypothèse d'école; raison pour laquelle la Cour de cassation n'a peut-être pas jugé utile d'envisager une telle hypothèse.
 
Un nouvel arrêt vient de paraitre Cass. 1re civ., 11 mars 2020 n°19-10.875....
 
Bonjour,

Cet arrêt a déjà été publié et commenté aux pages 2888 et 2890 ci-dessus:

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Cdt
 
Bonjour,
Au sujet des clauses abusives, une décision de la CJUE:
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Bon lundi de Pâques
 
briceo a dit:
Bonjour,
Au sujet des clauses abusives, une décision de la CJUE:
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Bon lundi de Pâques
Dans la même veine, la CJUE a jugé (5 mars 2020, C-679/18, OPR-Finance) que la violation de l'obligation d'évaluer la solvabilité du consommateur devait être relevée d'office par le juge, sans que puisse lui être opposée une disposition interne subordonnant la sanction à la condition que le consommateur ait soulevé cette nullité dans un délai de 3 ans, une telle disposition rendant impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (points n° 32 et 36 de l'arrêt du 5 mars 2020). En l'espèce, c'est la réglementation tchèque qui opposait cette prescription de trois ans, mais la solution retenue par la CJUE est aussi valable pour le droit français, et c'est un argument à faire valoir lorsque la prescription quinquennale est opposée à l'emprunteur qui agit plus de cinq ans après la signature du contrat.
 
briceo a dit:
Bonjour,
Au sujet des clauses abusives, une décision de la CJUE:
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Bon lundi de Pâques

Cette décision a le mérite de remettre à plat quelques points qui concernent les clauses abusives d'un contrat.

S'il fallait transposer au thème de notre Forum, c'est-à-dire tout ce qui a trait à l'usage par un établissement financier d'une année bancaire de 360 jours pour calculer les intérêts d'un prêt, en partant du principe que ce dernier a intégré dans le contrat une clause stipulant la méthode de calcul qu'il a utilisée, plusieurs points sont à relever :

1) Le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée selon laquelle le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (voir, notamment, arrêts du 4 juin 2009, Pannon GSM, C-243/08, point 22, et du 17 mai 2018, Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen, C-147/16, point 26).

En d'autres termes, on parle d'un contrat d'adhésion, qui se forme par la rencontre de volonté entre un emprunteur et un prêteur, au moment où l'offre est acceptée, devenant dès lors contrat entre les parties. Étant noté que généralement l'emprunteur n'a pas son mot à dire et consent aux conditions sans apporter la moindre observation, ceci d'autant plus fort qu'il ne réalise pas à ce moment-là que l'usage du diviseur 360 serait susceptible de lui causer un quelconque préjudice.

2) Du fait de cette “infériorité“ du consommateur, profane en matière financière, face au sachant qu'est le professionnel prêteur, il appartiendra au juge d'examiner une clause réputée abusive afin de rétablir un équilibre réel dans l’égalité entre les co-contractants, équilibre qui pourrait être trouvé en déclarant non écrite une clause du contrat. Par exemple, la clause fixant l'intérêt conventionnel (contractuel) du prêt (arrêts du 17 mai 2018, Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen, C-147/16, point 29, et du 20 septembre 2018, OTP Bank et OTP Faktoring, C-51/17, point 87).

En pareil cas, la sanction sera une nullité relative du contrat (celui-ci ne pouvant être annulé au regard des conséquences désastreuses pour l'emprunteur qui devrait alors rembourser son crédit), nullité relative qui trouve sa solution dans le droit national avec l'article 1907 du Code civil qui permet au juge de substituer l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel.

Je vous invite à retrouver d'autres précisions dans mes posts récents :

https://www.moneyvox.fr/forums/fil/jurisprudence-annee-lombarde.35089/page-288#post-351621

https://www.moneyvox.fr/forums/fil/jurisprudence-annee-lombarde.35089/page-287#post-351456

https://www.moneyvox.fr/forums/fil/jurisprudence-annee-lombarde.35089/page-286#post-350402
 
Bonjour,
Depuis la dernière décision de la cour de cassation, on peut toujours rêver.:ange:
Bon courage aux audacieux !
 
agra07 a dit:
Bonjour,
Depuis la dernière décision de la cour de cassation, on peut toujours rêver.:ange:
Bon courage aux audacieux !
Bonjour @agra07

Je n'ai pas connaissance d'une décision de la cour de cassation concernant le fait que calculer des intérêts en base 360 serait ou non constitutif d'une clause abusive... ai-je loupé qqch durant ce confinement ?

El crapo.
 
crapoduc a dit:
Bonjour @agra07

Je n'ai pas connaissance d'une décision de la cour de cassation concernant le fait que calculer des intérêts en base 360 serait ou non constitutif d'une clause abusive... ai-je loupé qqch durant ce confinement ?

El crapo.
Bonjour @crapoduc,
Moi non plus, mais je l'attends avec impatience tout en souhaitant bon courage à ceux qui veulent se lancer dans cette aventure à laquelle plusieurs intervenants semblent croire....mais pas moi, en l'état de la jurisprudence de la cour de cassation.
 
crapoduc a dit:
Bonjour @agra07

Je n'ai pas connaissance d'une décision de la cour de cassation concernant le fait que calculer des intérêts en base 360 serait ou non constitutif d'une clause abusive... ai-je loupé qqch durant ce confinement ?

El crapo.
si

cassation du 11 mars 2020 n 19-10.858

« 5. En second lieu, l’arrêt relève que la clause litigieuse est une clause d’équivalence financière et que l’emprunteur ne démontre pas qu’elle créerait un déséquilibre significatif à son détriment. La cour d’appel a pu en déduire qu’elle ne saurait être qualifiée d’abusive. »
 
Bonjour,

croco69t a dit:
si
cassation du 11 mars 2020 n 19-10.858

« 5. En second lieu, l’arrêt relève que la clause litigieuse est une clause d’équivalence financière et que l’emprunteur ne démontre pas qu’elle créerait un déséquilibre significatif à son détriment. La cour d’appel a pu en déduire qu’elle ne saurait être qualifiée d’abusive. »
Sauf erreur de ma part, je ne trouve pas sur le site Légifrance l'arrêt vers lequel vous pointez (19-10858). Pourriez vous confirmer le numéro/référence ou communiquer le lien.
Merci
 
vivien a dit:
Bonjour,


Sauf erreur de ma part, je ne trouve pas sur le site Légifrance l'arrêt vers lequel vous pointez (19-10858). Pourriez vous confirmer le numéro/référence ou communiquer le lien.
Merci
En effet je ne le retrouve pas moi non plus sur Legifrance, pourtant on en a parlé sur cette file en même temps qu'un autre arrêt de la même date, les deux ayant été diffusés (bien entendu) par Jurisprudence ; je retrouve mon commentaire :
Rien de neuf, malheureusement, avec l'arrêt n° 19-10875 ; il confirme la jurisprudence du 27 novembre 2019 n° 18-19.097 : le surcoût lombard de l'échéance brisée n'est sanctionné que s’il entraîne un dépassement du taux stipulé (c'est-à-dire le taux conventionnel) d’au moins une décimale.
Pour ce qui est de l'arrêt 19-10858, ça pourrait être pire : je m'attendais à que la Première chambre juge qu'il n'y avait déséquilibre significatif que s'il y avait dépassement du taux d’au moins une décimale... Elle se contente de s'en rapporter à l'appréciation de la cour d'appel. On verra si elle rejette avec la même motivation le pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Limoges.
 
Bonjour,

Notre ami Goggle donne ceci:

« La cour d’appel a ainsi fait ressortir que n’était pas démontrée l’existence d’un écart supérieur à la décimale prescrite par l’article R. 313-1 du code de la consommation entre le taux mentionné dans le contrat de crédit et le taux réel. Elle en a déduit, à bon droit, sans se contredire, que la demande d’annulation de la stipulation d’intérêts conventionnels devait être rejetée. »

5. En second lieu, l’arrêt relève que la clause litigieuse est une clause d’équivalence financière et que l’emprunteur ne démontre pas qu’elle créerait un déséquilibre significatif à son détriment. La cour d’appel a pu en déduire qu’elle ne saurait être qualifiée d’abusive.

6. Le moyen n’est donc pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X aux dépens ;

En application de l’article 700 [lien réservé abonné] du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.

Cass. 1re civ., 11 mars 2020, n° 19-10.858. Lire en ligne : [lien réservé abonné]

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